Mais on démarre par quelques éléments de contexte. Les marchés actions ont perdu du terrain hier. Les investisseurs sont toujours tiraillés entre leur inclinaison naturelle à profiter de cours encore inférieurs à ceux du début de l'année, et des poussées d'angoisse liées à la géopolitique, à l'inflation et aux lendemains incertains. Le regain de tension est venu du marché énergétique, où les prix sont repartis en vive hausse après que Vladimir Poutine a demandé à ce que la facture de gaz russe des pays qui contestent la guerre en Ukraine soit honorée en roubles. Une façon d'atténuer le poids des sanctions sur la devise russe, en forçant la main des Occidentaux. Cette éventualité avait déjà été évoquée par le passé et fait écho à d'autres mesures comme la faculté proposée par le Kremlin de rembourser les dettes en rouble plutôt qu'en dollar ou en euro. Depuis le début du conflit, on sait que la dépendance européenne aux énergies fossiles russes est le principal levier de Poutine. Il aurait tort de s'en priver.

La nécessaire transition énergétique européenne fait partie d'une série de bouleversements identifiés par Bank of America, qui n'y va pas par quatre chemins quand il s'agit de qualifier la période que nous vivons actuellement en Europe. J'avoue que je partage beaucoup des éléments qui sont mis en avant, pas parce que je suis particulièrement compétent mais plutôt parce qu'ils procèdent du bon sens. Que nous dit l'équipe basée à Londres de la banque américaine ? Eh bien que nous traversons l'un de ces rares événements de l'histoire qui vont remodeler la géopolitique, les sociétés et les marchés. Une occasion pour la vieille Europe de "devenir plus indépendante et de redéfinir nombre de ses secteurs et paradigmes économiques". C'est une belle opportunité, mais il faudra tôt ou tard passer à la caisse. Certains secteurs vont traverser de sales moments en voyant leurs coûts exploser. Les Européens à faible revenus vont probablement trinquer.

Bank of America identifie sept tendances de fond, qui vont me donner l'occasion de réviser les adverbes ordinaux latins. Primo, les dépenses de défense vont croître. Pas besoin d'être particulièrement extralucide pour le comprendre. 150 à 200 Mds€ par an en plus pour l'industrie, selon BofA. Secundo, l'ESG prendra une forme plus concrète et devrait davantage intégrer les "S" et le "G" avec le "E". Tertio et quarto (je les mélange parce qu'ils sont intimement liés), la priorité ira à l'indépendance énergétique et prendra plus de temps qu'on ne le pense généralement, tandis que la transition énergétique en sera accélérée par nécessité. Quinto, l'Europe va investir lourdement dans la relocalisation et la sécurisation de son approvisionnement. Sexto, la grande industrie à forte intensité énergétique risque de devoir s'expatrier, tandis que les industries de ce type à portée locale comme le ciment vont devoir apprendre à vivre avec des marges plus faibles. Et septimo (OK, j'ai triché pour Septimo, je suis aller regarder sur le web parce que je ne n'en souvenais pas), l'inflation et les taux seront plus élevés pour un moment, ce qui sera positif pour les banques mais pas pour l'immobilier, les Européens les plus pauvres et la vente de détail.

J'en profite pour vous glisser la liste des valeurs que BofA aime bien pour miser sur ces thématiques : Thales, Saab, Rheinmetall, Hensoldt, Shell, Equinor, Vestas, Siemens Energy, RWE, Terna, Saint-Gobain, Kingspan, Sika, Signify, Neste, Aker Carbon Capture, Air Liquide, Pod Point, Vitesco, Mercedes, DSV, Maersk, Siemens, Hexagon, Dassault Systèmes, AVEVA, AutoStore, Infineon, STMicroelectronics, ASML, ASM International, BE Semiconductor, NatWest, DNB.

La semaine se termine avec la virée de Joe Biden en Europe. A Bruxelles d'abord, puis en Pologne vendredi. Le président américain n'avait probablement pas prévu d'endosser un costume de chef de guerre, comme le souligne la presse ce matin, mais il n'a pas vraiment eu le choix. L'oncle Sam à la rescousse, c'est du déjà-vu. N'est-ce pas Michel Sardou ? (quoique la version de Renaud est bien plus drôle). Les prix de l'énergie vont probablement être très volatils aujourd'hui, puisqu'il se dit que Joe Biden amène dans ses valises de nouvelles sanctions contre la Russie mais aussi une ébauche de projet pour réduire la dépendance européenne au gaz russe.

