Allez, ne vous voilons pas la face : il y a quelque chose de jubilatoire à voir des professionnels aguerris de la finance, parmi la frange la plus opportuniste des financiers qui peuplent Wall Street, se faire prendre à leur propre piège par une bande de jeunes arrivistes. Le symbole est fort avec des méthodes modernes (les réseaux) au parfum libertaire (les forums de discussion), sans oublier la dimension épique de pacotille puisque certains de ces redresseurs de torts passent par l'application Robinhood, soit "Robin des Bois" en anglais. Voilà pour ceux qui pensent que le monde est tout blanc ou tout noir. En l'occurrence les couleurs sont assez faciles à attribuer entre les (méchants) vendeurs à découvert battus à plate-couture par les (gentils) sauveurs de chouettes sociétés.

Evidemment en réalité, la situation est un peu plus subtile. Il y a sur Reddit des manipulateurs qui tirent les ficelles en tirant parti du formidable pouvoir de mobilisation des réseaux. C’est-à-dire une technique à peu près identique à celle du fonds baissier qui prend position sur un titre en catimini avant de signaler à la planète finance qu'il est vendeur, pour faire chuter l'action et empocher ses gains. D'un autre côté, les vendeurs à découvert ont une utilité pour équilibrer les excès du marché et signaler des situations irrationnelles. On pourrait assez facilement compter les points en distribuant des certificats de vertu et de vice, mais tel n'est pas mon objectif ce matin.

J'essaie plutôt d'en tirer quelques réflexions, enfin autant que faire se peut avec un recul encore limité et un esprit embrumé par une heure de réveil indécente. La réflexion qui m'apparaît évidente est que l'équation boursière est en train de se compliquer. Bien sûr, tout le monde voit midi à sa porte et chaque tranche de l'histoire financière a connu son lot d'évolutions et de bouleversements. Mais cette fois, la dimension imprévisible et exogène prend une place inédite et conduit à des situations d'exubérance. En réalité, la situation n'était pas si différente quand la net-économie a explosé en 2000, c’est-à-dire la dernière fois que des profanes étaient persuadés qu'ils étaient des génies de la finance et que des analystes avaient fini par penser que ces profanes étaient devenus des génies de la finance. Et que les valorisations sont devenues totalement décorrélées de la réalité (allez voir les ratios de Gamestop). Cette fois, l'ampleur est démultipliée par la puissance de mobilisation des réseaux. Il y a encore tant à dire sur le sujet que je ne sais même pas par où partir ce matin sans écrire des kilomètres de papier. Pour approfondir, je vous recommande si vous ne l'avez pas déjà fait de regarder sur la chaîne Youtube de Zonebourse la vidéo sur les "covid-traders" tournée par Xavier Delmas le 15 janvier.

Il est important de noter que la ruée sur les actions les plus vendues à découvert, qui s'est propagée hier à l'Europe de façon assez fascinante, coïncide avec la plus forte correction des marchés américains depuis le début de l'automne. N'oublions pas qu'un certain nombre d'investisseurs, dans la frange traditionnelle cette fois, s'alarmaient depuis un moment de la multiplication des incongruités de marché, notamment dans les valorisations. L'épisode de cette semaine s'ajoute à la pile. Espérons qu'il ne constitue pas la goutte d'eau qui fait déborder le vase, d'autant que la Fed a délivré un message un peu plus négatif que prévu hier au terme de sa réunion de janvier, en se montrant prudente sur les perspectives économiques. D'un autre côté, cela confirme aux investisseurs que la politique restera accommodante pour un bon bout de temps. Pour dissiper le flou, j'ai l'impression qu'on ne pourra compter que sur le double jalon "la vaccination marche et les Etats-Unis déploient leur plan de relance".

Le CAC40 perdait 0,9% à 5411 points peu après l'ouverture. Hier soir, les publications d'Apple et de Facebook ont été meilleures que prévu, ce qui n'empêche pas les titres d'être chahutés post-séance. Quant à Tesla, la valeur chouchou des jeunes traders, elle a publié des chiffres médiocres et s'est montrée floue sur ses prévisions, ce qui n'est guère apprécié non plus hors-séance. Mais Elon Musk est devenu l'allié des pourfendeurs de vendeurs à découvert, alors sait-on jamais ce qui peut se passer en cours de séance ?

