"Il ne faut pas blâmer Donald Trump de tous les maux du commerce mondial". Merci à Hervé Goulletquer, stratégiste de La Banque Postale Asset Management, à qui j'emprunte la citation et le graphique du jour. Il aurait été plus commode d'incriminer à 100% le champion des Républicains (Donald Trump, pas Laurent Wauquiez), mais "une certaine fatigue en matière de levée des obstacles aux échanges se fait sentir depuis déjà quelques années", écrit Goulletquer : le nombre d'accords commerciaux baisse et le commerce mondial croît moins rapidement, alors que le concept même d'un Donald président n'avait pas encore germé.
 
Le libre-échange, ce bouc-émissaire
 
La situation est paradoxale puisque la théorie économique dominante fait du libre-échange un cercle vertueux (gains de productivité → baisse des prix→ hausse du niveau de vie) finalement peu contesté. Enfin peu contesté au niveau académique. En pratique, c'est un peu plus compliqué, à cause de la tendance séculaire de l'être humain à accuser la sphère supérieure de tous ses maux. C'est là qu'intervient notre graphique du jour, ou plutôt celui de LBPAM.


Il montre que les citoyens des grandes économies mondiales ont des perceptions tout à fait différentes de l'impact du libre-échange sur l'emploi. Les Allemands, les Britanniques et plus encore les Espagnols ont une vision tout à fait positive du commerce international et de son impact sur le marché du travail (la démonstration est identique sur les salaires). Tout l'inverse des Italiens, des Français et des Américains.

Electoralisme et Mercantilisme
 
Ce tableau montre bien qu'en s'attaquant au libre-échange, Donald Trump répond aux aspirations de son électorat. Tout lien avec la proximité du scrutin de mi-mandat serait purement fortuit. Mais comme le rappelle Hervé Goulletquer, il y a aussi une vraie dimension politique au-delà de la considération électoraliste. Le président américain est un mercantiliste au sens historique du terme : la nation doit produire et vendre pour créer de l'excédent commercial (au passage, cela rend assez cocasse sa croisade anti-allemande). Il est aussi pleinement conscient que la Chine est une menace pour l'hégémonie économique des Etats-Unis. La posture n'est pas dénuée de courage car personne n'avait jusqu'ici osé froisser à ce point Pékin, dont les ambitions menacent aussi, faut-il le rappeler, l'économie de la Vieille Europe. Cela ne signifie pas que cela ne créera pas d'importants remous pour le commerce international. C'est même devenu un postulat de base : le terreau est actuellement plus propice aux camps retranchés qu'aux grande prairies ouvertes.