Le scénario conte de fées des investisseurs a été un peu contrarié hier par une statistique sur l'emploi aux Etats-Unis, qui a douché le bel enthousiasme initial de Wall Street. Les indices avaient démarré la séance en fanfare à 14h30 (au lieu de 15h30 parce que les Etats-Unis ne sont pas encore passés à l'heure d'hiver), avant de se prendre les pieds dans le tapis une demi-heure plus tard à l'annonce des résultats de l'enquête JOLTS de septembre.

Voilà qui mérite un éclairage. JOLTS, c'est l'acronyme de "Job Openings and Labor Turnover Survey", que mes grandes compétences linguistiques me permettent de traduire approximativement par "Enquête sur les offres d'emploi et le renouvellement de la main-d'œuvre". En gros, c'est un indicateur un peu tardif de la dynamique du marché du travail (en l'occurrence, pour le mois de septembre), qui tombe quelques jours avant le rapport mensuel sur l'emploi qui concerne lui le mois qui vient de se terminer (dans le cas présent, les données d'octobre seront publiées vendredi). L'enquête JOLTS fournit néanmoins une bonne idée des grandes tendances de fond, même si les financiers ont pris l'habitude d'affiner leur analyse en utilisant en plus des données de gros sites privés de recherche d'emploi, notamment Indeed. Je dirais même plus : pendant les périodes économiques plutôt plan-plan, l'enquête JOLTS ne passionne pas les foules. Mais depuis quelques mois, elle suscite à nouveau l'intérêt, c'est plutôt logique.

Bref, les résultats de l'enquête JOLTS publiés hier ont montré que le nombre de postes vacants dans l'économie américaine a rebondi en septembre. C’est-à-dire que les entreprises continuent à avoir des difficultés à recruter. Ce qui n'est pas un signal très positif pour calmer le grand meccano inflationniste. Pourquoi cela contrarie-t-il les investisseurs ? Parce que ça cadre assez mal avec le scénario du moment selon lequel l'activité économique ralentit, le marché du travail ralentit et donc la Fed n'a plus besoin d'être aussi agressive dans sa sobriété monétaire. Le marché attend le fameux "pivot" de la Fed, c’est-à-dire le premier signal d'infléchissement du cycle monétaire actuel. Pour cela, il faut que la banque centrale dispose d'éléments tangibles lui démontrant que le combat contre l'inflation est en passe d'être gagné. Vous vous souvenez, c'est le syndrome "les mauvaises nouvelles sont des bonnes nouvelles".

Du coup, l'enquête JOLTS est tombée comme un cheveu sur la soupe hier. Le S&P500 a terminé en baisse de 0,4% et le Nasdaq 100 a perdu un peu plus de 1%. Auparavant, les indices européens avaient continué leur parcours en autonomie en signant des hausses marquées, hormis en Suisse où le recul de la Santé a pesé trop lourd dans la balance. En dépit d'une actualité économique pour le moins morose, avec des sites industriels en difficultés face à la flambée des prix de l'énergie, des indicateurs d'activité sur la pente descendante et une inflation record, le vieux continent poursuit son rebond. Le DAX allemand a même enfilé une septième perle consécutive à son collier de hausses. Sans doute, là aussi, est-on dans le calcul un peu foireux selon lequel la BCE sera forcée de lever le pied si tout part en quenouille.

Pour en revenir au scénario conte de fées, il compte un épisode-clef ce soir. Assez difficile à rater dans la mesure où tous nos médias financiers en sont tapissés. Si tout se passe comme les investisseurs l'espèrent, la banque centrale américaine devrait annoncer à 19h00 une hausse de taux de 75 points de base, la quatrième d'affilée de cette ampleur. Mais surtout utiliser la conférence de présentation de la décision à partir de 19h30 pour adoucir subtilement son message. Son patron Jerome Powell dispose de plusieurs éléments de langage pour le faire. Bon, il existe aussi un rebondissement beaucoup moins favorable, ou plutôt une absence de rebondissement. C'est l'hypothèse où la Fed ne change pas sa communication d'un iota, parce qu'elle considère qu'elle doit maintenir la pression pour que la surchauffe inflationniste cesse. Là évidemment, on peut raisonnablement penser que les investisseurs accuseraient le coup de ne pas avoir droit à leur prochain shot de banque centrale, après en avoir été sevrés depuis plusieurs trimestres. Et que les indices décrocheraient à nouveau. Voilà, c'est dit, le "game-changer", c'est Jerome, dont le marché espère qu'il a finalement changé.

