par Aftab Ahmed, Nupur Anand et Chris Thomas

NEW DELHI/BOMBAY, 2 février (Reuters) - Les actions des sociétés du conglomérat indien Adani ont accusé un nouveau plongeon jeudi en Bourse après l'abandon d'un projet de cession de titres d'un montant de 2,5 milliards de dollars (2,2 milliards d'euros), ce qui porte désormais à plus de 100 milliards de dollars de capitalisation boursière l'ampleur des pertes du groupe dirigé par Gautam Adani.

L'annulation du projet de ventes d'actions d'Adani Enterprises constitue non seulement un coup dur pour le milliardaire indien mais il suscite également des interrogations sur l'impact des déboires du conglomérat sur le système financier du pays.

Adani fait face depuis la semaine dernière à des accusations de fraudes comptables de la part de la société d'investissement américaine Hindenburg Research, spécialisée dans la vente à découvert, selon laquelle le conglomérat indien a utilisé des entités fictives offshores dans des paradis fiscaux aux Caraïbes notamment "dans le but apparent de générer un chiffre d'affaires fictif ou illégitime et de détourner l'argent des sociétés cotées".

Le conglomérat indien, qui a noué des partenariats avec des groupes étrangers de premier plan comme TotalEnergies et des investisseurs tels que l'International Holding Company d'Abu Dhabi, dans le cadre du développement à l'international de ses activités allant des ports aux mines en passant par l'énergie, rejette les accusations à son encontre.

Le conglomérat a décidé de retirer mercredi soir son offre de 2,5 milliards de dollars d'actions d'Adani Enterprises, qui avait été sursoucrite, alors que les critiques émises par Hindenburg s'intensifiait.

L'action Adani Enterprises a plongé de près de 20% jeudi, se négociant à son plus bas niveau depuis mars 2022. D'autres sociétés du conglomérat ont également été mises sous pression: Adani Ports and Special Economic Zone a perdu 5%, tandis qu'Adani Total Gas, Adani Green Energy et Adani Transmission ont chuté chacun de 10%.

Depuis la publication du rapport de Hindenburg le 24 janvier, l'ensemble des sociétés du conglomérat ont perdu près de la moitié de leur valeur boursière. La société Adani Enterprises, présentée comme un incubateur des entreprises d'Adani, a perdu à elle seule 24 milliards de dollars de capitalisation boursière.

La débâcle boursière du conglomérat a fait perdre à Gautam Adani, âgé de 60 ans, son rang d'homme le plus riche d'Asie et de troisième fortune mondiale, selon le classement Forbes, qui le relègue désormais à la 16e place dans le monde.

RISQUE SYSTÉMIQUE? "Si Adani ne parvient pas à regagner la confiance des investisseurs institutionnels, les actions (du conglomérat) seront en chute libre", a souligné Avinash Gorakshakar, responsable d'études chez Profitmart Securities, une société basée à Bombay.

Cet effondrement suscite des inquiétudes sur un éventuel impact plus large sur le système financier indien.

La banque centrale indienne a demandé aux banques locales des informations sur leur exposition au groupe Adani, a appris Reuters de sources gouvernementales et bancaires.

Sur l'exercice fiscal clos en mars 2022, CLSA estime que les banques indiennes étaient exposées à environ 40% sur la dette de 2.000 milliards de roupies (23,31 milliards d'euros) du conglomérat Adani.

La division gestion de patrimoine de Citigroup a cessé d'accorder des prêts sur marge à ses clients pour l'achat de titres Adani et a décidé de ramener à zéro le ratio prêt sur la valeur de l'actif acheté pour les crédits destinés aux titres Adani, a déclaré jeudi une source.

Au Parlement indien, une partie de l'opposition a réclamé la tenue d'un débat sur le rapport de Hindenburg. Le parti du Congrès, pour sa part, a demandé la création d'une commission parlementaire mixte ou l'ouverture d'une enquête supervisée par la Cour suprême sur le sujet.

(Reportage Chris Thomas, Nallur Sethuraman, Tanvi Madan, Ira Dugal, Aftab Ahmed, Sumeet Chatterjee, Anshuman Daga, Summer Zhen, rédigé par Aditya Kalra, version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)