Les investisseurs ont une assez bonne compréhension des différents phénomènes économico-politiques à l'œuvre actuellement. Mais cela ne signifie pas qu'ils sont capables de les articuler entre eux pour disposer d'une visibilité raisonnable. C'est ce qui explique l'ambiance sinusoïdale qui règne actuellement sur les marchés financiers. Les hauts et les bas sont déterminés par l'événement qui fait le plus de bruit à court terme. Et comme les péripéties ne manquent pas en 2022, ça part un peu dans tous les sens. La semaine dernière, on était sur un mélange politique de taux plus souple + atterrissage économique en douceur + réouverture chinoise + prix de l'énergie en baisse. Les investisseurs avaient le sourire. Cette semaine, on est sur politique de taux plus incertaine + craintes montantes sur l'économie en 2023 + réouverture chinoise + prix de l'énergie en baisse. Les investisseurs sont à nouveau en PLS.

Cela se traduit par une troisième séance consécutive de baisse pour un grand nombre d'indices, comme le CAC40, le SMI ou le Stoxx Europe 600 en Europe. Des replis, il faut quand même le souligner, assez modestes au regard de la phase haussière entamée par les indices du vieux continent en septembre. Aux Etats-Unis, le parcours est plus heurté, comme l'illustrent les derniers mouvements. Le Nasdaq 100 américain a presque dilapidé le bénéfice de sa séance phare de la dernière quinzaine, une hausse de 4,6% mercredi dernier. Alors certes, l'indice reste en hausse de 10% sur le point bas du 13 octobre, mais les sources d'énergies viennent à manquer. Un peu comme en Europe, où l'on se prépare à subir le télescopage de la saison froide avec des sources de production d'énergie réduites. Laissez-moi en dire quelques mots.

Chez Zonebourse, il va sans dire qu'une partie de notre plus-value consiste à délivrer de l'information au moment où le lecteur la recherche. Par exemple, je ne serai pas en train d'écrire des trucs plus ou moins pertinents en ce moment même en étant à peine réveillé si je n'étais pas à peu près sûr d'être lu ou écouté au-delà de mon cercle familial ou des gens qui ont pitié de moi. Et c'est plutôt de l'information en temps réel, dont l'intérêt s'amenuise à mesure que les heures passent. Si je vous mets en ligne dans l'après-midi ou le lendemain ce que j'ai écrit ce matin à 6h00, une partie du contenu ne servira plus à grand-chose.

Or hier, quelqu'un de pertinent dans le staff de Zonebourse a lancé un truc du genre "comment vous allez faire pour publier si on a des coupures d'électricité le matin ?". Mon côté cynique a bien été tenté de répondre "mais t'inquiète c'est pas nous qui sommes concernés, c'est les activités peu importantes comme les écoles". Mais je ne l'ai pas fait parce que je me suis senti idiot de ne pas y avoir pensé (notez si vous avez lu la chronique de la veille que je m'étais déjà traité de crétin hier. Je dois faire une petite crise de quelque chose). Donc comment allons-nous faire pour garder le lien informationnel alors que notre activité dépend à la fois de notre capacité à accéder à un ordinateur mais aussi à un réseau opérationnel ? C'est une grande question que nous sommes censés aborder ce matin entre nous en réunion.

Mais si je parle de ça, ce n'est pas pour vous mettre au courant de mon agenda du matin, c'est surtout pour rappeler que se frotter à l'inconnu est une expérience déroutante aux conséquences imprévisibles. On l'a vu avec le coronavirus, pour utiliser un exemple extrême. Mais on le verra peut-être aussi dans les semaines qui viennent en Europe. Lors d'une réunion de crise sur les pénuries énergétiques tenue récemment dans l'agglomération où j'officie comme élu à mes heures perdues, un membre de l'assemblée qui a pas mal bourlingué soulignait que certaines populations sont habituées à vivre avec les pénuries : pas d'eau courante, une alimentation électrique aléatoire… Mais pas nous. En Europe, l'eau coule quand on ouvre le robinet et la lumière s'allume quand on appuie sur le bouton. Personne ne se pose la question de savoir s'il pourra cuire ses aliments quand il veut ou si elle pourra se laver n'importe quand dans la journée. Si cette réalité change, même pour quelques heures certains jours, il faudra au moins ponctuellement repenser la façon dont nous faisons certaines choses. Pour ma part, j'ai quelques idées avant d'avoir à vous faire parvenir cette chronique par colporteur, avec des signaux de fumée ou en montgolfière. Mais ce genre de situation a le mérite de donner de l'importance à des choses que nous tenions pour acquises, nous pose de nouveaux défis intellectuels et pratiques et, plus que tout, réduit la passivité naturelle dans laquelle nous nous complaisons généralement.