Tout va donc tourner aujourd'hui autour de cette décision de politique monétaire, dont l'annonce aura lieu comme d'habitude post-clôture européenne mais en plein milieu de la séance à Wall Street. Le compte à rebours devrait occulter les craintes de l'Arabie Saoudite quant à une offensive de l'Iran, les tirs de missiles nord-coréens, le reconfinement décidé par la Chine dans la zone contenant la très symbolique usine Foxconn qui assemble les iPhone d'Apple et même la reconnaissance par Jair Bolsonaro de sa défaite lors de l'élection présidentielle brésilienne.

Pour patienter jusqu'à 19h00, il y aura aussi quelques statistiques et une nouvelle fournée de résultats d'entreprises des deux côtés de l'Atlantique et jusqu'en Extrême-Orient : Sony, Advanced Micro Devices, Novo Nordisk, Costco, Qualcomm ou AXA entrent en lice.

Pas mal d'attentisme en Asie Pacifique ce matin. Tokyo, Séoul, Bombay et Sydney évoluent non loin de l'équilibre. Les places chinoises font toujours cavalier seul, cette fois en hausse, en surfant toujours sur les rumeurs de changement de stratégie vis-à-vis de la politique zéro-covid (ce que l'information sur l'usine Foxconn a l'air de démentir, mais bon…). La séance est écourtée à Hong Kong à cause d'une tempête tropicale violente. Les indicateurs avancés occidentaux sont modérément haussiers, en Europe comme aux Etats-Unis. Le CAC40 gagnait 0,4% à 6355 points à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

La seconde lecture des indicateurs PMI manufacturiers européens d'octobre est attendue en matinée, avant un programme chargé aux Etats-Unis : étude APD sur l'emploi (13h15), stock pétroliers (15h30) et décision de la banque centrale américaine sur ses taux (19h00) et conférence de présentation de la décision (19h30). Tout l'agenda macro ici.

L'euro perd du terrain à 0,9885 USD. L'once d'or remonte un peu autour de 1650 USD. Le pétrole a poursuivi son rebond, avec un Brent de Mer du Nord à 95,63 USD le baril et un brut léger américain WTI à 89,53 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans atteint 4,04%. Le bitcoin se négocie autour de 20 500 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Barry Callebaut : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 2500 à 2350 CHF.
  • Boohoo : Liberum passe de conserver à vendre en visant 35 GBp.
  • British American Tobacco : Goldman Sachs passe d'acheter à neutre en visant 3800 GBp.
  • Dätwyler : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 304 à 293 CHF.
  • Essentra : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 340 à 300 GBp.
  • Iberdrola : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération ligne en visant 11 EUR.
  • McPhy : Portzamparc reste à l'achat avec un objectif relevé de 11,80 à 12,80 EUR.
  • Nestlé : Jefferies reste à sous performance avec un objectif de cours réduit de 100 à 95 CHF.
  • Ocado : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 500 GBp.
  • Paradox Interactive : SEB Equities passe d'acheter à conserver en visant 210 SEK.
  • Prosus : Goldman Sachs reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 82,60 à 83,60 EUR.
  • Recticel : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 22 à 18 EUR.
  • Red Electrica : Berenberg passe de vendre à conserver en visant 15,70 EUR.
  • Royal DSM : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 150 à 145 EUR.
  • Solaria Energia : RBC passe de surperformance à performance sectorielle en visant 16 EUR.
  • Stora Enso : Citigroup passe d'acheter à neutre en visant 14,50 EUR.
  • Unilever : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 4600 à 4500 GBp.

