J'explique parfois dans ces colonnes que je dispose d'un outil bien plus puissant que l'indice Vix pour déterminer le niveau de tension des marchés. Cet outil, c'est le pifométrator, un puissant algorithme que j'ai développé après avoir vidé une bouteille de génépi et qui consiste à compter le nombre de news qui tombent dans le backoffice Zonebourse entre 17h30 et 6h00 du matin, en doublant l'exercice avec le nombre de recommandations d'analystes publiées sur la même période. Si le volume est ultra-faible, soit le marché est tétanisé, soit c'est la mi-août. Et de fait ce matin, je constate deux choses. Je me suis pris des tombereaux de flotte glacée sur la tête en arrivant au bureau, ce qui écarte le mois d'août. En plus, c'est marée basse sur les dépêches, pendant que les analystes ont opéré un petit repli médiatico-tactique. De tous ceux qui n'ont rien à dire, les plus malins sont toujours ceux qui se taisent. Comme je ne peux pas me permettre le luxe de me taire – il faut bien payer sa pitance – je vous annonce donc officiellement que les marchés financiers sont nerveux, au cas où vous auriez manqué l'information.

Les faillites de SVB Financial et de Signature Bank ont réveillé les vieux démons et les efforts des autorités américaines pour éteindre l'incendie ne sont pas totalement couronnés de succès, même s'il faut bien avouer qu'ils ont déployé les grands moyens. Ainsi le secteur bancaire a-t-il encore lourdement décroché hier, avec de préoccupantes chutes du côté des seconds couteaux : -25% pour Zions, -27% pour Keycorp et Comerica et -62% pour First Republic, le nouveau maillon faible du secteur. Je rappelle ici que les établissements précités ne sont pas forcément en difficultés, mais qu'ils sont pris dans une tempête qui peut malgré tout les mettre à genoux. C'est le retour en force de l'esprit animal, qui supplante les comportements rationnels et qui peut aboutir à des résultats catastrophiques. L'onde de choc SVB a fait s'évaporer 465 milliards de dollars de valorisation bancaire dans le monde, selon Bloomberg. Pour vous donner une idée, c'est presque le PIB de l'Autriche ou la valeur boursière de Meta Platforms.

Le plus bizarre dans tout ça, c'est que Wall Street a assez bien tenu le choc hier. Certes, le Dow Jones et le S&P500 ont un peu reculé, après avoir déjà perdu pas mal de terrain sur les deux séances précédentes. Mais le Nasdaq 100 a repris 0,8%, de façon un peu incongrue. L'indice a profité d'une part de l'absence de valeurs bancaires dans sa composition - évidemment ça aide - mais aussi du report des investisseurs sur les valeurs de la santé, plus défensives, et sur quelques grosses capitalisations technologiques. Miser sur Apple plutôt que First Republic a l'air de faire sens en ce moment. Le troisième élément qui a soutenu le marché américain est la perspective de voir la Fed renoncer à poursuivre la remontée de ses taux. Ça spécule même déjà sur un rétropédalage monétaire, on ne se refait pas.

De ce côté-là, la situation est encore bien confuse et pourrait l'être encore davantage cet après-midi à 13h30 une fois que l'inflation du mois de février aux Etats-Unis aura été publiée. Et là attention, je vais parler un peu chiffres sur un terrain très mouvant depuis ce weekend. Il y a eu un grand chambardement sur le marché des taux depuis l'annonce des mesures d'urgence décidées par les autorités américaines dimanche. Le rendement du 10 ans a chuté de près de 4% à 3,57%, mais c'est l'échéance à deux ans qui suscite le plus d'attention. Elle s'est effondrée de plus de 100 points de base en trois jours, du jamais vu depuis le début des années 80 (ce qui me rappelle ça). On peut tirer plusieurs conclusions théoriques de cette situation : une récession est imminente et le marché ne croit plus trop à un programme encore agressif de remontée des taux. Il pense même que la Fed va commencer à réduire ses taux en juillet. Il peut se passer pas mal de choses d'ici là évidemment, mais disons que l'événement SVB a totalement bouleversé les convictions récentes. Et la perception des investisseurs. Pour autant, la situation est à peu près aussi claire qu'au fond d'une mine de charbon lumière éteinte. D'ailleurs l'échéance US 2 ans fait le yoyo ce matin : après s'être enflammé, il rechute lourdement. Je laisserai à des gens plus compétents que moi le soin de dépatouiller tout ça un peu plus tard. Quant à savoir quel impact précis pourrait avoir l'inflation américaine cet après-midi… mystère. J'imagine que des données plus faibles que prévu renforceraient l'hypothèse d'un assouplissement de la politique monétaire de la Fed. Et que ce serait un beau bordel si l'inflation venait à être plus élevée que prévu.

