Les ADR (pour American Depository Receipts) sont des actions chinoises négociables aux Etats-Unis. Cela permet aux investisseurs des pays développés d’avoir accès à la croissance des entreprises chinoises tout en bénéficiant de la visibilité des marchés américains. Malheureusement, ce doux rêve (et les espoirs des investisseurs d'obtenir des rendements élevés) s’est effondré lorsque le gouvernement central de Pékin a pris en main ses géants technologiques. 

Ces dernières années, les tensions géo-politiques grandissantes entre les deux premières puissances économiques mondiales ont donné du grain à moudre pour les titres chinois côtés aux Etats-Unis. Mais la nouveauté depuis la fin 2020, ce sont les pressions exercées par le gouvernement chinois lui-même sur ses propres entreprises, notamment technologiques. 

Le Parti communiste chinois (PCC) au pouvoir n'aime pas que les entreprises privées commencent à faire de l'ombre à son propre succès, et il n'est pas particulièrement tolérant vis-à-vis de l'insurrection en général. Le déclencheur de ce mouvement prend racine dans l’émergence de critiques de la part de Jack Ma, fondateur d’Alibaba, sur les restrictions du monde de la finance en Chine. La réaction du PCC ne s’est pas fait attendre. La fintech Ant Group n’a pas été autorisée à s’introduire en bourse et Jack Ma a disparu quelques semaines de la circulation. 

Par la suite, Alibaba et Tencent, les deux géants du numérique, se sont vus imposés de lourdes amendes pour pratiques anticoncurrentielles et les acteurs du secteur ont dû polir leur politique de sécurité pour se conformer aux attentes du PCC. 

Tencent a suspendu l'inscription de nouveaux utilisateurs en Chine continentale afin que son logiciel puisse subir des "mises à jour de sécurité". L'application présentait auparavant des failles de censure qui permettaient aux utilisateurs de partager des contenus relatifs aux droits de l’Homme. 

Plus récemment, les autorités chinoises ont annoncé qu'elles interdisaient aux sociétés dans le secteur de l’éducation à but lucratif comme New Oriental Education & Technology et TAL Education Group de réaliser des bénéfices, de s'introduire en bourse ou de lever des capitaux auprès d'investisseurs étrangers. 

Pas plus tard qu’aujourd’hui, l'administration d'Etat pour la régulation des marchés (SAMR) chinoise a annoncé le lancement d'une enquête sur les distributeurs de composants électroniques dans l'industrie automobile, évoquant des soupçons de prix abusifs. L'autorité de régulation soupçonne les entreprises en question de faire monter les prix en pleine pénurie mondiale de puces et s'est engagée à punir toute accumulation de stocks, gonflement de prix ou entente. L'indice CSI All Shares Semiconductor & Semiconductor Equipment Index a perdu 6,65% dans la journée. Parallèlement, à Hong Kong, le géant technologique Tencent Holdings a perdu 6,11%, après avoir chuté jusqu'à 10,8% plus tôt en séance, alors qu'un média chinois a qualifié les jeux vidéos en ligne d'"opium pour l'esprit”.  

Les investisseurs doivent donc être conscients des risques importants liés à l'investissement dans les actions asiatiques émergentes, notamment en Chine (qui est encore considérée comme pays émergent), que ce soit en direct à Hong Kong, via des ETF ou via des ADR ; la chute n’est peut être pas finie. 

Les pressions chinoises ne sont sûrement pas près d’être terminées. Et la guerre économique entre les deux premières puissances mondiales n’est qu’à ses débuts. 

De nombreux sujets pourraient noircir encore le tableau : la volonté de la Chine de récupérer Taiwan, les divergences entre les deux systèmes politiques de la Chine et Hong Kong qui s’estompent, la balance commerciale déficitaire pour les USA, le projet des nouvelles routes de la soie, les tensions en Mer de Chine méridionale, les violations des droits de l’Homme envers l’exploitation des musulmans ouïghours, etc. 