En France

Résultats des entreprises (les indications sont données à chaud et ne préjugent pas de l'orientation des actions)

  • Imerys : les objectifs 2022 d'Ebitda sont confirmés.
  • Sodexo : vise une marge opérationnelle supérieure à 6% en 2025, a annoncé le groupe en amont de sa journée dédiée aux objectifs de moyen terme.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Verallia acquiert le britannique Allied Glass, spécialisé dans le marché des spiritueux.
  • Spie entre en négociations exclusives pour l'acquisition des activités de protection incendie de Belfor en France.
  • Lancement de la Gigafactory d'électrolyseurs McPhy sur le site de Belfort.
  • Passat négocie le rachat de la filiale Best Of TV de M6 Métropole Télévision.
  • Crossject fait état de l'efficacité de l'injection intramusculaire avec l'auto-injecteur sans aiguille ZENEO dans une étude menée sur 40 patients.
  • Autres publications : AXA, CGG

Dans le monde

Résultats des entreprises (les indications sont données à chaud et ne préjugent pas de l'orientation des actions)

  • Advanced Micro Devices : le titre gagne 4% hors séance après la publication de son T3.
  • Airbnb : le titre perd 5% hors séance après la publication des résultats trimestriels.
  • AMS-Osram : les objectifs de moyen terme ont été révisés en baisse.
  • AP Moller Maersk : voit la demande de transport par conteneurs ralentir alors que le troisième trimestre dépasse les prévisions.
  • Aston Martin : prévient que les marges sont affectées par les perturbations de la chaîne d'approvisionnement.
  • GSK : la prévision de croissance du résultat opérationnel est relevée.
  • Mondelez : l'action gagne 4 % hors séance après la publication de ces trimestriels.
  • Novo Nordisk : le laboratoire relève ses prévisions de croissance annuelle.
  • Sony : l'action gagne plus de 10% en bourse après avoir relevé ses perspectives et les anticipations de volume de PlayStation.
  • Straumann : la croissance continue et les prévisions sont relevées.
  • Vestas : nouvelle perte et nouvel abaissement d'objectif pour la société.

Annonces importantes (et moins importantes)

  • CVS Health, Walmart et Walgreens parviennent à un accord à 12 Mds$ sur le contentieux des opioïdes.
  • Uber va payer 615 M£ aux autorités britanniques pour des arriérés de TVA.
  • Moody's et S&P abaissent la notation du Crédit Suisse.
  • Barry Callebaut a nommé Jo Thys au poste de directeur des opérations pour succéder à Olivier Delaunay.
  • Meta, Snap et d'autres réseaux sociaux montent après une rumeur d'interdiction de TikTok aux Etats-Unis pour cause de sécurité nationale.
  • DuPont renonce à acheter le fabricant de matériaux pour solutions électroniques Rogers pour 5,2 Mds$, faute d'avoir reçu le feu vert de toutes les autorités compétentes.
  • BASF estime que son usine de matériaux pour batteries sera opérationnelle d'ici la fin de l'année.
  • Nestlé vend une usine américaine de préparations pour nourrissons à Perrigo.
  • Elon Musk veut faire payer la certification des comptes Twitter 8USD par mois pour moins dépendre de la pub.
  • Le site britannique de vente de meubles en ligne com a annoncé mardi son placement sous administration en vue de sa liquidation.
  • Unilever va étendre l'essai de la semaine de travail de quatre jours à l'Australie.
  • Volkswagen cède WeShare au groupe allemand d'autopartage Miles Mobility.
  • Munters prend une participation majoritaire dans une entreprise technologique brésilienne, InoBram.
  • Amazon offre un catalogue complet de musique en streaming à ses abonnés Prime aux Etats-Unis.
  • Principales publications du jour : Novo Nordisk, Costco, Qualcomm, CVS Health, GSK, AXA, Fast Retailing, Nutrien, Wolters Kluwer, Vestas, Straumann... Tout l'agenda ici.

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