Les temps forts économiques du jour

Il y aura plusieurs indicateurs aujourd'hui, mais le plus attendu est la première estimation du PIB américain du T4 à 14h30, qui sera annoncé concomitamment aux inscriptions hebdomadaires au chômage. L'indice des indicateurs avancés et les chiffres de l'immobilier neuf suivront à 16h00.

L'euro recule à 1,2089 USD. L'once d'or perd un peu de terrain à 1837 USD. Le pétrole est stable avec un WTI à 52,53 USD et un Brent à 55,46 USD. Le rendement du 10 ans américain descend à 1,01%. Le Bitcoin rebondit à 31 309 USD, après être passé sous la barre des 30 000 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Adecco : Jefferies passe de conserver à sousperformance en visant 50 CHF.
  • Aker BP : Société Générale passe d'acheter à conserver en visant 225 DKK.
  • Aveva : Jefferies passe de conserver à acheter en visant 4500 GBp.
  • Dufry : Goldman Sachs passe de neutre à achat en visant 61 CHF.
  • Entain : Barclays passe de pondération en ligne à surpondérer en visant 1600 GBp.
  • Fastned : Berenberg démarre le suivi à l'achat en visant 80 EUR.
  • Hargreaves Lansdown : Exane BNP Paribas passe de neutre à sousperformance en visant 1520 GBp.
  • Global Fashion Group : Morgan Stanley passe de surpondérer à pondération en ligne en visant 11 EUR.
  • LafargeHolcim : Exane BNP Paribas passe de surperformance à neutre en visant 50,50 CHF.
  • LVMH : LBBW passe de vendre conserver en visant 538 EUR.
  • Pets at Home : Morgan Stanley passe de pondération en ligne à souspondérer en visant 250 GBp.
  • Randstad : Jefferies passe de conserver à sousperformance en visant 45 EUR.
  • Zur Rose : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 450 à 550 CHF.

L’actualité des sociétés

En France

Résultats d'entreprises

  • Elior : les revenus ont baissé de 26,1% à 945 M€ au T1 fiscal. "Notre groupe est désormais structuré pour faire face au monde contraint que nous connaissons", estime le directeur général Philipe Guillemot.
  • STMicroelectronics : en première lecture, les prévisions du T1 sont assez nettement au-dessus des attentes.

Annonces importantes

Dans le monde

Résultats d'entreprises

  • Apple : les trimestriels sont nettement meilleurs que prévu, grâce aux ventes d'iPhones, ce qui n'empêche pas le titre de perdre 3% hors séance dans un marché tendu.
  • BMW : le flux de trésorerie du segment automobile est largement supérieur aux attentes, tandis que la marge d'exploitation est dans le haut de fourchette des attentes et que le résultat avant impôt est conforme aux prévisions du marché.
  • Facebook : le chiffre d'affaires du T4 a progressé au-delà des prévisions, ce qui n'empêche pas l'action de connaître une légère pression, -2% hors séance.
  • Samsung Electronics : les trimestriels dépassent les attentes, le message est un peu prudent sur le T1, à cause de l'appréciation du won et du coût des nouveaux équipements.
  • SGS : les résultats annuels sont légèrement inférieurs aux attentes du marché.
  • Tesla : le titre perdait 5% hors séance, après des trimestriels un peu décevants et en l'absence de prévisions précises pour 2021.
  • The Swatch Group : la mauvaise passe continue pour le groupe, avec un résultat opérationnel et des ventes inférieurs aux attentes en 2020.

Annonces importantes

  • Toyota repasse devant Volkswagen comme premier producteur mondial automobile en 2020.
  • Volkswagen et Daimler ont confirmé qu'une pénurie de composants électroniques limiterait la production de certaines de leurs usines au cours des prochaines semaines.
  • AstraZeneca sous le feu des critiques après avoir beaucoup promis à ses clients sans pouvoir honorer ses commandes de vaccins covid-19.
  • Andrea Orcel prend les commandes d'Unicredit après Jean-Pierre Mustier.
  • Nokia n'a pas d'explication à son envolée en bourse de 14% hier.
  • Fiat Chrysler USA (Stellantis) va plaider coupable et payer une amende de 30 M$ pour avoir versé des pots-de-vin à des responsables du syndicat de l'automobile UAW.
  • Fincantieri et les Chantiers de l'Atlantique renoncent à se rapprocher.

Ça publie aujourd'hui. Samsung Electronics, Visa, Mastercard, Comcast, McDonald's, Diageo, Mondelez, Anglo American, Kone, STMicroelectronics, SGS, Lundin Energy

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