Un observateur extérieur aurait toutes les peines du monde à trouver une logique dans l'évolution des marchés financiers, surtout dans la période actuelle. Même de l'intérieur, le fil conducteur a un peu de mal à émerger. Je vous donne un exemple. Les investisseurs sont bardés d'indicateurs qui permettent de prévoir la tendance des prochains événements censés être importants pour la planète finance. En réalité plus que de la prédiction, ces indicateurs permettent d'échafauder des hypothèses raisonnables en réduisant au maximum le risque d'avoir adopté une stratégie complètement inadaptée à la situation future. Quand on parle de l'évolution des taux directeurs, on sait quasiment toujours ce que le marché s'attend à voir arriver, surtout depuis 2008 et les projections sur le long terme fournies par les banques centrales. J'en parle régulièrement, un outil comme le FedWatch du CME donnait hier une probabilité de 95% à une double hausse de taux de la banque centrale américaine le 4 mai. C'était avant une déclaration de Jerome Powell confortant cette analyse, qui a fait monter la probabilité à 99,8% hier soir.

Dit autrement, on était "presque quasiment sûr" que la Fed augmenterait ses taux de façon agressive, c’est-à-dire de plus que le tarif habituel d'un quart de point à la fois. Maintenant, on en est "presque totalement sûr". Ce qui n'a pas empêché hier les taux obligataires de réagir à la hausse et les indices actions américains de flancher après le petit laïus de Powell. Comme si les investisseurs découvraient subitement le pot-aux-roses. Le Nasdaq a reperdu 2%. Renchérir le prix de l'argent est une mauvaise nouvelle pour les sociétés de croissance, à la fois parce que les modèles de valorisation sont ajustés mécaniquement à la baisse et parce que les financeurs deviennent plus sélectifs puisque la ressource s'amenuise. Le marqueur de l'appétit pour les valeurs de croissance à Wall Street, le fonds très agressif ARK Innovation de Cathie Wood, est en train de replonger sur ses plus bas niveaux de l'année après avoir reperdu 10% cette semaine.

Quand on voit ce qu'un infime changement de probabilité dans un contexte déjà très consensuel est capable de provoquer chez des investisseurs enfiévrés, on est en droit de se demander ce qu'il se passerait dans un scénario beaucoup plus aléatoire. Vous voyez peut-être où je veux en venir. La sphère financière vote Emmanuel Macron. Mais le président sortant n'a pas les 95% de probabilité cités plus haut, loin de là. Au regard des évolutions indicielles récentes en Europe en général et en France en particulier, je n'ai pas vraiment l'impression que les investisseurs ont pris leurs dispositions pour une victoire de Marine Le Pen.

Que feraient-ils, d'ailleurs, ces investisseurs si un tel scénario se produisait dimanche soir ? J'évoque ici les réactions épidermiques sur les marchés actions, sans considérations plus complexes comme le fait que les élections législatives seraient en mesure de considérablement limiter les pouvoirs présidentiels. Pour répondre à cette question, je suis allé chercher les explications du patron de la recherche d'AlphaValue, Pierre-Yves Gauthier, qui a listé quelques-uns des mouvements probables. D'abord, explique-t-il, les Français risquent de vendre les actifs à risque pour se replier sur une exposition étrangère, probablement ailleurs en zone euro, tout en se reportant autant que faire se peut sur les actions hexagonales avec une présence marquée hors de France. Les investisseurs étrangers (qui pèsent plus de la moitié du CAC40) vendront aussi en attendant de voir où se situe le nouveau point d'équilibre. Pour le spécialiste, les actifs français de qualité peuvent atteindre assez vite un niveau plancher, mais les valeurs moyennes souffriront plus longtemps. "En bref, vendre d'abord, discuter ensuite", résume Pierre-Yves Gauthier, qui cite aussi quelques dossiers qui risquent d'être ciblés spécifiquement parce qu'ils présentent un risque accru. C'est le cas des concessionnaires autoroutiers par exemple, comme Vinci et Eiffage, puisque Marine Le Pen a prévu de mettre fin à l'exploitation privée du réseau. Ou de Renault, Stellantis et Air France-KLM, qui subiraient des interférences de gouvernance, comme d’autres dossiers dans lesquels l'Etat est présent au capital. Pour diverses raisons, des valeurs comme Airbus, Veolia ou Electricité de France seraient aussi soumises à des pressions nouvelles. Quant aux valeurs financières, elles souffriraient probablement de l'accroissement du risque et de la dégradation de qualité crédit française.

La séance du jour va démarrer en vive baisse en Europe, non à cause de l'élection présidentielle française mais bien du discours offensif de Jerome Powell, on l'aura compris (même lentement). En Asie, la baisse domine aussi malgré un frémissement en Chine. Pour autant, la situation sanitaire du pays inquiète toujours. Ou plutôt, c'est la façon de lutter contre la pandémie qui inquiète. Les investisseurs sont aussi étonnés de la faiblesse des mesures concrètes annoncées par Pékin pour compenser l'impact de la fermeture de certaines zones du pays. Les autorités ont multiplié les déclarations, mais concrètement, rien de bien consistant n'a été déployé. En attendant, les publications d'entreprises sont très nombreuses pour un vendredi, en particulier en Europe. Parmi les grosses valeurs, je peux citer Kering, EssilorLuxottica, Holcim, SAP ou Renault. Je blague, Renault n'est plus une grosse valeur, mais c'est un dossier très suivi, comme Casino, GTT ou La Française des Jeux, qui ont aussi publié.

