Le rebond estival des indices boursiers a-t-il pris fin vendredi ? C'est la nouvelle question à la mode du début de la semaine, et je vous donne la réponse en avant-première : personne n'en sait foutre rien. Ce qui est certain, c'est que la plupart des marchés actions ont réduit les pertes amoncelées sur les cinq premiers mois de 2022 et que deux camps principaux s'affrontent. Le premier pense que le gros des mauvaises nouvelles macroéconomiques est passé et que les actions offrent de belles opportunités. Le second pense que l'embellie estivale est un feu de paille baptisé "bear market rally", c’est-à-dire un rebond éphémère dans une phase descendante pour les indices.

Ces dernières semaines, les haussiers ont fait des bras d'honneur aux baissiers. Mais depuis quelques jours, ça n'a pas plus l'air d'être la même musique. La séance de vendredi a été marquée par une forte correction des indices aux Etats-Unis, un mouvement probablement accentué par la compensation mensuelle des produits dérivés. Les investisseurs ont l'air d'avoir réalisé que la bataille contre l'inflation n'était peut-être pas encore gagnée, ce qu'illustre le bond du rendement des obligations d'Etat américaines à 10 ans, qui flirte à nouveau avec 3% alors qu'il naviguait autour de 2,8% il y a 48h00. La courbe des taux est toujours inversée, ce qui est le signe d'une phase de récession économique. Du coup le mot stagflation revient au goût du jour après avoir disparu des radars médiatiques depuis le début de l'été.

Bank of America a apporté sa petite pierre à l'édifice du "bear market rally" vendredi en soulignant que les 43 "rebonds en marché baissier" recensés depuis 1929 ont duré en moyenne 39 jours pour une hausse de 17,2%. Celui qui a démarré le 16 juin dernier en est à 41 jours et 17,4% de hausse. La banque écrit pour seul commentaire "textbook", ce que je pourrai traduire par "ça colle avec le manuel". Un peu plus bas, elle ajoute quand même que ce type de rebond est toujours "étroit", c’est-à-dire cantonné à quelques secteurs (et de fait, 30% des gains du rebond de Wall Street reposent sur Apple, Microsoft, Amazon et Tesla). D'ailleurs, les actions américaines ont représenté 86% de la progression des actions mondiales sur la période récente, selon la même source.

Alors bien sûr, les acteurs du monde financier adorent chercher des récurrences aux mouvements des marchés actions. Parce qu'il y en a, c'est évident, mais probablement aussi parce que cela donne l'impression d'avoir une forme de contrôle sur les événements. Et bien sûr, les statistiques ont raison jusqu'à ce qu'elles aient tort, d'où un retour à la réponse de la première ligne du texte : personne ne sait vraiment si la journée de vendredi était une séance pivot. Mais côté ambiance, la nervosité est montée d'un cran, d'autant que le mois de septembre n'a pas très bonne réputation en bourse. Il faut bien surveiller deux caps considérés par les financiers comme annonciateurs de problèmes : la remontée du pétrole au-delà de 100 USD et un rendement des Treasuries 5 ans qui repasserait au-dessus de 3,20% (il se situe ce matin à 3,11%).

On passe maintenant à quelques nouvelles du monde économique. En Chine, deux informations émergent ce matin. La première est plutôt positive : le banque centrale chinoise a réduit de 15 points de base le taux des prêts de base à 5 ans, qui sont la référence pour les prêts immobiliers. Cette baisse est un peu plus forte que prévu et s'accompagne des premières mesures de soutien des collectivités aux promoteurs. La seconde est moins porteuse : la province du Sichuan, connue pour son agriculture, son poivre et ses usines de batteries, doit rationner l'électricité à cause de la sécheresse, qui a fait chuter la production hydroélectrique. Plusieurs industriels comme la star des batteries automobiles Contemporary Amperex Technology ont dû fermer temporairement des usines. Ce qui n'arrange probablement pas les affaires du grand meccano approvisionno-inflationiste mondial. Pour la partie énergétique, la Chine devrait pallier le problème en faisant cracher les usines à charbon. Ben oui, celles qui contribuent à accentuer la sécheresse. Ça a l'air bête écrit comme ça, mais il faut bien produire ce qu'on achète par ici.

