PARIS (Reuters) - La guerre en Ukraine peut entraîner un arrêt total ou partiel de la fourniture par le russe Rosatom de l'uranium enrichi utilisé dans les centrales nucléaires et nécessite donc de lancer rapidement une augmentation des capacités de production occidentales, a déclaré mercredi le groupe public français Orano.

L'ex-Areva, spécialiste du combustible nucléaire, a fait valoir ses arguments lors de l'ouverture d'une concertation publique sur son projet d'extension de son usine d'enrichissement d'uranium Georges Besse 2, au Tricastin (Drôme).

Le projet, pour lequel le groupe prévoit une décision mi-2023, vise à doter l'usine d'une capacité de production de 11 millions d'UTS (Unité de travail de séparation) contre 7,5 millions actuellement, pour un coût estimé entre 1,3 et 1,7 milliard d'euros, avec une mise en service du premier module complémentaire début 2028.

"Ce projet est vraiment lié au conflit et à la réduction de la dépendance aux approvisionnements russes, il n'est pas lié au nouveau nucléaire (ou) à la part de marché croissante du nucléaire dans la fourniture d'électricité", a déclaré François Lurin, directeur du site Orano du Tricastin, lors d'une conférence de presse.

Orano revendique 12% de la capacité d'enrichissement d'uranium au niveau mondial, contre 43% pour le russe Rosatom. Le groupe français fait valoir que la Russie assure aujourd'hui sa souveraineté énergétique, contrairement à l'Europe et aux Etats-Unis, Rosatom représentant en moyenne 30% des approvisionnements du marché occidental.

L'entreprise, concurrencée également par le groupement européen Urenco, souligne que les pays occidentaux pourraient décider de mettre fin à la fourniture d'uranium enrichi par Rosatom à travers des sanctions ou d'instaurer des restrictions à l'importation avec des quotas, comme aux Etats-Unis, tandis que la Russie pourrait de son côté restreindre ses exportations comme elle a pu le faire pour le gaz.

"Ce scénario conduirait, après utilisation des stocks d'uranium enrichi des producteurs d'électricité d'origine nucléaire, à des pénuries de combustibles nucléaires, et donc à des potentiels arrêts de centrales", ajoute Orano dans son dossier.

Selon le groupe, une extension de son usine répondrait au souhait de nombreux énergéticiens, encouragés par leurs Etats, de "sécuriser leurs approvisionnements en réduisant leur dépendance et leur part d'approvisionnement en uranium enrichi russe".

François Lurin a cependant souligné qu'Orano, dont EDF est le premier client, avait besoin de visibilité à long terme afin de pouvoir investir, avec des contrats - ou des lettres d'intention - les engageant sur des périodes de 15 ans.

"On demande à nos clients de s'engager, et je pense qu'ils le comprennent. On ne peut pas se lancer sur des déclarations d'intentions", a-t-il dit, précisant qu'Orano avait d'abord été sollicité par des électriciens américains.

(Reportage Benjamin Mallet ; édité par Bertrand Boucey)