Une voix résonne : “Be greedy when the others are fearful” (traduction : “Soyez avide quand les autres sont craintifs”). Rien n’indique que cette crainte est à son plus haut (et ainsi les cours des titres à leurs plus bas). Si personne ne peut prédire la suite de cette affaire, il est certain que se mettre face au PCC semble similaire à parier contre la FED (traduction : ce n’est jamais une bonne idée). Les investisseurs achetant le “dip” pourraient se retrouver un beau matin avec de mauvaises nouvelles, comme le démantèlement de leurs entreprises favorites. 

La menace peut également venir des Etats-Unis, qui, voyant leur balance commerciale déficitaire avec la Chine, pourrait annoncer des restrictions pour limiter l’accès des entreprises chinoises au territoire américain ou les obligeants à partager leurs données avec le gouvernement américain (chose que le gouvernement chinois ne pourrait accepter, pouvant entraîner un retrait des ADR de la côte américaine). 

Ces perturbations pourront vraisemblablement durer encore quelques mois et même quelques années. Toutefois, la Chine, deuxième puissance mondiale, s'apprête à passer devant les Etats-Unis d’ici 2030 (un temps très court à l’échelle des nations). Mettre de côté tout un pan de l’économie mondiale pourrait être négligeable à long terme pour un investisseur. 

Source : Statista et Zonebourse.com 

Même si certaines valeurs chinoises de qualité comme les géants technologiques sont ridiculement bon marché, il serait plus raisonnable de laisser passer la tempête pour les moyens termistes craignant une énième chute des cours. 

Cependant, les fondamentaux de la plupart des sociétés restent intacts. Et ce moment de doutes pourrait être vu comme une fenêtre de tir à long terme. Plusieurs grands investisseurs en ont profité pour initier ou renforcer des positions (cf : Charlie Munger, Greg Alexander, Mohnish Pabrai, Bill Miller, Christopher Davis, David Tepper, Steven Romick, Thomas Russo, Lee Ainslie, etc). 

Dans le doute, rien n'empêche de se préparer une watchlist d’ETF exposés à la Chine lorsque le moment sera venu d’investir et de l’exploiter à un moment plus opportun. Voici une sélection de trois ETF plus ou moins exposés à la Chine pour parier sur la mégatendance de la recentralisation du pouvoir économique en Asie. 

  • iShares MSCI China UCITS ETF (ICHN) 

Cet ETF permet de s’exposer aux grandes et moyennes capitalisations boursières chinoises des différents indices (Shanghai, Shenzhen et Hang Seng). L’affectation des résultats se fait au choix par capitalisation (les dividendes sont directement réinvestis) ou par distribution. La réplication est physique, BlackRock détient en direct les actifs sous-jacents. L’encours sous gestion est important (395 millions de dollars). Les frais sont très corrects, de seulement 0.40%. En savoir plus ici

  • Amundi MSCI Emerging Asia ETF (AASI) 

Cet ETF présente l’avantage d’être plus diversifié en investissant dans toute l’Asie émergente (Chine, Inde, Indonésie, Malaisie) et développée (Taiwan, Corée du Sud). La Chine pèse pour près de 47,6% de l’indice, suivie de Taiwan à 17,5%, de la Corée du Sud à 16,6% et de l’Inde à 12,5%. L’affectation des résultats se fait par capitalisation (les dividendes sont directement réinvestis). La réplication est synthétique. L’encours sous gestion est important (2 647 millions d’euros). Il existe deux versions selon la monnaie sur laquelle on veut être adossée (EUR et USD). Il existe également une version éligible au PEA (code mnémonique : PAASI). Les frais sont très corrects, de seulement 0.20%. En savoir plus ici

  • KraneShares CSI China Internet ETF (KWEB) 

Cet ETF s’oriente spécifiquement sur les valeurs technologiques chinoises, plus précisément celles du secteur de l’e-commerce et Internet. C’est le plus risqué des trois. L’indice sous-jacent a fortement retracé lors des différentes annonces du gouvernement pékinois (chute de près de 50% depuis mi-février). Il est composé essentiellement de titres ADR côtés aux Etats-Unis et détenu en physique par l’émetteur. L’encours sous gestion est très important (5 302 millions de dollars). Les frais sont plus élevés car c’est un ETF sectoriel, à 0.73%. En savoir plus ici.

Graphique comparatif des trois ETF et des indices MSCI ACWI et du Hang Seng : 

Source : Zonebourse.com