Autre désordre peu encourageant pour les prix, les dockers du plus grand port de fret anglais ont démarré hier une grève de huit jours. Ils demandent des hausses de salaire pour compenser l'inflation, qui a atteint 10,1% en juillet outre-Manche. Ce qui illustre très bien le mécanisme de spirale inflationniste prix-salaires redouté par certains économistes. Enfin, les Etats-Unis, l'Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont discuté des conditions de la relance de l'accord sur le programme nucléaire iranien de 2015, seule possibilité de voir le brut iranien venir gonfler la production mondiale et, c'est en tout cas le plan j'imagine, réduire le prix du baril.

Quelques mots de l'agenda macroéconomique. Les investisseurs suivent de près le moral des directeurs d'achat de grandes entreprises, qui est un indicateur fiable des tendances économiques : les indicateurs PMI d'août seront publiés mardi pour les pays occidentaux. Aux Etats-Unis, les commandes de biens durables (mercredi) et l'inflation PCE (vendredi) permettront d'affiner les pronostics sur les intentions de la Fed. Une Fed qui sera au centre du jeu du symposium de Jackson Hole du 25 au 27 août, sorte de fiesta estivale des banquiers centraux, qui est l'occasion de passer quelques messages aux marchés. Les financiers pensent que Jerome Powell, le patron de la banque centrale américaine, va conserver un ton sévère, à l'image des dernières sorties de ses troupes. Vendredi, le président de la Fed de Richmond, Thomas Barkin, a contribué à peser sur Wall Street en soulignant que la récession ne poussera pas la Fed à renoncer à sa politique restrictive si le combat contre l'inflation n'est pas gagné. Le gros discours de Powell à Jackson Hole est prévu à 16h00 vendredi. Autant dire que les investisseurs ont le temps de gamberger jusque-là.

Les indicateurs avancés sont orientés en baisse ce matin. En Asie Pacifique, Japon, Corée, Australie et Inde baissent. La Chine continentale fait un peu cavalier seul, mais c'est le cas depuis des semaines. Mais plutôt à l'envers, puisque l'indice MSCI China a perdu 9% depuis le 16 juin, alors que le MSCI World a repris 9%. Le CAC40 perdait 0,7% à 6447 points peu après l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

L'indice d'activité de la Fed de Chicago sera publié à 14h30. A part ça... Tout l'agenda macro ici.

L'euro poursuit son recul 1,0038 USD. L'once d'or baisse aussi à 1746 USD. Le pétrole est relativement stable, avec un Brent de Mer du Nord à 95,60 USD le baril et un brut léger américain WTI à 89,40 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans se tend à nouveau à 2,98%. Le bitcoin recule à 21 422 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Geberit : Mirabaud passe de conserver à acheter en visant 660 CHF.
  • Grand City Properties : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 26 à 19 EUR.
  • Gurit : Research Partners reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 160 à 130 CHF.
  • IWG : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 310 à 255 GBp.
  • NIBE Industrier : ABG passe d'acheter à conserver en visant 100 SEK.
  • Meyer Burger : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 0,75 à 0,85 CHF.
  • Norden : ABG passe d'acheter à conserver en visant 470 DKK.
  • Royal Unibrew : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 723 à 704 DKK.
  • Swiss Life : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 635 à 650 CHF.
  • Swissquote : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 195 à 163 CHF.
  • Tecan : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 536 à 483 CHF.
  • Zur Rose : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 290 à 95 CHF.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • TotalEnergies sélectionne Technip Energies et Clough pour son projet Papua LNG.
  • La FDA américaine accorde le statut de dispositif innovant au système rapide d'antibiogramme Specific Reveal de BioMérieux.
  • TF1 et M6 Métropole Télévision ont proposé de conserver des régies publicitaires séparées en télévision linéaire pendant une durée de 3 ans pour faire accepter leur fusion, selon Le Figaro.
  • L'expert indépendant a été nommé dans le cadre de l'OPA sur Bluelinea : il s'agit de Finexsi.
  • Néovacs rembourse son passif de 3,3 M€ et clôture son plan de redressement nettement en avance sur le calendrier prévu.

Dans le monde

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