Ce 24 mars coïncide aussi avec la réouverture de la Bourse de Moscou, où les actions n'ont plus coté depuis le 25 février. Une réouverture partielle et encadrée, qui concernera 33 entreprises. Et encore, la vente à découvert sera bannie et seuls les résidents russes pourront passer des ordres à la vente. Pendant ce temps, la retraite de Russie continue pour les entreprises occidentales. Renault, qui résistait encore à la pression internationale, a fini par lâcher en fermant sa filiale locale Avtovaz, qui est aussi le premier constructeur russe, mieux connu via certaines de ses marques comme Lada. D'ailleurs, on découvre tous les jours que des entreprises qui essayaient de se faire oublier n'ont pas encore totalement décidé si elles se conformaient strictement aux sanctions internationales ou si elles allaient au-delà en cessant toute activité.

Mais revenons-en à la séance du jour, avec une ambiance prudente ce matin avant les premiers échanges, même si les indicateurs de préouverture laissent présager une ouverture légèrement haussière. En Asie, le Nikkei a clôturé en hausse de 0,25% au Japon, pendant que les places chinoises évoluent en léger repli. Le CAC40 gagne 0,3% à 6600 points peu après les premiers échanges.

Les temps forts économiques du jour

Les indicateurs PMI Flash des grandes économies mondiales pour le mois de mars seront publiés tout au long de la journée. Ils déterminent le moral des directeurs d'achats de grandes entreprises. Aux Etats-Unis, sont également programmées les commandes de biens durables et les inscriptions hebdomadaires au chômage (13h30). Tout l'agenda macro ici.

L'euro repasse sous la barre de 1,10 USD, à 1,0981 USD. L'once d'or remonte autour de 1940 USD. Le pétrole reste ferme, avec un Brent de Mer du Nord à 121,23 USD et un brut léger américain WTI à 114,25 USD. Le rendement de la dette américaine se modère un peu à 2,35% sur 10 ans, pendant que la dette allemande offre un coupon de 0,46% sur la même durée. Le bitcoin se négocie autour de 42 900 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Aker BioMarine : Nordea démarre le suivi à l'achat en visant 60 NOK.
  • Amundi : Citigroup réduit son objectif de cours de 88 à 80 EUR.
  • Bechtle : Jefferies passe de conserver à l'achat en visant 63 EUR.
  • Befesa : Morgan Stanley démarre le suivi à surpondérer en visant 81 EUR.
  • Beiersdorf : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 109 à 111 EUR.
  • British American Tobacco : J.P. Morgan passe de neutre à surpondérer en visant 4000 GBp.
  • Danone : Berenberg reste à la vente avec un objectif de cours réduit de 54 à 50 EUR.
  • Dometic : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 123 à 120 SEK.
  • Drax : Jefferies passe d'acheter à conserver en visant 700 GBp.
  • Enel : Jefferies passe de conserver à achat en visant 7 EUR.
  • eQ Oyj : Inderes passe d'accumuler à alléger en visant 27 EUR.
  • Freenet : Oddo BHF démarre le suivi à neutre en visant 25 EUR.
  • Gurit : UBS reste à la vente avec un objectif de cours réduit de 1500 à 1450 CHF.
  • Interroll : UBS passe de vendre à neutre en visant 3300 CHF.
  • JDE Peet's : Berenberg passe de conserver à vendre en visant 24 EUR.
  • L'Oréal : Jefferies passe de conserver à sousperformance en visant 314 EUR.
  • Nemetschek : Baader Helvea reste à accumuler avec un objectif réduit de 105 à 95 EUR.
  • Orsted : Jefferies passe de sousperformance à conserver en visant 750 DKK.
  • Rightmove : RBC passe de sousperformance à performance de marché en visant 630 GBp.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Engie va céder une partie de sa participation dans Gaztransport & Technigaz, pour descendre de 20 à 12%.
  • Renault cède à la pression et stoppe l'activité de son usine russe et étudie l'avenir de sa participation majoritaire dans Avtovaz. Le constructeur a réduit ses prévisions 2022.
  • TotalEnergies révise ses objectifs de production.
  • Carrefour a placé 1,5 Md€ d'obligations durables.
  • Stellantis et LG Energy produiront des batteries au Canada.
  • Sanofi arrête les dépenses en Russie, hors vaccins et médicaments "essentiels".
  • Danone maintient sa position en Russie et continue de produire ses biens essentiels.
  • Sodexo examine "différentes options" au sujet de la situation en Russie et en Ukraine.
  • CGG remporte un contrat au Brésil.
  • Spie prend en charge la gestion des installations techniques de Siemens Healthineers.
  • Trigano, Hexaom, Aubay, Visiativ, Roche Bobois, NRJ Group, Reworld, ont publié leurs comptes.

Dans le monde

Annonces importantes (et autres)

Lectures