Francfort (awp/afp) - Même après l'arrêt officialisé jeudi du rachat de 2.600 milliards d'euros de dette publique et privée depuis 2015, la Banque centrale européenne va continuer à peser sur le marché en réinvestissant ces obligations à leur échéance.

Pourquoi, comment, pendant combien de temps et avec quelle souplesse ? Voici quatre explications sur cette mesure clé.

Pourquoi réinvestir cet argent ?

La BCE reste dans la logique de sa potion anti-crise appliquée depuis janvier 2015, en expliquant vouloir "maintenir des conditions de liquidité favorables" en zone euro.

Concrètement, l'institut va continuer d'acheter sur le marché des titres principalement détenus par des banques, pour que celles-ci prêtent à leur tour aux ménages et aux entreprises, dans le but de stimuler la croissance et l'inflation.

La BCE devrait d'autant moins dévier de cette ligne que les nuages s'accumulent sur la conjoncture, tandis que les taux d'emprunt de pays très endettés, comme l'Italie, se tendent.

Comment va-t-elle s'y prendre ?

La BCE réinvestira l'an prochain environ 200 milliards d'euros d'obligations échues, avec un pic de 31,6 milliards d'euros en octobre et un minimum de 5,4 milliards en août.

Le principe est de remplacer une obligation échue d'un pays par une autre du même pays. Et comme elle l'a fait à ce jour pour les achats nets de dette, la BCE va répartir ses réinvestissements selon la part de chaque pays dans son capital.

Celle-ci a été recalculée en décembre pour prendre en compte leur poids économique et démographique relatif: la France et l'Allemagne ont légèrement gagné en importance, à l'inverse de l'Italie.

En proportion, les réinvestissements seront donc plus élevés dans les "Bunds" allemands et plus faibles dans les obligations italiennes.

La BCE va-t-elle se donner de la latitude ?

Les observateurs se demandent si la BCE va jouer sur la durée de vie moyenne des titres en portefeuille au moment de les renouveler, imitant une pratique lancée jadis par son homologue américaine et dénommée le "twist". Par exemple, une obligation d'État italienne arrivant à échéance serait réinvestie dans un ou plusieurs titres de durée plus longue, tandis que dans le cas allemand, le remplacement se ferait par du papier à plus court terme.

En procédant de la sorte, la BCE contribuerait à maintenir les taux d'emprunt à un bas niveau là où le besoin s'en fait sentir pour stimuler l'activité. De quoi fournir une béquille monétaire aux Etats de la zone euro qui ploient sous leur endettement public, à commencer par l'Italie.

Mais la BCE s'exposerait immanquablement aux critiques puisque sa politique monétaire est censée être la même pour tous. Conscient de cela, Mario Draghi, président de l'institution, a martelé en octobre que la BCE ne devait pas "garantir que les déficits publics seraient financés à tout prix".

Combien de temps vont durer les réinvestissements ?

La diminution des réinvestissements "ne devrait intervenir qu'après le premier relèvement des taux directeurs", selon François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. Ces taux sont actuellement à leur plus bas et le resteront "au moins" jusqu'à l'été 2019, selon la BCE.

La Réserve fédérale américaine (Fed) a elle maintenu à l'identique la taille de son bilan pendant trois ans après le terme des rachats nets d'actifs à fin 2014.

La BCE réduira-t-elle la voilure plus rapidement ? "Nous ne devrions pas nous engager de manière ferme sur une longue période" en la matière, déclarait en novembre à l'AFP Sabine Lautenschläger, membre du directoire de la BCE. Tout dépend, selon elle, de la vitesse avec laquelle l'inflation en zone euro rejoindra l'objectif de l'institut.

afp/lk