Après cette introduction digne d’un film de science-fiction, intéressons-nous concrètement à l'ébullition de ce phénomène. Alors que Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, prévoit de passer durant cette décennie d’un média social à une entreprise métavers (“metaverse” pour la version anglosaxonne), de nombreux projets fleurissent autour de cette tendance. Mais qu’est-ce qui se cache derrière ? Le terme est une contraction des mots “méta” (qui fait référence à une vision d’ensemble) et “vers” pour “univers”. Le mot désigne des espaces numériques bien plus poussés que la réalité virtuelle (VR) ou la réalité augmentée. Il s’agit d’étendre notre réalité dans des espaces virtuels partagés, qui sont modélisés dans un environnement 3D. Partager sa vie entre le réel et le virtuel est l’ambition du futur avec le métavers. Zoom sur un phénomène qui en est à ses balbutiements.

Le successeur de l’internet mobile

C’est ainsi que le patron de Facebook a présenté en juillet son ambition pour le metaverse. Pour porter ce rêve de développer un univers d’interactions sociales, il prévoit la création de 10 000 postes dédiés en Europe, et la rumeur dit qu’il envisagerait de doter son réseau social d’un nouveau nom. Mark Zuckerberg a déjà expérimenté la réalité virtuelle 3D avec son projet “Horizon Workroom” qui permet de suivre des réunions en réalité virtuelle grâce à des lunettes ultra développées. L’ambition du patron américain est claire : faire du monde de demain un mix entre réel et virtuel.

Sommes-nous à l’aube d’une vie en 3D avec des casques de réalité virtuelle? Évidemment qu'en lisant ces lignes, nous pensons directement à un célèbre film de Steven Spielberg. Incarner un avatar dans un monde numérique permettrait de réduire les distances géographiques entre les individus. Nous pensons également au monde virtuel du très célèbre “Second Life (un logiciel qui permet à ses utilisateurs d’incarner des avatars)qui a fait son lancement au début du millénaire mais qui a rapidement été mis aux oubliettes à cause de sa complexité et sa lenteur. Imaginez-vous demain pouvoir assister au concert en 3D d’Ed Sheeran depuis votre canapé ? Le métavers le permettrait.Assister à une réunion entre collègues-avatars dans un monde 3D ? Le metaverse vous l’autorise. Visiter le musée du Louvre avec un guide tout en bronzant dans son jardin ? Ce serait possible. Nous ne surferons plus seulement sur le web avec des pages 2D mais nous vivrons une expérience immersive “dans” internet. C’est aussi excitant que terrifiant. En effet, le côté obscur de ce phénomène réside dans le potentiel renfermement sur soi-même incitant la population à vivre sa vie virtuellement au détriment de la vie réelle.

Le géant outre-atlantique n’est pas le seul à vouloir tirer profit du metaverse. Epic Games, l’éditeur derrière le célèbre battle royal Fortnite, a indiqué que plusieurs milliards de dollars qui ont été levés auprès d’investisseurs (dont Sony) seraient consacrés à ce phénomène. Dans ce sens, il est désormais possible d’assister à des concerts et des projections sur Fortnite. L’exemple de la performance numérique du rappeur Travis Scott en 2020, qui a généré plus de 5 milliards de dollars de CA, ou encore celle de la chanteuse Ariana Grande, qui a réuni pas moins de 78 millions de personnes sur un auditorium virtuel.

