PARIS (awp/afp) - Persona non grata sur les marchés financiers il y a dix ans, la Grèce a fait son retour en grâce cette année auprès des investisseurs qui montrent de l'appétit pour la dette souveraine du phénix hellénique.

Scénario jusqu'alors totalement improbable, la Grèce a émis cette semaine une obligation à trois mois à un taux négatif (-0,02%), une première.

Traduction: les prêteurs sont disposés à perdre de l'argent pour faire crédit à la Grèce, comme c'est déjà le cas sur d'autres emprunts souverains de la zone euro à court voire long terme.

Les taux des obligations grecques sont ces derniers mois à leurs plus bas niveaux, dans le sillage d'une inflexion généralisée des rendements en zone euro.

Mais sur les échéances à plus long terme, les emprunts souverains grecs restent positifs, contrairement à bien d'autres pays jugés plus solides, comme l'Allemagne et la France.

"La dette périphérique européenne, comme l'Italie et la Grèce, sont des choix évidents dans le domaine obligataire", écrit Nordea AM dans une note. Surtout dans un contexte de taux bas où les investisseurs peinent à rémunérer correctement leurs avoirs.

Signe de l'attrait pour ses titres souverains, la Grèce a levé mardi 1,5 milliard d'euros lors d'une émission obligataire à 10 ans, la seconde de l'année de ce genre, à un taux de 1,5%. Les acheteurs ont été à plus de 63% des gérants de fonds, une proportion qui illustre l'appétit du monde financier pour les titres grecs.

En mars, pour son premier emprunt à 10 ans depuis le début de la crise financière en 2010, Athènes avait levé 2,5 milliards d'euros à un taux de 3,9%. Les offres avaient alors dépassé 11,8 milliards d'euros.

"On est au tout début, les montants des émissions grecques ne sont pas très élevés. Mais la demande est forte", observe Antoine Lesné, responsable stratégie et recherche chez SPDR ETF.

Pourquoi un tel engouement? C'est précisément "le dernier endroit en zone euro où il reste un petit peu de rendement", souligne le spécialiste.

L'emprunt grec à 10 ans rapporte ainsi actuellement 1,4%. "C'est le pays qui paie le plus de la zone euro" même si c'est moins que les 4% du début d'année, abonde Marie-Anne Allier, gérante obligataire chez Carmignac, société de gestion d'actifs positionnée sur la dette grecque depuis 2014.

La performance est bel et bien au rendez-vous: la valeur de l'obligation 2029 a pris 25% depuis son émission le 7 mars.

Confiance restaurée

"Même si certains investisseurs restent échaudés par le profil de risque du pays", noté B+ (catégorie hautement spéculative) depuis l'été 2018 par l'agence Standard and Poor's Global Ratings, "la Grèce est de plus en plus considérée par les financiers comme un actif +investissable+", analyse Cyriaque Dailland, gérant chez Sanso IS.

"Le plan de sauvetage mis en place par la +troïka+ (Commission Européenne, BCE, FMI) au début de la décennie, y est pour beaucoup. Mais pas seulement", estime l'expert.

A coups de larges réformes structurelles et au prix de vives tensions sociales, le pays a réussi à redresser son économie minée par la crise financière de 2008.

"Les relations se sont apaisées à la fois avec les investisseurs et l'Union européenne", constate Mme Allier.

Jeudi, la Commission européenne a marqué sa confiance en donnant son feu vert à un plan de la Grèce visant à réduire les importantes créances douteuses pesant sur le bilan des banques.

Sortie des programmes d'aide de ses créanciers en août 2018, "la Grèce d'aujourd'hui n'est plus celle d' il y a 5 ou 10 ans", fait valoir la spécialiste pour qui, si "le plus dur a été fait", "des défis demeurent".

La République hellénique est réapparue sur les marchés dès 2014, sur des maturités à 5 ans puis en mars 2017 et de façon plus régulière depuis.

"Pour elle, c'est très important de continuer à assurer une présence sur les marchés car le but ultime c'est de pouvoir totalement se dégager des aides publiques et de se financer normalement", souligne Mme Allier.

La Grèce n'est pas encore au stade de réintégrer les indices (des paniers d'obligations fournis aux investisseurs) qui répondent à des critères stricts, dont celui pour l'émetteur d'être noté de bonne qualité.

Le 25 octobre, Standard and Poor's Global Ratings doit rendre son verdict sur la notation de la Grèce.

afp/rp