"Quelles principales surprises relevez-vous de l’année 2018 ?
A mon sens, 2018 se caractérise par deux importantes surprises. Tout d’abord le risque politique, en particulier en Italie. Si les élections s’annonçaient difficiles, personne ne s’attendait à un gouvernement mixte composé de représentants du Mouvement cinq étoiles qui ont une inclination pour une hausse des dépenses et de représentants de la Ligue qui préfèrent diminuer les impôts. Un tel scénario nous paraissait très peu probable.

Dans un autre registre, dès lors que les parties prenantes d’une guerre commerciale en sortent toutes deux perdantes, nous pensions que celle qui oppose les Etats-Unis et la Chine ne s’attarderait pas, et prendrait fin après les élections de mi-mandat de Donald Trump. Force est de constater que tel n’est pas le cas.

Nous étions d’avis que la trame de fond du Brexit resterait une négociation très compliquée et politiquement à risque.

Quelle est votre deuxième surprise ?

La non remontée des taux longs allemands. Si les taux longs américains ont repris une trajectoire ascendante avec une ampleur moindre que celle prévu, les taux allemands sont demeurés redoutablement bas, autour de 0,20% à fin 2018.
Ce faible niveau est expliqué a posteriori par une pénurie de papiers allemands, avec une Banque centrale européenne toujours à la manœuvre sur le front des achats, un Etat allemand pas grand émetteur du fait de l’excédent budgétaire existant. Le rôle de valeur refuge des titres allemand a également joué une influence face au constat d’un ralentissement de la conjoncture en Europe.

En ce début d’année 2019, quels principaux dossiers surveillez-vous ?

Les trois dossiers qui ont dominé le paysage politique en 2018 sont maintenus en 2019.
Aujourd’hui, l’Italie semble être entrée dans le rang. Ses dernières opérations de refinancement sur les marchés avec des titres d’une maturité de 15 ans se sont très bien déroulées. Pour autant, le sujet italien risque de revenir sur le devant de la scène. A la suite des élections européennes du mois de mai, il est possible que le gouvernement actuel soit démantelé, ce qui impliquerait de nouvelles élections dans le pays et laisser place à un surcroit de volatilité.
Pour ce qui est du Brexit, il apparait de plus en plus probable que la date limite sera reportée. L’éventualité d’un hard Brexit n’est pas totalement exclue. Une telle issue serait clairement très négative pour les marchés.
En ce qui concerne l’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine sur le plan commercial, les derniers développements permettent de penser que nous pourrions avoir un accord. Si tel n’était pas le cas, les retombées d’une escalade des tensions pourraient être néfastes pour la croissance mondiale et sur la profitabilité des entreprises.

Sur le front économique, le point de vigilance concerne le profil du cycle. Nos prévisions conjoncturelles sont plutôt basses, en particulier pour l’Europe où nous voyons le PIB progresser de 1,2%.
La question qui se pose est de savoir si nous assistons uniquement à un tassement de la croissance ou à un début de récession. Pour 2019, nous sommes plutôt sur la première option. Cependant si une récession est entrevue en 2020, le marché n’attendra pas l’année prochaine pour la pricer dans les cours.

La politique monétaire de part et d’autre de l’Atlantique se veut plus incertaine cette année par rapport à l’an dernier…

Nous tablons pour l’instant sur deux hausses de taux de la Fed cette année, au deuxième et troisième trimestre. La dernière réunion de la Fed montre néanmoins une banque central très attentiste et particulièrement sensible aux stress de marché, il faudra donc à la fois une confirmation de la croissance et une accalmie sur les marchés pour que notre scénario se réalise. En l’état actuel des choses la conviction sur notre scénario central doit rester limitée..

Pour ce qui est de la BCE, nous pensons qu’elle commencera à remonter ses taux de rémunération des dépôts en fin d’année pour les ramener à 0 au début de l’année prochaine. Toutefois, il y a un véritable risque que la BCE ne puisse pas profiter de la fenêtre de tir qu’elle a à sa disposition à ce stade. Si la dégradation de l’économie européenne venait à être plus rapide que prévue, par effet de contagion de ce qui se passe ailleurs dans le monde, en particulier aux Etats-Unis, la BCE ne sera pas en mesure d’agir sur ses taux.

Votre allocation d’actifs actuelle est-elle amenée à évoluer en cours d’année ?

Très probablement.

Nous sommes d’avis qu’en début d’année le marché avait déjà intégré un grand nombre de mauvaises nouvelles. Les PER du marché européen sont cohérents avec une croissance à 1,3% cette année. Le pessimisme exacerbé se vérifie par le fait que récemment certaines sociétés publient des chiffres décevants et voient pourtant leurs cours remonter.
En conséquence, nous sommes surpondérés actions et sous pondérés taux.
Néanmoins, il est probable que cette configuration ne tienne pas bien longtemps. Si cela se concrétisait, notre allocation d’actifs évoluera. Nous irions davantage vers une neutralité sur les actifs risqués.

Davantage de protections seront-elles utilisées cette année ?

Vraisemblablement.
L’utilisation de ces protections devra cependant être revisitée. Certaines mises en place en 2018, n’ont pas très bien fonctionné. Il y a lieu de les ajuster cette année.



"