PARIS (awp/afp) - Après une semaine attentiste où le cours du baril et les propos de Jerome Powell ont focalisé l'attention des investisseurs, sans pour autant les ébranler, les Bourses européennes pourraient repartir de l'avant si les incertitudes liées au Brexit et à la guerre commerciale s'éloignent.

A moyen terme, les marchés vont "être complètement dirigés par les deux événements politico-macroéconomiques que sont le Brexit et la guerre commerciale" entre les Etats-Unis et la Chine, tout en gardant un oeil sur le marché obligataire, observe auprès de l'AFP Régis Bégué, directeur de la gestion actions chez Lazard Frères Gestion.

Sur le Brexit, des commentaires faits jeudi soir par le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, laissant entendre qu'il était disposé à abandonner le "backstop" ("filet de sécurité") si tous ses objectifs étaient atteints, ont entraîné une forte remontée de la livre britannique.

"Les négociations s'accélèrent et ce serait une vraie bonne nouvelle pour les marchés qu'il n'y ait pas un Brexit dur" sachant que "la probabilité d'un accord est quand même énormément remontée ces dernières semaines", estime M. Bégué.

De leur côté, négociateurs chinois et américains se sont réunis jeudi à Washington en vue de préparer les pourparlers bilatéraux prévus début octobre. Un deuxième rendez-vous devait avoir lieu ce vendredi.

Si les incertitudes entourant ces deux dossiers s'apaisent, "il y a quand même de bonnes chances que cela amène les taux longs à remonter significativement des deux côtés de l'Atlantique et du coup que (...) les valeurs à visibilité longue et cycliques" soient recherchées, selon M. Bégué.

La prudence s'impose toutefois, pour Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d'investissement chez Pictet AM, qui juge que le marché surestime "la croissance des bénéfices" des entreprises et "ce que les banques centrales pourront apporter en terme de liquidités", ce qui pourrait affecter les taux d'emprunt.

Les rendements obligataires, qui avaient amorcé depuis début septembre un mouvement de remontée, se sont stabilisés en fin de semaine sur fond de hausse brutale des cours du pétrole et de tensions monétaires aux Etats-Unis.

La branche new-yorkaise de la Fed est en effet intervenue à quatre reprises cette semaine pour éviter un emballement des coûts d'emprunt à court terme pour les banques et les entreprises, injectant un total de 278 milliards de dollars de liquidités.

Elle a annoncé vendredi qu'elle allait mettre jusqu'à 75 milliards de dollars par jour sur le marché interbancaire jusqu'au 10 octobre.

Le pétrole sur le devant de la scène

Quant à la réunion de la Banque centrale américaine mercredi et jeudi, elle a été "un non événement", souligne M. Bégué, si ce n'est qu'elle a révélé qu'il n'y avait "pas eu une très large majorité" en faveur d'une baisse de taux.

La Fed a annoncé mercredi une modeste baisse des taux d'intérêt, de 25 points de base, la deuxième en deux mois, soucieuse de protéger la première économie mondiale des incertitudes pesant sur le commerce et l'économie mondiale.

Peu enclin à s'engager sur l'avenir, son président Jerome Powell a répété que la voie de la politique n'était "pas tracée d'avance" et que la Fed serait plus que jamais "dépendante des données économiques".

La Banque d'Angleterre a de son côté opté, sans surprise, pour le statu quo tandis que la Banque nationale Suisse a elle aussi maintenu son taux directeur inchangé.

"La Fed a plutôt raison", note M. Rollin: "nous n'avons pas aujourd'hui de risque immédiat de récession aux Etats-Unis mais une sorte d'atterrissage du cycle en raison d'une faiblesse des investissements, s'expliquant à la fois par la guerre commerciale mais aussi tout simplement par la maturité du cycle économique".

D'autant que les dernières données économiques américaines, ressorties nettement au-dessus des attentes, pointent vers une consommation toujours robuste.

Dans ce contexte, la volatilité des prix du pétrole, qui a été l'autre point d'attention de la semaine, "sera à surveiller", anticipe M. Rollin, le consommateur, notamment américain, y étant "assez sensible".

Les cours du brut ont flambé lundi, prenant "jusqu'à 15% en séance" après une attaque contre les infrastructures saoudiennes, qui a divisé la production du pays par deux. Les cours ont rebaissé "quand on s'est aperçu que la production pourrait reprendre beaucoup plus rapidement que ce qui était craint", rappelle M. Bégué.

"Une prime de risque sur les prix du pétrole" va toutefois sans doute se maintenir à court terme, avance M. Rollin, notamment parce que les tensions entre les Etats-Unis et l'Iran demeurent".

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