Jeunesse et début de carrière :

Carl Icahn le savait très tôt, il voulait gagner de l’argent, beaucoup d’argent. Né en 1936 dans une famille juive et diplômé de philosophie de Princeton, il poursuit avec des études de médecine qu’il abandonne pour une raison très simple : il déteste ça et blague : “Une des meilleures choses que j’ai faite pour la race humaine a été de ne pas devenir docteur”. 

Après un passage à l’armée, il commence sa carrière comme agent de change chez Dreyfus Corporation puis comme Options manager chez Tessel Patrick & Co puis chez Gruntal & Co. C’est d’ailleurs dans les options qu’Icahn parvient à faire son trou et commence à se bâtir une fortune personnelle solide. En 1968, il emprunte 400k$ à son oncle pour acheter une place au NYSE et y inscrire sa nouvelle société Icahn & Co, dédiée à l’investissement en trading d’options et en risk arbitrage, une pratique qui consiste à investir dans des sociétés dont une acquisition est sur le point de se dérouler. L’apparition des junk bonds (obligations très risquées émises par des sociétés surendettées) au début des années 70 est une aubaine pour lui et il se construit une fortune, qu’il va utiliser pour servir ses investissements hostiles. 

En 1978 il prend une partie du contrôle du fabricant d’appareils électroménagers Tappan Company dont il force la vente à Electrolux, lui faisant gagner près de 3 M$.

Icahn lors d'un passage télévisé chez Fox News

Trans World Airlines : 

C’est dans les années 80 qu’Icahn réalise une opération qui l'inscrit tant en bien que mal dans les livres d’histoire. Bien, pour Icahn, qui empoche près de 500 M$ dans l’affaire. Mal, pour des centaines d’employés et d'éventuels investisseurs qui sont spectateurs de la chute de leur société. Cette société, c’est la TWA, pour Trans World Airlines. Cette compagnie aérienne attire l'intérêt de Carl Icahn avec ses nombreuses difficultés découlant du mandat de l’ancien PDG, l’aviateur-producteur-homme d’affaires Howard Hughes. Certains verraient en TWA un boulet mal géré aux finances éparpillées et bon pour la faillite, Icahn y voit une société dotée de points forts, et surtout de nombreux points à améliorer pour redonner à cette compagnie la réputation et la santé financière d’antan. Et surtout, Icahn y voit une société très largement sous-valorisée ! Son objectif est clair : il cherche à redonner une beauté à la TWA pour la revendre aux concurrents et empocher une belle plus-value. Il se met à acheter un paquet d’actions de la société, amenant sa participation à 25%. Après une rencontre avec le PDG en place aux allures de guerre froide, il propose 18 dollars par action pour reprendre le contrôle de l’entreprise. Offre refusée par le management qui saisit le Congrès pour obtenir une restriction empêchant Icahn de prendre le contrôle de la société. Mais Icahn a bien étudié le dossier et a su faire valoir des arguments financiers et logiques implacables. Il ressort vainqueur de ce passage au Congrès et se lie de complicité avec les syndicats de l’entreprise pendant qu’en parallèle, le conseil d’administration cherche un autre investisseur pour contrer les offres de Carl Icahn. Cet investisseur, ce sera Franck Lorenzo, homme d'affaires du monde des compagnies aériennes. Les enchères s'enchaînent entre Lorenzo et Icahn lorsque Lorenzo lâche l’affaire, trop faible devant les 45% de participation d’Icahn et l’hostilité des syndicats. La suite ? Icahn privatise la compagnie, amasse une fortune et endette la TWA à hauteur de 540 M$, cède des routes aériennes, fragilise le business et fait couler la société qui déclare faillite en 1993, avant de fusionner 8 ans plus tard avec American Airlines.

