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Pour rappel, dans l'absolu, les OCABSA ne devraient pas poser problème. Tirer une ligne obligataire ou fixer un ratio de conversion d’obligations en actions sont des actes banals sur les marchés. Mais en réalité, ces nouveaux véhicules révèlent de nombreuses failles et mettent au jour différentes pratiques des fonds souscripteurs pour tirer un maximum de ces opérations. 

> Le rôle du dirigeant dans la course à la perte 

Plus une entreprise est en difficulté financière, plus les conflits d’intérêts sont exacerbés entre les différentes parties prenantes : salariés, dirigeants, actionnaires existants, créanciers, nouveaux actionnaires. 

Le dirigeant, quand il n’est pas actionnaire de contrôle, a tout intérêt à poursuivre l’activité de son entreprise, coûte que coûte, même si la raison voudrait qu’il mette fin à l’hémorragie. Si l’entreprise se maintient, il continuera à percevoir sa rémunération, quand bien même la dilution de titres ne rendrait pas service aux actionnaires. Il y a donc lieu de s’interroger sur les objectifs de la gouvernance quand elle fait appel à ces outils, ou sur son niveau de compréhension du mécanisme. 

> Shorter les actions avant la conversion 

Parmi les pratiques courantes au sein des fonds porteurs d’OCABSA figurerait celle qui consiste à shorter les titres de la société émettrice sur le marché avant d’avoir réceptionné les actions issues de la conversion des obligations. 

Dès que les souscripteurs d’OCABSA reçoivent la demande de tirage d’une nouvelle tranche obligataire, ils convertissent aussitôt leurs obligations en actions. De surcroît, il apparaît habituel que ces porteurs se positionnent en vendeurs des valeurs à partir du moment où l’obligation est tirée. Alors que l’AMF exige normalement de déclarer ses positions vendeuses, il semble que les fonds souscripteurs se dérobent à cette règle, car leurs positions shorts sont d’une durée très limitée (souvent 24h), le temps de réceptionner leurs actions. S’ils s’astreignaient à cette discipline, le mécanisme n’en serait que plus visible sur les marchés. 

En prenant des positions vendeuses sur les titres au moment de la conversion, les souscripteurs font baisser les cours de la valeur, faisant pression sur la société. Si le titre tombe en-dessous de sa valeur nominale, le porteur peut faire valoir sa clause indemnitaire auprès de l’émetteur. Cette indemnité peut être payée sous forme numéraire ou sous forme de nouvelles obligations “gratuites”, elles-mêmes de nouveau convertibles. Un procédé qui peut se révéler très coûteux pour la société. 

> L’enjeu de la liquidité et du timing

Pour assurer la revente de leurs actions sur le marché, les porteurs ont tout intérêt à garantir la liquidité des titres. Ici, la pratique usuelle consisterait à encourager les émetteurs d’OCABSA à communiquer sur l’activité de la société, pour engager cette liquidité. Il peut être judicieux d’observer la fréquence de publication des communiqués de presse d’une société émettrice d’OCABSA, et de s’intéresser à la pertinence de l'information relayée.  

> Les mauvais outils, les mauvaises défenses, la mauvaise information

Parmi les écueils relevés dans la pratique des OCABSA, il y a lieu de questionner le niveau de connaissances des sociétés qui font appel à ces outils. Les contrats qui régissent ces véhicules sont complexes et nécessitent une connaissance aiguë du droit financier. Les entreprises émettrices ont-elles bien conscience des tenants et aboutissants des contrats qu’elles signent ? Les signataires sont-ils au fait des contraintes induites par certaines clauses des contrats ? Il semblerait que ce ne soit pas toujours le cas. Idem pour les actionnaires entrants : les petits porteurs sont rares à pouvoir démêler les contrats régissant les OCABSA, si l’on en croit les récits passés. 

> La valeur nominale de l’action

En France, il n’est pas possible d’émettre une action en-dessous de sa valeur nominale. Cette règle, héritée du siècle dernier, n’est plus vraiment adéquate dans un monde où le niveau de fonds propres d’une société ne reflète plus toujours sa valeur sur les marchés. Il n’y a qu’à observer la valeur de Tesla en bourse pour s’en convaincre. Mais elle demeure. 

Ainsi, quand une action est émise sous son nominal, la société émettrice devrait, au terme de la signature du contrat, réduire ce nominal. Là encore, l’immédiateté des pratiques pousserait les entreprises à omettre cette prescription. Si elles n’abrogeaient pas cette règle, elles s’en verraient en fait protégées : aucun fonds ne convertirait une obligation en action à un ratio inférieur au nominal, au risque d’y perdre en capital.  

> Les commitment fees

Tout comme les banques, les fonds prêteurs mettent en place, au moment de la signature des contrats obligataires, des commissions d’engagement, une sorte de dédommagement pour rémunérer l’engagement du créditeur à mettre à disposition du capital. Ces commissions ne sont pas calculées sur la valeur de la tranche engagée à chaque tirage, mais en fait sur l’ensemble des tranches promises. De quoi affaiblir de nouveau l’entreprise. 

Si certaines entreprises sont parvenues à tirer avantage de ce type de levée de fonds, d’autres en auront indubitablement fait les frais. Parmi les situations les plus surprenantes, nous retiendrons surtout les entités qui ont eu recours aux OCABSA à plusieurs reprises. Quoi qu’il arrive, il appartient aux petits porteurs de bien étudier leurs prises de positions quand ils misent sur ces sociétés. 




Sociétés qui ont eu recours aux OCABSA (liste non-exhaustive) : 

Europlasma, Archos, Genomic Vision, Avenir telecom, Drone Volt, Spineway, Visiomed, Catana, Erytech, Stentys, Intrasense, Global BioenergiesLogic Instrument, TXcell.