Avant que l'électricité ne soit coupée, j'ajoute que ça bouge toujours beaucoup en Chine. Le pays continue à s'agiter pour assouplir sa politique zéro covid, en jouant sur les quarantaines et les tests. Il faut dire que les dégâts économiques de cette politique sont conséquents, comme l'ont encore démontré les statistiques du commerce de novembre publiées cette nuit. Les exportations et les importations sont en net repli et sont encore plus faibles que prévu. Les autorités pronostiqueraient une croissance de 5% l'année prochaine, aux dernières rumeurs. Cela peut paraître élevé, mais c'est sous-optimal pour un pays comme la Chine. Les autorités ont prôné cette nuit une politique monétaire prudente mais "ciblée et énergique". Ce qui veut tout et rien dire.

L'agenda macroéconomique compte deux décisions de politique monétaire aujourd'hui, celle de l'Inde, qui a resserré ses taux comme prévu, et celle du Canada, qui est attendue à 16h00. Pour le reste, la morosité de Wall Street hier a été alimentée par la triple déclaration des patrons de JPMorgan Chase, Bank of America et Goldman Sachs, qui ont tous prévenu que 2023 sera une année de récession parce que le consommateur aura du mal à résister aux coups de boutoir de la combinaison inflation / assèchement de la liquidité. D'ailleurs, c'est ce que continue à dire le marché obligataire américain, qui est historiquement le marqueur le plus pragmatique qui soit. Pour terminer, le pétrole est sous pression, craintes de récession obligent, en dépit des premières conséquences sur l'offre du plafonnement des prix russes par les occidentaux. A ce titre, je vous recommande la lecture d'un article du Financial Times sur les pétroliers bloqués en Mer Noire, qui illustre très bien les conséquences des dernières annonces (conséquences d'ailleurs pas forcément attendues, pour continuer dans la thématique de l'imprévisibilité). Ça s'appelle Comment le plafonnement du prix du pétrole par le G7 a bloqué le Bosphore.

Tout le monde baisse ou presque ce matin en Asie Pacifique, avec des replis compris dans la fourchette 0,5 à 1% au Japon, en Australie et en Chine. Et entre 0 et 0,5% en Inde et en Corée du Sud. Les indicateurs avancés sont mieux lunés en Europe, avec de légers gains possibles à l'ouverture. Le CAC40 démarre étale à 6688 points.

Les temps forts économiques du jour

La production industrielle allemande (8h00) et une nouvelle estimation du PIB de la zone euro au T3 (11h00) sont au programme, avant les données sur le coût de la main d'oeuvre et la productivité aux Etats-Unis (14h30) et une décision de politique monétaire de la Banque du Canada (16h00). Tout l'agenda macro ici. Ce matin, la banque centrale indienne a relevé de 35 points de base son principal taux directeur, pour le porter à 6,25%, comme prévu. Les importations et les exportations chinoises étaient en berne en novembre comme je l'ai précisé précédemment.

