Rome (awp/afp) - Le gouvernement populiste italien, sommé par la Commission européenne de revoir son budget pour 2019 avant mardi, a confirmé dans la soirée qu'il n'entendait pas céder, prenant le risque de sanctions financières, dont la mise en oeuvre reste néanmoins assez hypothétique.

"Le budget ne change pas, ni dans les bilans ni dans la prévision de croissance. Nous avons la conviction que ce budget est celui dont le pays a besoin pour redémarrer", a déclaré Luigi Di Maio, vice-Premier ministre et chef de file du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème).

"Notre objectif est de maintenir le déficit à 2,4% du PIB, et nous nous engageons à le maintenir", a-t-il ajouté devant la presse à l'issue d'un conseil des ministres et d'une réunion avec son allié Matteo Salvini, patron de la Ligue (extrême droite) et le chef du gouvernement, Giuseppe Conte.

"Nous travaillons à un budget qui garantisse plus d'emplois, plus de droits à la retraite et moins d'impôts (...). Si cela convient à l'Europe tant mieux, si cela ne convient pas à l'Europe on continue quand même", avait assuré M. Salvini en arrivant à cette réunion.

Pour le gouvernement, le budget anti-austérité va relancer la croissance exsangue et permettre ainsi de réduire le déficit public et la dette publique colossale du pays.

Mais pour la première fois dans l'histoire de l'Union européenne, les autorités de Bruxelles ont rejeté le 23 octobre ce projet de budget italien. Soutenues par l'ensemble de la zone euro, elles restent sourdes aux arguments italiens, qui promettent un déficit à 2,4% du Produit intérieur brut (PIB) en 2019 et à 2,1% en 2020.

Selon la Commission, les mesures prévues dans le budget risquent de pousser le déficit à 2,9% l'an prochain et à 3,1% en 2020. D'autant qu'elle prévoit une croissance de 1,2%, alors que Rome table sur 1,5%.

Dans un rapport publié mardi après-midi, le Fonds monétaire international (FMI) a même réaffirmé une prévision de 1% de croissance en Italie en 2020 et s'est montré sceptique sur les réformes annoncées par le gouvernement.

"L'accent des autorités sur la croissance et l'inclusion sociale est bienvenu", a estimé le fonds, mais les prévisions actuelles devraient maintenir la dette publique autour de 130% du PIB pour les trois prochaines années.

Selon des médias italiens, le ministre de l'Economie, Giovanni Tria, doit adresser dans les prochaines heures un courrier à Bruxelles pour expliquer la décision du gouvernement, accompagné d'une présentation des réformes structurelles et du plan d'investissement prévus par le gouvernement.

"Procédure pour déficit excessif"

En refusant de changer son budget, Rome s'expose à l'ouverture d'une "procédure pour déficit excessif", susceptible d'aboutir à des sanctions financières correspondant à 0,2% de son PIB (soit quelque 3,4 milliards d'euros).

Devant le Parlement européen à Strasbourg, la chancelière allemande, Angela Merkel, a répété que l'UE voulait "tendre la main" à l'Italie, pays fondateur de l'union.

"L'Italie a également adopté de nombreuses règles que nous avons tous en commun maintenant", a-t-elle rappelé. "J'espère qu'une solution pourra être trouvée".

Le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, a, lui aussi, multiplié les appels au dialogue, espérant arriver à "un compromis".

Selon Lorenzo Codogno, fondateur du cabinet LC Macro Advisors, l'Italie devrait être en procédure de déficit excessif (PDE) "d'ici fin janvier", mais le délai de trois à six mois pour préparer des plans de corrections "permettra à l'Italie d'atteindre les élections européennes sans obstacle". Puis "rien ne se passera avant que la nouvelle Commission ne soit en place" à l'automne 2019.

D'après M. Codogno, faute d'action rapide au niveau européen, les marchés financiers seront, "comme d'habitude, les vrais gardiens de la discipline budgétaire".

Depuis mi-mai, date du début des discussions pour la formation de la coalition populiste, le spread, l'écart très surveillé entre les taux d'emprunt italien et allemand, a doublé, oscillant désormais autour de 300 points. Selon la Banque d'Italie, cela représente un coût supplémentaire de 1,5 milliard d'euros en intérêts sur six mois.

afp/rp