L'administration du président américain Joe Biden va poursuivre les négociation sur le déblocage de milliards de dollars d'avoirs afghans détenus à l'étranger, selon trois sources au fait de la situation.

Washington souhaite notamment le transfert de milliards d'avoirs de la banque centrale afghane détenus à l'étranger vers un fonds fiduciaire basé en Suisse, comme l'a rapporté Reuters le mois dernier. Les décaissements seraient effectués avec l'aide d'un conseil international et sans passer par les taliban.

Des responsables du département d'État et du Trésor américain ont déclaré à des analystes indépendants lors d'une réunion d'information le 11 août - soit 12 jours après qu'une frappe américaine a tué le chef d'Al Qaïda à Kaboul - qu'ils allaient poursuivre ces pourparlers bien que leur lenteur soit source de frustration, ont déclaré deux sources sous couvert d'anonymat.

Les taliban et la banque centrale afghane (DAB) n'agissent pas rapidement, a déclaré un responsable américain, selon une source : "Les talibans restent les bras croisés et c'est exaspérant".

Le département d'État n'a pas souhaité commenter la réunion.

Une source américaine qui a demandé à rester anonyme a confirmé la teneur de cette réunion.

"La frappe n'a pas changé l'engagement du gouvernement américain à mettre en place le fonds fiduciaire international" et celui-ci "travaille avec la même rapidité et le même empressement qu'avant la frappe", a déclaré la source américaine.

Les ministères des Affaires étrangères et de l'Information, dirigés par les taliban, et la DAB n'ont pas répondu à une demande de commentaire dans l'immédiat.

Les responsables américains ont également discuté du projet avec la Suisse et d'autres parties.

Washington et d'autres donateurs ont interrompu leur aide financière à l'Afghanistan après la prise de Kaboul par les taliban le 15 août 2021.

Les États-Unis ont de plus cessé d'envoyer des fonds en devises fortes, paralysant de fait le système bancaire afghan, et gelé 7 milliards de dollars d'actifs afghans à la succursale de la Réserve fédérale de New York. En février, Joe Biden a ordonné que la moitié de cette somme soit mise de côté "au profit du peuple afghan".

Dans un premier temps, 3,5 milliards de dollars seraient versé au fonds fiduciaire et pourraient être utilisés pour payer les arriérés afghans à la Banque mondiale et pour imprimer des afghanis, la monnaie nationale, et des passeports.

Les 3,5 milliards de dollars restants sont contestés dans le cadre de procès intentés aux taliban à la suite des attentats du 11 septembre 2001, mais les tribunaux pourraient décider de les débloquer.

À la suite de la frappe américaine, le département d'État a exclu la recapitalisation de la DAB comme "option à court terme", affirmant qu'en hébergeant le chef d'Al Qaïda, les taliban avaient alimenté les inquiétudes "concernant le détournement de fonds vers des groupes terroristes".

Blocage sur des départs à la banque centrale

Selon deux sources, les responsables américains auraient déclaré lors de la réunion que les pourparlers s'étaient compliqués car les taliban refusent de céder à certaines exigences, notamment le départ de deux membres de la DAB, dont le numéro deux.

Les taliban et la DAB n'ont pas non plus officiellement accepté de placer des contrôleurs indépendants pour la lutte contre le blanchiment d'argent au sein de la banque, bien qu'ils soient en principe d'accord, ont déclaré les responsables, selon les sources.

Les responsables ont, d'après les sources, évoqué l'intransigeance des taliban et de la DAB, notamment en ce qui concerne leur refus de coopérer dans un projet pour envoyer des aides internationales détenues par la Banque mondiale à des agences humanitaires à Kaboul.

Ils ont également indiqué que Washington a demandé en mars à d'autres gouvernements d'encourager les banques privées à rétablir les relations de correspondant bancaire avec l'Afghanistan, ont précisé les sources.

Selon une source, un responsable américain a déclaré qu'il n'y avait "pas beaucoup d'appétit" pour la sensibilisation faite par les ambassades américaines dans des notes diplomatiques.

Cela était dû en partie à l'absence de contrôleurs indépendants en matière de lutte contre le blanchiment d'argent à la DAB, a déclaré le responsable, selon les sources.

(Reportage Jonathan Landay à Washington, avec la contribution de Charlotte Greenfield à Islamabad ; version française Valentine Baldassari, édité par Kate Entringer)