Le CAC40 perdait 1,7% à 6600 points à l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

S&P publiera les indices PMI des services finaux des principales économies tout au long de la journée.

L'euro et le dollar se neutralisent toujours à 1,0840 USD. L'once d'or s'échange à 1949 USD. Le pétrole stagne lui aussi, avec un Brent de Mer du Nord à 107,04 USD le baril et un brut léger américain WTI à 102,68 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans rebondit à 2,95%. Le bitcoin recule autour de 40 500 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • ABB : UBS reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 35 à 37 CHF. AlphaValue reste à alléger avec un objectif de cours relevé de 31,70 à 32,60 CHF.
  • ADVA : Oddo BHF reprend le suivi à neutre en visant 18 EUR.
  • Air Liquide : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 152 à 160 EUR.
  • Anglo American : RBC passe de surperformance à performance sectorielle en visant 3400 GBp.
  • ASM International : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 350 à 390 EUR.
  • Aurelius Equity : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 40 à 44 EUR.
  • Bankinter : J.P. Morgan passe de souspondérer à neutre en visant 5,50 EUR.
  • Berkeley : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 5587 GBp.
  • Carrefour : Exane BNP Paribas passe de surperformance à neutre en visant 20 EUR.
  • Continental : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 101 à 80 EUR.
  • HeidelbergCement : Société Générale passe d'acheter à conserver en visant 51 EUR.
  • Heineken : HSBC passe de conserver à acheter en visant 112 EUR.
  • Holcim : Société Générale passe d'acheter à conserver en visant 45 CHF.
  • Mercedes : Barclays reste à surpondérer avec un objectif réduit de 100 à 95 EUR.
  • Metso : Inderes passe d'accumuler à alléger en visant 9,20 EUR.
  • NatWest : HSBC passe de conserver à acheter en visant 260 GBp.
  • Paulic : GreenSome Finance reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 7,90 à 5,31 EUR.
  • Rexel : AlphaValue reste à alléger avec un objectif de cours relevé de 19,60 à 20 EUR.
  • Rheinmetall : UBS reste à l'achat avec un objectif relevé de 187 à 251 EUR.
  • SFC Energy : Berenberg démarre le suivi à l'achat en visant 37 EUR.
  • Verallia : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 39 à 41 EUR.

En France

Résultats des sociétés

  • Casino : la croissance est de retour au T1 grâce au Brésil. L'objectif de cessions de 4,5 Mds€ à fin 2023 est confirmé.
  • EssilorLuxottica : les ventes progressent de 33,1% au T1, au-delà des attentes. Le management n'a pas fait de commentaire sur les objectifs annoncés en mars.
  • Gaztransport & Technigaz : l'activité recule au T1 à cause d'un effet de base défavorable. L'embargo sur la Russie pourrait avoir un impact sur les résultats.
  • Kering : la croissance organique de Gucci déçoit, à 13,4% au T1.
  • Renault : le groupe confirme ses objectifs 2022 après un recul de son chiffre d'affaires au T1.
  • Vinci : la dynamique était forte au T1 (+12% de CA en organique), avec des prévisions inchangées.

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Résultats des sociétés

  • AB Volvo : le résultat opérationnel du T1 est un peu plus élevé que prévu.
  • Holcim : les résultats (+16% pour l'Ebit) ont progressé plus vite que les revenus (+11,4%). L'objectif de croissance est relevé de 6 à 8% pour les ventes.
  • Salzgitter : l'aciériste a revu à la hausse son objectif annuel de bénéfice avant impôts après un bond de son bénéfice au premier trimestre.
  • SAP : le chiffre d'affaires a progressé de 11% au premier trimestre, dépassant les estimations, mais la situation en Russie a amputé l'activité.
  • Schindler : les revenus du T1 sont en faible croissance et les résultats baissent, mais dépassent les attentes.

Annonces importantes (et autres)

  • Elon Musk négocierait avec Thoma Bravo le financement du rachat de Twitter, selon le New York Post. Le milliardaire a dévoilé un plan lui permettant de mobiliser 46,5 Mds$.
  • Anheuser-Busch Inbev vend ses actifs russes et devrait prendre une charge de 1,1 Md$.
  • Shell discuterait avec des groupes chinois de la vente de sa participation dans un projet gazier russe, selon le Telegraph.
  • Les États-Unis s'intéressent à la pilule covid de Shionogi.
  • Honda développera trois nouvelles plates-formes électriques d'ici 2030.
  • LyondellBasell va fermer sa raffinerie de pétrole à Houston pour se retirer du secteur du raffinage.
  • Principales publications de résultats : Verizon, American Express, SAP, EssilorLuxottica, Vinci, AB Volvo, Holcim, Schindler, RenaultTout l'agenda ici.

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