Londres (awp/afp) - La livre britannique poursuit une hausse effrénée face à l'euro et au dollar depuis deux mois, atteignant de nouveaux sommets lundi, signe de l'enthousiasme des cambistes sur la campagne de vaccination britannique.

Juste avant Noël, les investisseurs craignaient encore que le Royaume-Uni quitte le marché unique sans accord, et face à la pandémie de Covid-19, le pays se démarquait surtout comme étant le plus endeuillé d'Europe (plus de 120'000 morts fin février).

Mais depuis deux mois, la livre a gagné plus de 5% face au dollar et à l'euro, une des plus belles performances dans le secteur des devises majeures.

Un bond dû au nombre de personnes vaccinées: selon le gouvernement, un adulte sur trois a déjà reçu une première dose, soit plus de 17,5 millions de personnes.

Autre facteur d'optimisme: le Premier ministre Boris Johnson a présenté lundi un plan de déconfinement qu'il veut "prudent" mais "irréversible".

"Après une année où la réputation du gouvernement a souffert de changements brutaux de stratégie, le Royaume-Uni a pris les bonnes décisions sur les vaccins", explique à l'AFP Jane Foley, spécialiste des devises chez Rabobank.

Au début de la pandémie, la devise britannique, considéré comme un actif risqué, avait plongé à des plus bas en des décennies face au billet vert et avait approché de la parité face à l'euro.

Elle atteint désormais des sommets en près d'un an face à l'euro, à moins de 86,40 pence pour un euro, et en près de trois ans face au dollar, à 1,40 dollar pour une livre.

"Les perspectives économiques du Royaume-Uni s'éclaircissent, particulièrement comparé à l'Union européenne", où la campagne de vaccination est moins rapide, ajoutent les analystes de Capital Economics dans une note.

Taux positif

"Les cambistes digèrent aussi le fait que, finalement, ils ne vont probablement pas avoir à s'adapter à des taux d'intérêts négatifs", ont noté les analystes de UBS.

Comme les autres institutions monétaires, la Banque d'Angleterre (BoE) a adopté un taux directeur à son plus bas historique (0,1%) pour faire face à la pandémie de Covid-19, mais les cambistes craignaient surtout qu'elle n'adopte un taux négatif, comme la Banque centrale européenne (BCE) ou la Banque du Japon (BoJ).

Cette mesure rendrait coûteux, et donc moins attractif, de posséder des livres sterling. Mais lors de sa dernière réunion monétaire, la BoE a annoncé que cette option ne serait pas sur la table avant août, et le patron de la Banque, Andrew Bailey, a insisté sur le fait que son adoption n'était pas garantie.

Résultat, les cambistes privilégient la livre par rapport au dollar, affaibli par la politique très accommodante de la Fed, ou à l'euro, où la campagne de vaccination n'avance pas.

Et contrairement à l'euro, dont le niveau élevé face au dollar préoccupe car il pèse sur les exportations, la livre ne renoue qu'avec des niveaux relativement bas: la monnaie britannique perd encore 12% face à l'euro et 6% face au dollar, comparée à son niveau d'avant le référendum sur le Brexit, en juin 2016.

"Les exportations britanniques sont toujours moins chères qu'avant le référendum", commente Paul Dales, analyste chez Capital Economics.

S'il prévoit que la livre remonte à des niveaux proches d'avant le vote du Brexit dans les prochains mois face au dollar, "cela sera un nouvel inconvénient pour les exportateurs, et un petit coup de pouce pour les ménages (dans l'achat de biens importés), mais il n'y aura pas de grosse différence pour l'économie britannique", estime-t-il.

Pour autant, "la route de la reprise va être sinueuse", prévient Mme Foley.

Les variants, l'efficacité des vaccins et la vigueur de la reprise doivent être au rendez-vous pour que la livre se maintienne, et un autre risque se profile: "les élections en Ecosse en mai pourraient redonner une vie au mouvement indépendantiste, ce qui pèserait sur la livre", souligne-t-elle.

afp/al