Dans les années 90, Icahn s’empare progressivement du contrôle de l’AREP, l’American Real Estate Partners, qu’il transforme en son véhicule d’investissement et devient en 2007 Icahn Enterprises, un conglomérat rassemblant tous les investissements du magnat. À partir de là, il s’intéresse à des sociétés du monde du divertissement et des médias et acquiert des parts dans les groupes Blockbuster Video, Time Warner et Netflix. Il échoue dans sa tentative de forcer Time Warner à séparer des activités en quatre sociétés différentes mais s’en tire tout de même avec de grands profits. Proche de Donald Trump, il devient son conseiller spécial sur les questions de régulations économiques lorsque Trump devient président des USA, mais doit se retirer à cause des risques de conflit d’intérêts. La société d’exploitation des casinos du président Trump Entertainment Resorts devient même une filiale d’Icahn Entreprises pour 82,5 M$.

Herbalife et Bill Ackman : 

En 2016, Icahn prend part à un débat animé avec Bill Ackman, dirigeant de Pershing Square Capital Management. Les deux ont un passé riche et les premiers accrochages remontent à 2003, quand Ackman vend à Icahn ses participations dans une entreprise immobilière, avec l’accord qu’Ackman percevra un pourcentage d’une éventuelle plus-value, qu’Icahn ne lui délivrera jamais. Un petit tour au tribunal et Ackamn reçoit 9 M$ en compensation. Mais ce qui nous intéresse ici c’est ce débat, tenu sur CNBC en 2013 et somptueusement renommé “la bataille des milliardaires”. Ce débat porte sur Herbalife, une société controversée de produits nutritionnels et de coaching de vie. Ackman shorte la société à hauteur de 1 Md$ et fustige son fonctionnement qu’il accuse d’être un système pyramidal, tandis que Icahn augmente sa participation à 21%. Cette bataille hautement médiatisée rythmée par les noms d'oiseaux se solde par un gain d’un milliard de dollars pour Icahn, et une perte considérable pour son compère de Pershing Square. Durant ce clash, Icahn déclare ceci à propos d’Ackman : “Il est l'exemple parfait qu'à Wall Street, si vous voulez un ami, prenez un chien.” Ackman rétorque : “Ce n'est pas un gars qui tient sa parole. C'est un gars qui profite des petites gens.” Ambiance… Pourtant, comme dans un chef-d'œuvre hollywoodien, l’histoire se termine par un câlin durant une conférence en 2014. Tout est bien qui finit bien.

Accolade entre Carl Icahn (gauche) et Bill Ackman (droite) en 2014 (Images live CNBC)

Icahn est connu pour le “Icahn lift”, un phénomène de hausse de la valeur de l’action d’une société après l’achat de parts de celle-ci par Carl Icahn.

Actes philanthropiques :

Malgré ses nombreux investissements hostiles et peu éthiques, Icahn est un grand philanthrope. Il a continuellement donné une partie de sa fortune à son ancienne école de Princeton, qui a servi à la fondation d’un laboratoire génomique qui porte son nom. Il est aussi un grand donateur pour le Mount Sinai Hospital de New York, permettant la construction d’un institut médical, et donnant son nom à l’école de médecine de l'hôpital. Il possède également sa fondation qui détient plusieurs bâtiments d'hébergement pour les sans-abri, dont un complexe de soixante cinq habitations destinés aux femmes célibataires enceintes ou avec un ou des enfants. 

Style d’investissement : 

Greenmail : Carl Icahn est connu pour avoir fait usage du greenmail à de nombreuses reprises. Il prend une participation considérable dans des entreprises, qu’il menace d’OPA hostile, et reçoit une proposition de rachat à plus haute valeur de ses actions par ces entreprises pour l’empêcher d’en prendre le contrôle.

Investissement value : Icahn investit très souvent dans des sociétés qu’il estime largement sous valorisées avec des PER faibles ou une valeur comptable nette bien supérieure à la valeur de marché : « Ma philosophie d’investissement, généralement, avec des exceptions, est d’acheter quelque chose quand personne n’en veut ».

Rémunération des PDG : Icahn ne se cache pas, il estime que les salaires et primes des directeurs de sociétés sont trop élevés et décorrélés des performances réelles des entreprises. Et il en profite en prenant le contrôle de nombreuses sociétés.

Sources : 

Icahn :

Herbalife :