Il y a deux choses à retenir de la journée d'hier au niveau financier. D'abord, le monde pétrolier à l'air de prendre au sérieux les menaces occidentales de plafonner le prix du pétrole russe. Les cours de l'or noir ont sévèrement corrigé pour flirter avec leurs plus bas de la fin du mois de septembre dernier, qui étaient eux-mêmes des plus bas depuis janvier 2022. L'objectif du G7 est de forcer Moscou à vendre son pétrole à vil prix, pour réduire ses rentrées de fonds, sans pour autant se couper de la production russe, histoire de ne pas faire flamber le prix du baril. Deux objectifs difficiles à concilier, d'autant que la mise en place n'est pas évidente : comment faire pour forcer un pays à vendre moins cher ? Les Occidentaux comptent sur les courroies de transmission : ils prévoient de refuser de fournir les services de transport, d'assurance et de courtage aux cargaisons qui ne seraient pas vendues sous le prix plancher fixé. Comme l'Europe et les Etats-Unis assurent près de 90% du transport maritime de pétrole russe (lequel représente 70% des exportations du pays, contre 30% aux liaisons directes de type oléoducs), leur pouvoir de pression est conséquent. Je ne vais pas plus loin dans les détails, les prix proposés et les stratagèmes de contournement possible histoire de ne pas en écrire une tartine, mais retenez que le marché du pétrole a accusé le coup même si le dispositif n'a pas été officialisé.

L'autre information qui a façonné le parcours des marchés hier, c'est la publication des "minutes" de la dernière réunion de la Fed. Par "minutes", il faut comprendre "compte-rendu". Quand la banque centrale rend une décision de politique monétaire, elle le fait via un communiqué de presse très calibré. Mais il y a eu des débats en amont, lesquels sont scrupuleusement transcrits et rendus publics trois semaines plus tard. Leur contenu donne davantage d'informations sur l'état d'esprit des banquiers centraux, leur comportement et leurs convictions. Donc des indices additionnels de leurs intentions. Les minutes de la réunion des 1 et 2 novembre dernier confirment la stratégie de "ralentissement hawkish" dont je parlais hier : les discussions montrent que la banque centrale se dirige vers des hausses de taux moins fortes mais que la pente reste ascendante. En termes bureaucratiques et sur la base d'une traduction maison que m'autorise ma formation Speak English classe de 6e (vous vous rappelez, le fameux Where is Brian ?) , cela donne "une majorité substantielle de participants a jugé qu'un ralentissement du rythme de la hausse serait probablement bientôt approprié". C'est cette phrase que le marché a retenu en mode "bouteille à moitié pleine", plus que la suite qui parlait d'une inflation qui montrait peu de signes de ralentissement jusqu'à présent, de déséquilibres entre l'offre et la demande et de taux des Fed Funds qui s'annoncent un peu plus élevés que ce qui était initialement prévu.

Si on mélange ces deux informations, le pétrole et la politique monétaire et qu'on secoue, on se retrouve avec des marchés qui ont terminé en hausse hier. L'Europe et les Etats-Unis ont poursuivi leur rebond sur un rythme moderato, à l'image des indices larges Stoxx Europe 600 et S&P500 en progression de 0,6%. Le Nasdaq 100 a fait un peu mieux en gagnant 1%, tracté par le gros rebond de 8% de Tesla, revenu en grâce auprès de certains bureaux d'analyses après 40% de chute en trois mois. Dans le même temps, le dollar est reparti en baisse et le rendement de la dette américaine sur 10 ans a reculé, confirmant la lecture pro-marché des minutes de la Fed faite par les investisseurs. La banque centrale américaine est parvenue à reprendre le fil de la narration macroéconomique, sans pour autant maîtriser tous les éléments. Elle devrait donc continuer à écrire qu'elle est un peu plus détendue, tout en poussant ses membres, dans leurs interventions publiques, à rappeler qu'elle ne baisse pas la garde. D'où l'expression "ralentissement hawkish" mentionnée plus haut.

Aujourd'hui l'actualité en provenance des Etats-Unis sera totalement tarie par Thanksgiving, qui est une journée chômée. Les unes des médias financiers et technologiques américains, pré-weekend à rallonge, sont toujours tapissées des conséquences de la faillite de la plateforme de cryptomonnaies FTX, qui n'en finit plus d'agoniser. Je n'ai aucune idée de la façon dont les choses vont (mal) finir pour Sam Bankman Fried, mais il me semble qu'on pourrait le remercier pour un certain nombre de choses. D'abord parce qu'il remet un peu en selle les adeptes du "je vous l'avais dit", qui doivent se délecter de l'effondrement d'un pan du château-crypto. Ensuite, car il nous allège un peu le fardeau Elon Musk : si SBF n'occupait pas le centre du jeu médiatico-financier, le patron de Tesla-Twitter serait encore plus omniprésent (peut-on écrire "plus omniprésent"?). Je pense enfin qu'on peut le gratifier pour avoir démontré, une fois encore, que l'habit ne fait pas le moine : pas besoin de costume-cravate pour être un délinquant financier, on peut aussi être habillé comme un sac.