L'euro se stabilise autour de 1,0464 USD. L'once d'or aussi, aux environs de 1770 USD. Le pétrole est sous pression, avec un Brent de Mer du Nord à 79,40 USD le baril et un brut léger américain WTI à 74,21 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans varie peu à 3,54%. Le bitcoin s'échange autour de 17 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Adecco : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 29 à 34 CHF.
  • Air Liquide : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 146 EUR.
  • Airbus : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 140 à 132 EUR.
  • Alstom : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 30 EUR.
  • Amundi : Credit Suisse relève son objectif de cours de 51 à 59 EUR.
  • ArgenX : William Blair démarre le suivi à surperformance.
  • Barry Callebaut : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 2350 à 2300 CHF.
  • CTP : Oddo BHF démarre le suivi à surperformance en visant 14,50 EUR.
  • Dassault Systèmes : AlphaValue reste à alléger avec un objectif de cours relevé de 37 à 37,50 EUR.
  • Elis : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 16,50 EUR.
  • Greenyard : ING démarre le suivi à conserver en visant 7 EUR.
  • JDE Peet's : Barclays démarre le suivi à surpondérer en visant 40 EUR.
  • Johnson Matthey : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 2000 GBp.
  • Kering : UBS réduit passe d'acheter à neutre sur Kering en visant 572 EUR.
  • Novozymes : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 500 DKK.
  • PageGroup : Jefferies passe de neutre à sousperformance en visant 400 GBp.
  • Randstad : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours relevé de 36 à 42 EUR.
  • The Swatch Group : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 260 à 275 CHF.
  • Umicore : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 27,50 EUR.
  • Wacker Chemie : J.P. Morgan passe de souspondérer à neutre en visant 104 EUR.
  • Zalando : Deutsche Bank reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 28 à 33 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Un tribunal américain rejette les poursuites engagées contre GSK, Pfizer et Sanofi concernant le Zantac en raison de preuves scientifiques invalides.
  • Airbus abandonne son objectif de livraison d'appareils 2022, mais maintient ses autres objectifs.
  • Engie cherche le cadre adéquat pour une prolongation du nucléaire en Belgique.
  • Crédit Agricole a cédé 63,7% de sa participation dans le Crédit du Maroc.
  • Les Amis de la Terre déposent un appel contre le financement britannique du projet de GNL mené par TotalEnergies au Mozambique.
  • Euroapi avertit sur ses résultats 2022 après la suspension de ses activités à Budapest pour des questions de bonnes pratiques de fabrication.
  • Verallia lance un programme de rachat d'actions de 50 ME.
  • Hoffmann Green Cement certifie et valorise ses crédits carbone avec son partenaire Inuk.
  • Quadient retenu dans le programme britannique G Cloud 13.
  • Waga s'agrandit.
  • Manitou présente sa stratégie hydrogène.
  • Affluent Medical nomme Michel Therin en qualité de président du conseil d'administration.
  • Cybergun émet des ORA-BSA à l'appui de son projet de développement.
  • Fermentalg acteur engagé pour les besoins alimentaires de demain avec le soutien de Bpifrance.
  • Abeo et Medincell ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Partners Group est en train d'acheter une participation de 50,3% dans l'horloger de luxe Breitling, qui prévoit de s'introduire en bourse en Suisse en 2027, rapporte Finews. Par ailleurs, Partners Group a conclu un accord pour vendre la plateforme énergétique CWP Renewables en Australie à Squadron Wind Energy Assets.
  • Glencore prévoit une réduction de sa production en 2023 dans un contexte d'inflation galopante.
  • Novartis signe un accord de licence pour le programme de lutte contre le cancer de MorphoSys.
  • Mastercard approuve un rachat d'actions de 9 Mds$ et augmente son dividende trimestriel de 16%.
  • Taiwan Semiconductor s'attend à 10 milliards de dollars de revenus annuels grâce aux fabs d'Arizona.
  • Apple revoit en baisse ses ambitions sur son véhicule électrique et repousse son lancement à 2026.
  • Les revenus de Netflix vont rebondir l'an prochain après une année 2022 difficile, a estimé le co-CEO Ted Sarandos.
  • Tesla fait des soldes en Chine sur certains modèles.
  • La thérapie combinée de Novartis pour le cancer du sein augmente la survie sans progression dans un essai de phase II.
  • Amazon conclu un accord avec la Commission européenne concernant ses politiques anticoncurrentielles présumées, évitant ainsi des accusations formelles et une amende pouvant aller jusqu'à 10% de son chiffre d'affaires mondial, selon le FT.
  • Une décision à venir du régulateur de la vie privée de l'UE devrait imposer de nouvelles restrictions aux publicités ciblées de Meta Platforms, selon le WSJ.
  • Morgan Stanley licencierait 1 600 employés dans le monde.
  • Shell et BP Plc restructurent leur participation dans le projet Atlantic LNG de Trinidad.
  • Le dernier avion 747 de Boeing doit quitter l'usine d'Everett mardi en fin de journée.
  • Le Tribunal de commerce de Liège révoque le plan de réorganisation judiciaire de DMS Imaging homologué le 9 février 2021, qui fait appel.
  • Country Garden procède à une seconde levée de fonds en un mois, pour un montant cette fois de 4,8 milliards de dollars hongkongais.
  • ABB fournira un système de gestion de l'énergie au projet de potasse de BHP au Canada.
  • Principales publications du jour : … Tout l'agenda ici.

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