Source : Epic Games

Comment ne pas parler de Roblox quand on parle de metaverse ? La société technologique américaine, introduite en bourse cette année, rassemble plus de 40 millions de joueurs quotidiennement, dont une grande partie est mineure. La vision de la société est de créer une plateforme partagée immersive, dans laquelle il est possible de vivre des millions
d’expériences 3D, que ce soit pour apprendre, travailler, jouer, créer ou encore socialiser. A titre d’exemple, en 2020 c’est le rappeur Lil Nas X qui s’est produit sur la plateforme, ce qui montre l’ampleur de la tendance. Récemment c’est l’incontournable marque de luxe Gucci qui s’est associée à Roblox pour pouvoir vendre des articles de luxe dans une boutique virtuelle propre à la plateforme. Nous finirons par le partenariat avec Vans qui a pour but de créer un univers baptisé “Vans World”.
Jeux les plus populaires sur Roblox (trier par nombre de visites)
Source : Statista
Si nous pensons directement aux jeux vidéos, d’autres secteurs pourraient prendre part au phénomène. L’incontournable fabricant de semi-conducteurs Nvidia compte bien tirer profit de l’essor du metaverse. La société implantée à Santa Clara collabore avec BMW pour créer une réplique virtuelle de l’usine de Ratisbonne en Allemagne. Il s’agira d’expérimenter de nouveaux flux de travail pour les appliquer au monde réel. Pour le PDG de la société californienne, Jensen Huang, le métaverse “sera l’endroit où nous créerons l’avenir”. Dans la même ambition que BMW, Microsoft développe elle aussi des “jumeaux numériques” de ses infrastructures. Enfin selon South China Morning Post, le géant chinois Alibaba a déposé trois marques : “Ali Metavers”, “Taobao Metaverse” et “DingDing Metaverse” prouvant ainsi l’intention du géant de l’empire du milieu à faire partie de la course. 

Les cryptomonnaies à l’heure du metaverse

L’univers des cryptomonnaies n’est pas en reste, de nombreux projets se développent, notamment Decentraland, un des pionniers du phénomène métaverse. Créer des jeux, acheter et vendre des parcelles est l’essence même du projet. En revanche, il va falloir se bousculer au portillon car il y a déjà 90% des parcelles qui ont été vendues. Le système est basé sur les NFTs, ce qui permet aux détenteurs de biens sur la plateforme d’obtenir une parcelle unique (en détenant un acte de propriété). Pour acheter un bout de terrain, il vous faudra passer par une devise numérique propre à la plateforme, qui se présente sous le nom de : MANA. Pour information le cours actuel gravite autour des 0,80$ à l’heure où j'écris ces lignes et celui-ci a connu une hausse de plus de 800% depuis le 1er janvier. Sur le même principe, on peut également citer “The Sandbox” ou encore “Republic Realm” qui proposent l’achat de propriété virtuelle.

Capitalisation boursière Decentraland
Source : Statista

 

De "metaverse" à "multiverse"

Bien souvent connu des lecteurs de comics Marvel, la notion de “multiverse” a été évoquée dans Spider-man : Far from home ou encore dans Doctor Strange, In the Multiverse of Madness. Rapide point cosmologique sous le prisme du multiverse, l’Univers que nous sommes en mesure d’observer ne serait pas unique, il en existerait beaucoup d’autres. L’univers observable serait donc un sous-ensemble infinitésimal du multiverse. Alors que moult définitions ont été émises d’un point de vue philosophique et physique en passant par la relativité générale d'Einstein à la mécanique quantique, les fans de Marvel voient derrière ce phénomène la suite de la “Infinity Saga”. Pour faire le lien avec les métavers, imaginez une multitude de dimensions, d’univers alternatifs et de réalités parallèles virtuelles qui co-existent les uns avec les autres. Il serait alors possible de naviguer entre différentes “réalités virtuelles” grâce à des passerelles, le tout formant le multiverse. Chaque métavers serait donc interconnecté, laissant l’utilisateur circuler à travers les différents mondes fictifs. 

A l’horizon se dessine un avenir virtuel dans la vie de tout un chacun. Notre doublure virtuelle qui se cache déjà à travers des métadonnées gérées par les géants du web va-t-elle prendre vie “dans” nos écrans? Le développement des outils informatiques, la 5G, la démocratisation des cryptomonnaies, les conséquences sociales de la pandémie mondiale, sont autant de facteurs qui pourraient précipiter l'avènement d’un metaverse. A l’heure actuelle, nous ne savons pas encore si un seul metaverse  arrivera à se développer et s'imposera ou si plusieurs cohabiteront ensemble en tant que multiverse. Les pouvoirs publics auront cependant du fil à retordre, que ce soit pour des questions économiques, sociales ou encore éthiques. La fusion d’un univers virtuel avec des composantes du réel sera tout de même très intéressante, ne serait-ce qu’à observer. Si vous voulez prendre part à cette technologie, jusqu’où irez-vous pour rendre votre doublure virtuelle la plus attractive possible? Qui sait, nous nous retrouverons peut-être vous et moi face à face dans un univers alternatif.