Un ralentissement du rythme des hausses de taux est peut-être en vue, mais la BCE est loin d'avoir terminé et les marchés veulent avoir une idée de l'évolution du taux directeur de 1,5 %.
Les marchés veulent avoir une idée de l'évolution du taux de dépôt de 1,5 %. "Ils (les responsables politiques) continueront à se montrer belliqueux et agressifs car ils veulent que les prévisions d'inflation restent ancrées", a déclaré Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management.

Dans ce contexte, voici cinq questions clés pour les marchés. 

1/ Que va faire la BCE jeudi ?

Les marchés anticipent une hausse des taux de 50 points de base après deux hausses consécutives de 75 points de base, ce qui ralentirait le rythme du resserrement.

Mais la BCE devrait rester sur ses positions et les investisseurs chercheront également des indices sur l'évolution du taux de dépôt.

Les prix du marché monétaire suggèrent que les taux atteindront un pic en juin 2023, à environ 2,7 %, mais certains pensent que le taux sera plus élevé car les pressions sous-jacentes sur les prix restent fortes et une politique budgétaire expansionniste pourrait stimuler l'inflation.

Les économistes de la Deutsche Bank considèrent que le taux final sera de 3 %, avec des risques orientés à la hausse.

"Nous devons accepter que la trajectoire future des taux est un processus de découverte pour les marchés et les banques centrales", a déclaré Francis Yared, responsable mondial de la recherche sur les taux à la Deutsche Bank.  

La BCE va-t-elle ralentir ? 

2/ L'inflation de la zone euro a-t-elle atteint son pic ? 

L'inflation globale a ralenti en novembre pour la première fois en un an et demi, pour s'établir à 10 %, ce qui a fait naître l'espoir que la croissance vertigineuse des prix était terminée.

Pourtant, l'inflation reste supérieure à l'objectif de 2 %. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, sera probablement prudente avant d'annoncer un pic après la "grosse erreur" commise l'année dernière en insistant sur le caractère "transitoire" de la flambée des prix, a déclaré M. Ducrozet de Pictet.

Si l'on exclut les denrées alimentaires, le carburant, l'alcool et le tabac, l'inflation est de 5 % et les pressions sur les prix restent nombreuses. L'économiste en chef de la BCE, Philip Lane, estime que les salaires seront le "principal moteur" de la hausse des prix, même après l'atténuation des chocs énergétiques.

L'inflation de la zone euro n'atteint pas des sommets 

3/ La BCE va-t-elle discuter du resserrement monétaire ?

Probablement. La manière de réduire les obligations détenues dans son bilan dans le cadre de ce que l'on appelle le resserrement quantitatif (Quantitative Tightening, QT) est un élément clé du débat politique de la BCE.

La BCE pourrait donner des indications sur la manière dont le QT s'appliquera à son programme d'achat d'actifs de 3 300 milliards d'euros et sera probablement pressée de fournir des détails.

"Un démarrage en février avec un réinvestissement partiel similaire à ce que fait la Fed est très probable", a déclaré Patrick Saner, responsable de la stratégie macroéconomique chez Swiss Re.

Les ventes actives d'obligations devraient être exclues pour le moment.

4/ La BCE pense-t-elle que la récession sera peu profonde ?

Les données sur l'activité économique, qui font l'objet d'une surveillance étroite, indiquent une légère récession et les dernières prévisions devraient montrer comment la BCE envisage le ralentissement à venir.

En septembre, elle prévoit une croissance de 0,9 % dans la zone euro en 2023, ce qui représente une baisse significative par rapport à ses prévisions de juin.

Reinhard Cluse, économiste européen en chef d'UBS, s'attend à ce que la BCE réduise ses perspectives à une croissance de 0,5 % pour l'année prochaine, avec "l'évaluation que nous sommes clairement en train de ralentir et que deux trimestres de croissance négative pourraient bien se produire, mais une profonde récession (est) peu susceptible d'être leur scénario principal." L'activité économique mondiale clignote donc en rouge. 

5/ Les décideurs de la BCE sont divisés sur les perspectives, qu'est-ce que cela signifie ?

Lane et Isabel Schnabel, qui mènent le débat économique au sein du conseil d'administration de la BCE, ont donné des avis contrastés récemment.

  1. Lane pense que la croissance record des prix commencera à s'atténuer l'année prochaine. Schnabel soutient que plus on laisse l'inflation rester élevée, plus le risque qu'elle s'installe est grand.

Mme Lagarde pourrait être pressée de dire ce qu'elle pense des querelles entre hauts fonctionnaires. Un compromis pourrait en résulter.

"Les colombes se faisant à nouveau entendre, nous entrons dans une période où les faucons ne seront pas les seuls à essayer de diriger la politique monétaire, ce qui signifie que nous verrons des compromis plus importants", a déclaré Piet Haines Christiansen, analyste en chef de la Danske Bank.

Traduction de l’article Reuters, écrit par Dhara Ranasinghe, Naomi Rovnick et Stefano Rebaudo