Mais trêve de futilités. Les places d'Asie-Pacifique sont en hausse en fin de parcours. Tokyo, qui était fermée hier pour un jour férié, reprend 1%, tandis que Sydney est moins fringante, pénalisée par des valeurs liées à l'énergie et aux matières premières qui accusent le coup de la baisse du pétrole. L'ASX finit malgré tout à +0,14%. En Chine, Shanghai perd un peu de terrain mais Hong Kong reprend 0,5%. La Corée du Sud et l'Inde sont elles aussi bien orientées. Les indicateurs avancés européens sont malgré tout hésitants à l'heure où j'écris. Le CAC40 gagnait 0,08% à 6684 points peu après l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

L'indice Ifo du climat des affaires en Allemagne (10h00) et la publication du compte tendu de la dernière réunion de la BCE (13h30) animeront la séance. Tout l'agenda macro ici.

L'euro rebondit à 1,0440 USD. L'once d'or aussi, à 1754 USD. Le pétrole reprend un peu de terrain après son repli de la veille, avec un Brent de Mer du Nord à 84,86 USD le baril et un brut léger américain WTI à 77,70 USD. Le rendement de la dette américaine sur 10 ans se détend à 3,69%. Le bitcoin remonte à 16 600 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Aedifica : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 80 EUR.
  • Alcon : Julius Bär reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 76 à 73 CHF.
  • Icade : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 40 EUR.
  • Klingelnberg : Credit Suisse reste à surperformance avec un objectif de cours relevé de 23 à 25 CHF.
  • Knorr-Bremse : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 48 à 53 EUR.
  • LEG Immobilien : Morgan Stanley passe de pondération en ligne à surpondérer en visant 89 EUR.
  • LondonMetric : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 185 GBp.
  • Prosafe : ABG reprend le suivi à l'achat en visant 250 NOK.
  • PSP Swiss Property : Morgan Stanley passe de souspondérer à pondération en ligne en visant 100 CHF.
  • Rainbow Rare Earth : Berenberg entame le suivi à l'achat en visant 33 GBp.
    Saipem : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 1 à 1,40 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Kering confirme le départ du directeur créatif de Gucci, Alessandro Michele.
  • Stellantis envisage de produire des VE compacts en Inde, selon son PDG.
  • Renault signe un énorme contrat d'électricité solaire avec Voltalia.
  • Engie a signé avec Google un contrat d'achat d'électricité de 100 MW, d'une durée de 12 ans, dans le cadre du développement d'un projet éolien offshore au large de l'Ecosse.
  • Orange a signé avec 27 banques le refinancement de sa ligne de crédit syndiquée de 6 Mds€, qui intègre désormais des critères de performance durable.
  • Schneider Electric décroche un financement relais de 3 milliards de dollars pour le rachat d'Aveva.
  • Teleperformance discute avec la fédération UNI Global Union pour améliorer son empreinte sociale. 
  • La filiale Concessions de Vinci renforce sa participation dans la concession du pont Rion-Antirion en Grèce, dont elle était déjà propriétaire exploitante.
  • Luc Rémont prend officiellement aujourd'hui les commandes d'Electricité de France, dont les minoritaires seront rachetés par l'Etat à 12 EUR l'action. L'OPA simplifiée aura lieu du 24 novembre au 22 décembre. Par ailleurs, EDF Renewables met en ligne un projet éolien offshore de 480 MW.
  • Rémy Cointreau dépasse les attentes au premier semestre.
  • Eurazeo annonce le premier closing du fonds dédié à l’infrastructure de transition.
  • CGG remporte une extension pluriannuelle de son centre d'imagerie dédié pour Brunei Shell Petroleum.
  • Elior discute d'un potentiel rapprochement avec son premier actionnaire Derichebourg, selon des rumeurs provenant de Bloomberg. Derichebourg a demandé la suspension de son titre en bourse, le temps de réagir officiellement.
  • Soitec confirme ses objectifs annuels après une hausse de son bénéfice net et de son chiffre d'affaires résultats au premier semestre fiscal.
  • Predilife lance des tests Mammorisk à l’Institut d’Oncologie de la Vénétie.
  • Lexibook présente de nouveaux produits.
  • MedinCell obtient un prêt de 40 M€ auprès de la Banque européenne d'investissement.
  • Autres publications : LDC, Manutan

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Le prétendant de Toshiba envisagerait une offre plus basse après des bénéfices faibles.
  • Deere a bondi de 5% après ses bons trimestriels.
  • Manchester United a flambé de 26% hier à Wall Street, alors que la famille Glazer a mis en vente le club de football.
  • Tesla a repris 8% après un retour en grâce auprès de certains analystes.
  • EasyJet et Halfords cherchent à embaucher des travailleurs plus âgés dans un contexte de déclin de la main-d'œuvre au Royaume-Uni.
  • Audi (Volkswagen) et d'autres marques suspendent leurs activités payantes sur Twitter.$
  • Vista Equity aurait des vues sur Coupa Software, selon Bloomberg.
  • Amazon va augmenter ses livraisons à pied et ajouter des vélos de transport au Royaume-Uni.
  • BYD va augmenter les prix de certains modèles de véhicules à énergie nouvelle.
  • Principales publications du jour : Adevinta, Rémy Cointreau, Intertek, Kingfisher, DR. Martens, Jet2Tout l'agenda ici.

Lectures