La foudre tombe aujourd'hui sur Quantum Genomics parce que c'est l'exemple le plus récent et le plus spectaculaire pour illustrer le risque induit par n'importe quel investissement en biotechnologies. Le laboratoire a annoncé la semaine dernière l'échec de sa molécule firibastat en cardiologie. Une annonce d'autant plus catastrophique que le candidat-médicament était en phase III, donc en fin de développement, et que c'était le seul gros projet de la société.

Que vaut-elle désormais ? Plus rien, hormis la valeur de sa trésorerie et les compétences accumulées durant le processus de développement. Ces fonds seront probablement utilisés pour lancer d'autres projets. Mais en partant du stade préclinique, autant dire avec une visibilité proche de zéro. Pour mémoire, il faut en moyenne 11 ans et demi pour porter un traitement du stade de la recherche à celui de la commercialisation. Avec une probabilité de succès de 7%, nous enseigne la recherche académique. Et encore, tout dépend du domaine. La probabilité de succès est bien plus faible dans le cardiovasculaire, la spécialité de Quantum Genomics. Ceci dit, le titre du communiqué n'était pas mensonger et posait clairement les choses. Il aurait été encore plus direct de titrer "Catastrophe : Quantum Genomics annonce l’absence d’efficacité significative de firibastat dans son étude de phase III FRESH et se tourne vers de nouveaux développements". Mais n'exagérons pas.

Les responsables sont bien sûr abattus que des années de travail partent en fumée et ils ont même pris soin, en l'espèce, de communiquer avec leurs actionnaires dans une vidéo un peu bizarre mais qui a le mérite d'exister. L'action a perdu plus de 90% de sa valeur la semaine dernière et capitalise environ 10,6 M€, soit peu ou prou sa trésorerie résiduelle. L'avenir sera probablement fait de préclinique et/ou d'opération(s) financière(s) pour tenter de valoriser la structure cotée et sa trésorerie (comme le laisse penser la vidéo bizarre précitée). En tout cas, un investisseur normalement constitué n'a rien à faire ici.

On touche là au genre de société qui m'ont toujours stupéfait en bourse. Une stratégie illisible. Des bénéfices médiocres quand ils existent. Une communication incroyable. Mais une fuite en avant perpétuelle et une capacité surnaturelle à trouver de l'argent pour rester à flot. Il va sans dire que n'importe quel investisseur un minimum équilibré doit passer son chemin. Si j'en parle aujourd'hui, c'est parce que la dernière communication est un modèle du genre qui mérite que l'on s'y attarde. Et pas seulement parce que les résultats ont été publiés la veille d'un jour férié, ce qui allume tout de suite chez moi la petite lumière rouge qui va bien.

Le communiqué est titré "Résultats semestriels 2022 : Chiffre d'affaires en croissance de + 10% | Résultats marqués par des éléments techniques exceptionnels | Accélération des développements". De fait, Acheter-Louer a dégagé 10% de croissance pour atteindre un chiffre d'affaires de 1,97 M€, mais la majeure partie est imputable à une acquisition (histoire d'être un peu perfide, je souligne que la société dégageait 2,4 M€ de revenus semestriels dix ans plus tôt, avec au passage un clin d'œil à moi-même). Dans le même temps, le résultat d'exploitation est déficitaire de -0,83 M€. Quant à la perte nette, elle ressort à -271 M€. Non, vous ne vous trompez pas, il y a bien écrit 271 millions d'euros. Bon, il s'agit d'une charge financière exceptionnelle et non-cash, mais elle résulte d'une opération de financement dilutif qui a mal tourné (souvenez-vous, la très grande majorité des opérations de financement dilutif tournent mal pour les actionnaires). Pour les amateurs de pluralité dilutive, au cours de son existence, Acheter-Louer a expérimenté des BSA, des OC, des OCEANE, des BSOC ou des OCABSOC. Il suffit de regarder un graphique de cours pour comprendre que rien ne va. D'ailleurs, la trésorerie disponible de la société est passée de 6,4 M€ au 30 juin 2021 à 0,29 M€ au 30 juin 2022, malgré la dilution subie par les actionnaires. Pour autant, Acheter-Louer continue à prendre des participations dans l'univers de l'immobilier sur internet. Par contre, il va vite falloir des sous. D'ailleurs, "le Groupe étudie toujours l’arrivée possible au capital d’investisseurs stratégiques tels que des acteurs importants de l’écosystème, qui permettra de consolider un périmètre d’actionnariat moins dilutif et plus structurant sur le long terme". Les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent.

Autre communiqué symptomatique publié la veille d'un jour férié, celui du duo Néovacs / Pharnext. Les deux entreprises, qui vivent à crédit depuis des années en s'appuyant sur des instruments dilutifs puisés à la même source, ont uni leurs destins voilà quelques mois. Jusqu'à présent, on ne peut pas dire que cela leur a beaucoup réussi en bourse, même si l'argent à l'air de couler à flots d'une structure vers l'autre. Dernière opération en date, "Pharnext annonce la mise en place par Néovacs d’une fiducie-gestion pour gérer les valeurs mobilières de Pharnext émises ainsi que les droits et obligations de Néovacs au titre de l’accord de financement signé le 30 septembre 2022". On comprend à peu près à la lecture du communiqué que les relations entre les deux sociétés vont être gérées par la fiducie-gestion, laquelle "se voit transférer au titre de cet accord l’ensemble des droits et obligations de Néovacs aux termes du Contrat d’OBSA, les bons de souscription d’obligations, les obligations simples et les bons de souscription d’actions en circulation détenus par Néovacs, les créances de Néovacs sur Pharnext à équitizer, ainsi que les sûretés accordées à Néovacs par Pharnext".

Cet écosystème devient de moins en moins lisible. Et j'avoue que je n'y comprends plus grand-chose, si ce n'est qu'il est là encore rempli de produits convertibles et que les deux titres en sont à -99% depuis le début de l'année, avec l'afflux de papier qui en découle (il y a 19,66 milliards d'actions Pharnext en circulation, selon Euronext, et il y avait 19,9 milliards d'actions Néovacs en circulation en début d'année, avant un regroupement de 10 000 actions pour 1). Donc à éviter absolument pour les investisseurs particuliers, hormis bien sûr ceux qui maîtrisent le trading sophistiqué.

Le parcours 2022 des quatre titres
Le parcours 2022 des quatre titres
Il ne s'agit pas là de brocarder une société ou une autre (bon, peut-être un peu quand même). Mais surtout de rappeler trois principes importants en finance. D'abord, on n'investit que dans ce que l'on comprend. Ensuite, quand une action ne vaut pas grand-chose, il y a toujours une bonne raison. Enfin, quand une action ne vaut pas grand-chose, elle peut valoir encore moins.