Créée en 1987, Middlenext fédère et représente 350 PME et ETI cotées sur Euronext et Euronext Growth, tous secteurs d'activités confondus. Dirigée par Caroline Weber et présidée par David Buffelard (Upergy), l'organisation compte 130 membres, des sociétés dont la capitalisation boursière est inférieure à 5 milliards d'euros. Référent des pouvoirs publics quand il s'agit de défendre l'intérêt des valeurs moyennes cotées, l'association propose des solutions concrètes pour lever les obstacles et les rigidités réglementaires tout en préservant l'écosystème des sociétés. Middlenext accompagne également les dirigeants d'entreprises dans leur cotation. Alors que les transferts des sociétés d'Euronext vers Euronext Growth se multiplient, nous souhaitions mieux comprendre les causes du phénomène.

Caroline Weber, dans quel état d’esprit se trouvent les dirigeants de PME et ETI cotées en cette fin d’année très particulière ?

"Beaucoup d’entreprises se retrouvent fragilisées à cause de la crise sanitaire et les dirigeants sont plus que jamais occupés à piloter de très près leurs entreprises. Ils n’ont vraiment pas besoin que l’on rajoute des couches règlementaires dans ce contexte."

Le mouvement de transferts de cotations des petites et moyennes valeurs d’Euronext vers Euronext Growth s’accélère depuis quelques mois.  L’excès de réglementation serait-il la cause de ce phénomène ?

"Les transferts remontent à 2009 (grâce au lobbying de Middlenext !) avec l’entrée en vigueur d’un dispositif permettant aux sociétés capitalisant moins de 1 milliard d’euros sur le marché réglementé Euronext de transférer leur cotation sur Alternext, devenu Euronext Growth. Il est donc assez ancien. L’accélération récente est directement liée au poids croissant de la réglementation et des coûts afférents. Euronext n’est pas adapté au fonctionnement et aux moyens financiers des PME. Le constat est unanime : la cotation s’est vraiment complexifiée depuis 10 ans pour une société cotée sur Euronext, accentuant de plus en plus l’écart avec Euronext Growth."

Extrait du communiqué de presse du Groupe Bastide du 29 octobre dernier annonçant un projet de transfert sur Euronext Growth.

Concrètement, que demande-t-on aux directions des "petits émetteurs" ?

"Les lois comme les recommandations des différentes autorités de régulation s’enchaînent inlassablement et inexorablement : lois françaises, directives européennes, réforme de l’audit, recommandations AMF par centaines éparpillées dans des dizaines de documents, etc. En bref, cette doctrine académique déconnectée du quotidien et de la réalité des PME et d’ETI est devenue illisible, contre-productive et souvent absurde."

Un exemple ?

"Prenons la norme IFRS 16. (NDLR : avec l’IFRS 16, la définition d’un contrat de location s’axe sur le droit de l’usage. Désormais, est considéré comme un contrat de location, tout contrat, ou partie de contrat, donnant le droit d’utiliser un actif identifié pour une période de temps donnée en échange d’un paiement périodique. Le bilan et le compte de résultat s’en trouvent fortement modifiés). Cette norme symbolise à quel point les IFRS sont une construction intellectuelle de principes subjectifs qui ne s’appuient pas sur une réalité tangible. En l’occurrence, avec IFRS 16 les actifs loués sont intégrés au bilan et la dette gonflée d’autant. Contrairement à l’objectif recherché, elle ne reflète pas la trésorerie et la juste valeur de l’entreprise. Elle a même un effet procyclique potentiellement pervers, de telle sorte que les dirigeants s’appuient sur un autre jeu de comptes, en normes françaises, pour échanger avec leurs partenaires financiers et pour définir leur rémunération ! Je note que c’est la première fois qu’une norme qui fait l’objet d’autant de controverses est appliquée… "

Que conseillez-vous aux dirigeants dans ce contexte ?

"Nous ne les retenons pas sur Euronext, invivable pour eux, et leur proposons un transfert sur Euronext Growth comme voie raisonnable pour rester en Bourse. Sans cela, ils subiraient la cotation ou n’auraient plus qu’à sortir de la cote en lançant une OPR dont ils n’ont pas forcément les moyens ni l’envie. C’est également dans l’intérêt des investisseurs car cela leur permet de maintenir de la matière première sur les marchés, sans quoi, faute d’introductions, la cote se raréfierait davantage."

Cela ne pose-t-il pas problème en matière de défense du minoritaire ? Je pense notamment au seuil de déclenchement d’une OPA qui est de 30% sur Euronext et de 50% sur Euronext Growth

"Je ne pense pas que cela change grand-chose dans la réalité pour une valeur moyenne familiale qui la plupart du temps détient déjà plus que 30% du capital sinon des droits de vote. D’ailleurs, combien de PME transférées sur Euronext ont fait l’objet d’une prise de contrôle avec seulement 30% du capital ? Les sociétés qui sont sorties de la cote ont quitté Euronext directement, alors que celles transférées sur Euronext Growth retrouvent les avantages de la cotation : un outil de financement, de valorisation et d’échange des titres de propriété pour un coût annuel autour d’une centaine de milliers d’euros. La Bourse reste très attractive pour les PME et ETI et reste nécessaire pour aider ces sociétés à perdurer, à se transmettre, à se développer et à continuer d’être celles qui créent le plus d’emplois en France. Or, les réglementations nouvelles sont faites pour des multinationales d’une toute autre taille. "

Que pensez-vous du format ESEF ("European Single Electronic Format"), nouveau standard de publication du rapport financier annuel pour les sociétés cotées sur un marché règlementé ?

"L’objectif que poursuit ce format, la comparabilité et l’accès à l’information en s’appuyant sur un format unique xHMTL pour le rapport financier annuel et des balises à l’aide la technologie IXBRL, n’a pas de sens pour des PME cotées souvent multisectorielles ou positionnées sur des niches. Je ne pense pas que l’analyse fondamentale d’une PME ait grand-chose à gagner de cette pseudo uniformisation alors que les entreprises vont chacune tagger différemment."

La cotation sur un marché réglementé pousse également les sociétés à améliorer leur démarche ESG. N’est-ce-pas un point vertueux de la réglementation ?

"Nous avons toujours soutenu à fonds la RSE (NDLR : Responsabilité Sociétale des Entreprises) et nous accompagnons les sociétés sur les thématiques Environnementales, Sociales et de Gouvernance depuis plus de 10 ans et bien avant que ce soit à la mode. La mise en œuvre de la déclaration de performance extra-financière (DPEF) va dans le bon sens car elle est compatible avec une démarche de terrain, elle incite à prendre les vrais sujets à bras le corps. La plupart des dirigeants de PME cotées ont dans leur ADN une démarche de gestion à long terme d’une entreprise qu’ils ont souvent fondée ou dont ils ont hérité.  On est là dans une démarche très éloignée de la taxonomie technocratique qui avec la ‘carbone disclosure’ exige des sociétés qu’elles calculent leur trajectoire par rapport au réchauffement la planète : 1,5 degré, 2 degrés...Les PME et ETI sont partantes pour adopter les évolutions utiles et louables, alors qu’on leur fasse confiance et qu’on leur propose des règles adaptées !"

Pour plus d’informations sur le sujet, rendez-vous sur le site de Middlenext.