FRANCFORT (Reuters) - La Banque centrale européenne (BCE) a relevé jeudi ses taux d'intérêt de 50 points de base et elle prévoit au moins une nouvelle hausse de même ampleur lors de la prochaine réunion, réaffirmant ainsi sa détermination à combattre une inflation toujours trop élevée.

Mais les marchés financiers ont immédiatement interprété ces décisions comme le signe que le cycle de resserrement monétaire pourrait en réalité bientôt s'arrêter.

Sans surprise, la BCE a augmenté d'un demi-point ses trois taux directeurs, le taux de la facilité de dépôt étant ainsi porté à 2,5%, le taux de refinancement à 3,0%, le taux de prêt marginal à 3,25%.

Cette décision porte à 300 points de base au total la hausse des taux d'intérêt dans la zone euro depuis juillet, un resserrement sans précédent dans l'histoire de la monnaie unique justifié par la lutte contre l'envolée des prix, sous le coup de la pandémie de COVID-19 et la crise de l'énergie avec la guerre en Ukraine.

"Compte tenu des tensions inflationnistes sous-jacentes, le Conseil des gouverneurs entend relever de nouveau les taux d'intérêt de 50 points de base lors de la prochaine réunion de politique monétaire, en mars, et évaluera alors la trajectoire future de sa politique monétaire", a déclaré la BCE dans un communiqué.

LES MARCHÉS ESPÈRENT LA FIN DU CYCLE

Carsten Brzeski, responsable mondial de la macroéconomie chez ING, estime que la BCE "ouvre la porte soit à une pause, soit à un rythme de hausse des taux plus lent au-delà de mars".

Cette possibilité s'est traduite sur les marchés pour une chute des rendements des emprunts d'Etat, celui du Bund à dix ans tombant à 2,092% contre 2,2% auparavant, et les actions européennes gagnaient du terrain. Le Stoxx 600 a atteint un plus haut depuis avril et le CAC 40 depuis un an.

Christine Lagarde a toutefois rejeté l'interprétation selon laquelle la décision de ce jour impliquait la fin prochaine du cycle actuel.

"Nous savons que nous avons du chemin à parcourir, nous savons que nous n'avons pas terminé", a déclaré la présidente de la BCE lors d'une conférence de presse.

La déconnexion entre le message de la BCE et l'interprétation faite par les marchés fait écho à celle observé mercredi après que la Réserve fédérale américaine a ralenti le rythme de son resserrement monétaire, reconnu que la désinflation était engagée, tout en réaffirmant que les coûts du crédit devaient encore augmenter.

La BCE va réduire par ailleurs le portefeuille d'obligations de quelque 5.000 milliards d'euros constitué ces dernières années au fil des achats réalisés par la BCE sur les marchés pour assurer le maintien de taux très bas.

Elle a précisé que les réinvestissements restants seront alloués proportionnellement à la part des remboursements de chaque programme d'achats constituant l'APP et ceux des obligations d'entreprises "seront orientés plus nettement vers des émetteurs affichant une meilleure performance environnementale".

PERSPECTIVES MOROSES

Les données économiques récentes dans la zone euro dressent pour le moment un tableau assez contrasté.

La hausse des prix a enregistré une rapide décélération depuis le pic historique de 10,6% atteint en octobre mais l'inflation sous-jacente se maintient à un niveau extrêmement élevé, la croissance des salaires s'accélère, le marché du travail est également tendu et le taux de chômage n'a jamais été aussi bas.

L'économie dans le bloc monétaire a connu une croissance inattendue sur les trois derniers mois de 2022, mais ce résultat est le fruit essentiellement d'un hiver exceptionnellement doux et de la surperformance de l'Irlande.

Et une enquête de la BCE a montré que les banques durcissaient l'accès au crédit dans des proportions inégalées depuis la crise de la dette de 2011.

(Reportage Balazs Koranyi et Francesco Canepa, version française Laetitia Volga, édité par Blandine Hénault)

par Balazs Koranyi et Francesco Canepa