En attendant, les indicateurs avancés européens évoluent autour de l'équilibre avec un biais haussier, mais on sait que les choses peuvent évoluer très vite dans l'environnement actuel. Hier, l'Europe avait flanché, avec des baisses spectaculaires pour le CAC40 (-2,9%), le DAX (-3%), l'IBEX (-3,5%) et le FTSE MIB (-4%). L'indice européen le plus défensif, le SMI suisse, avait limité son repli à 1,2% (merci Nestlé, Roche et Novartis). Les "futures" américains sont haussiers ce matin à l'heure où j'écris. En Asie Pacifique, Tokyo (-2,2%) et Séoul (-2,6%) accusent le coup et Hong Kong (-1,6%) n'est pas beaucoup plus flambant. Ça baisse aussi à Sydney (-1,4%), à Bombay (-0,4%) et à Shanghai (-0,2%). Le CAC40 gagne 0,2% à 7026 points à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Tous les regards sont braqués sur les chiffres de l'inflation de février aux Etats-Unis (13h30). Tout l'agenda ici.

L'euro se stabilise à 1,0702 USD. L'once d'or a repassé le palier de 1900 USD. Le pétrole souffre, avec un Brent de Mer du Nord à 79,80 USD le baril et un brut léger américain WTI à 74 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans baisse à 3,57%. Le bitcoin bondit autour de 24 503 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • ArgenX : Baird passe de neutre à surperformance.
  • AT&S : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 30 EUR.
  • BE Semiconductor : New Street Research démarre le suivi à l'achat en visant 90 EUR.
  • Brenntag : J.P. Morgan passe de surpondérer à neutre en visant 83 EUR.
  • Chargeurs : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 20 à 22 EUR.
  • Eiffage : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 92 à 112 EUR.
  • ENI : HSBC passe de conserver à acheter en visant 15,20 EUR.
  • Fresenius : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 35 à 33 EUR.
  • Fresenius Medical Care : Jefferies reste à sousperformance avec un objectif de cours réduit de 22 à 21 EUR.
  • Galapagos : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 43,70 à 37,70 EUR.
  • Geberit : Société Générale passe de conserver à vendre en visant 456 CHF.
  • Holcim : Société Générale passe de conserver à acheter en visant 78 CHF.
  • IMI Plc : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 1765 à 1870 GBp.
  • Kardex : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 184 à 202 CHF.
  • OMV : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 66 à 57 EUR.
  • Orsted : DNB Markets démarre le suivi à la vente en visant 470 DKK.
  • Red Electrica : RBC passe de surperformance à performance de marché en visant 18,50 EUR.
  • Schindler : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 265 à 275 CHF.
  • SGL Carbon : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 8,20 à 10 EUR.
  • Sika : Société Générale reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 260 à 290 CHF.
  • SwedenCare : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 34,50 à 29 SEK.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Vivendi négocie avec le groupe IMI de Daniel Kretinsky pour la cession du capital d'Editis. Le projet de distribution aux actionnaires est suspendu.
  • TotalEnergies se désengage d'une importante usine de lubrifiants automobiles et industriels, située en Russie.
  • L'Espagne pourrait annuler le reliquat d'une commande de 27 Airbus A400M pour le transport militaire, selon des sources de défense européennes.
  • Kering Eyewear acquiert le fabricant français UNT.
  • Casino annonce la cession d'une partie de la participation dans Assaí.
  • Icade va céder sa participation dans Icade Santé à Primonial REIM et son portefeuille IHE, en espérant générer 1,2 Md€ de plus-values, dont 710 M€ reversés en dividendes exceptionnels.
  • PCTV signe un contrat de diffusion avec Eutelsat.
  • Hydrogen Refueling Solutions va développer deux stations hydrogène pour HYmpulsion.
  • Tour Eiffel renforce son comité exécutif.
  • Veom va rembourser par anticipation ses OCEANE 2024.
  • Nexity s'associe à Domani pour développer de l'habitat inclusif.
  • Prodware renforce sa présence en Europe avec l'acquisition de Westpole Belux.
  • AB Science publie des données préliminaires positives de phase I/II avec AB8939 dans la LMA.
  • Valbiotis a réalisé la dernière visite du dernier patient inclus dans l’étude Reverse-IT.
  • Le petit coin de la dilution : le prix d'exercice de la 4e période des BSA 2022 d'Adomos fixé à 0,0009 EUR.
  • Elles ont publié / Elles doivent publier : Mersen, Maurel, Assystem, Lanson, Latécoère

Dans le monde

Résultats des entreprises (les commentaires sont donnés à chaud et ne préjugent pas de l'évolution des titres)

  • Generali : le bénéfice net annuel est un peu plus élevé que prévu à 2,91 Mds€.
  • Tod's : prévoit un "excellent" début de saison après avoir dépassé ses prévisions de bénéfices en 2022.
  • United Airlines : la compagnie aérienne prévient qu'elle envisage une perte par action comprise entre 0,6 et 1 USD au T1.
  • Volkswagen : va investir 180 Mds€ dans un plan quinquennal.

Annonces importantes (et moins importantes)

Lectures