* Les forces russes progressent dans l'est de l'Ukraine

* L'UE envisage de bloquer les importations de pétrole russe

* Les négociations entre la Suède, la Finlande et la Turquie piétinent

par Natalia Zinets et Conor Humphries

KYIV/POPASNA, Ukraine, 28 mai (Reuters) - Les forces ukrainiennes pourraient devoir se retirer de leur dernier bastion dans la région de Louhansk pour éviter d'être capturées, a déclaré un responsable ukrainien, alors que les troupes russes progressent dans l'est.

Un retrait pourrait rapprocher le président russe Vladimir Poutine de son objectif, à savoir contrôler totalement les régions de Louhansk et de Donetsk dans l'est de l'Ukraine. Ses troupes ont gagné du terrain dans ces deux provinces du Donbass, réduisant certaines villes à l'état de terrains vagues.

Le gouverneur de la région de Louhansk, Serhi Gaïdaï, a annoncé que les troupes russes étaient entrées dans Sievierodonetsk, la plus grande ville du Donbass encore tenue par l'Ukraine, après avoir tenté d'y encercler les forces ukrainiennes pendant plusieurs jours. Serhi Gaïdaï a déclaré que 90% des bâtiments de la ville étaient endommagés.

"Les Russes ne seront pas en mesure de capturer la région de Louhansk dans les prochains jours", a déclaré Serhi Gaïdaï sur Telegram, parlant des villes de Sievierodonetsk et de Lysychansk, située sur la rive opposée du fleuve.

"Nous aurons suffisamment de force et de ressources pour nous défendre. Toutefois, il est possible que, pour ne pas être encerclés, nous devions battre en retraite."

Les séparatistes pro-russes ont déclaré qu'ils contrôlaient totalement la région de Lyman, que la Russie a attaquée par le nord dans le cadre d'une nouvelle offensive.

Les responsables ukrainiens ont reconnu que Moscou s'était emparé de la majeure partie de la ville. Mais le ministère de la Défense ukrainien a indiqué que ses troupes empêchaient toujours les Russes de lancer une offensive vers Sloviansk, une grande ville située à une demi-heure de route au sud-ouest.

Le président ukrainien Volodimir Zelensky a déclaré que l'Ukraine protégeait son territoire "autant que (ses) ressources de défense actuelles le permettent". L'armée ukrainienne a déclaré avoir repoussé huit attaques à Donetsk et Louhansk vendredi, détruisant des chars et des véhicules blindés.

"Si les occupants pensent que Lyman et Sievierodonetsk seront à eux, ils se trompent. Le Donbass sera ukrainien", a déclaré Volodimir Zelensky dans une allocution prononcée dans la nuit.

"AU PRIX DE GRANDS SACRIFICES" Le Premier ministre britannique Boris Johnson a déclaré à Bloomberg que le président russe Vladimir Poutine "continue, au prix de grands sacrifices pour lui-même et pour l'armée russe, de gagner du terrain dans le Donbass".

Les forces russes ont enfoncé la semaine dernière les lignes ukrainiennes au sud de Sievierodonetsk, dans la ville de Popasna. Selon le ministère britannique de la Défense, elles se seraient emparées de plusieurs villages situés au nord-ouest de Popasna.

Popasna, où des journalistes de Reuters ont pu se rendre jeudi en zone contrôlée par les Russes, n'est plus que décombres et bâtiments incendiés. Des chars et des véhicules militaires russes patrouillaient dans les rues, accompagnés d'hélicoptères d'attaque volant à basse altitude, alors que gisait non loin dans une cour le corps boursouflé d'un combattant.

Désertant la cave où elle s'était abritée, Natalia Kovalenko est retournée vivre dans son appartement dévasté, où son balcon s'est effondré et ses fenêtres ont été soufflées par les explosions.

Sans pouvoir détacher son regard de la cour, elle raconte que deux personnes y ont été tuées et huit blessées par un obus alors qu'elles étaient sorties pour cuisiner.

"Nous sommes fatigués d'avoir si peur", dit-elle. Les avancées de la Russie dans l'est du pays font suite au retrait de ses forces des approches de la capitale, Kyiv, et à une contre-offensive ukrainienne qui a repoussé ses forces de la deuxième ville d'Ukraine, Kharkiv. Les forces ukrainiennes ont été incapables d'attaquer les lignes d'approvisionnement russes vers le Donbass.

Jeudi, les forces russes ont bombardé certains quartiers de Kharkiv pour la première fois depuis plusieurs jours. Les autorités locales ont déclaré que neuf personnes avaient été tuées.

Le Kremlin nie avoir visé des civils.

Dans le sud, où Moscou s'est emparé d'une grande partie du territoire depuis l'invasion du 24 février, les responsables ukrainiens estiment que Vladimir Poutine cherche à y installer dans la durée un régime pro-russe.

DIFFICULTÉS

Dans la région de Kherson, les forces russes ont fortifié leurs défenses et bombardé les zones contrôlées par l'Ukraine, a déclaré aux médias le gouverneur ukrainien de la région, Hennadi Lagouta.

Il a déclaré que la situation humanitaire était critique dans certaines zones et que les gens avaient beaucoup de difficultés à partir.

Sur le front diplomatique, des responsables de l'Union européenne (UE) ont déclaré qu'un accord visant à bloquer les importations de pétrole russe, dont seraient exemptées les livraisons par oléoducs pourrait être conclu d'ici dimanche.

Volodimir Zelensky a critiqué l'UE pour ses hésitations concernant l'embargo sur l'énergie russe, estimant que les Vingt-Sept finançaient de fait l'effort de guerre de Moscou et que tout retard "ne ferait qu'accroître le nombre d'Ukrainiens tués".

Lors d'un entretien téléphonique avec le chancelier autrichien Karl Nehammer, Vladimir Poutine a maintenu sa position selon laquelle la crise alimentaire mondiale provoquée par le conflit ne pourra être résolue que si l'Occident lève ses sanctions.

Karl Nehammer, qui s'est rendu en Russie en avril, a déclaré que Vladimir Poutine s'est dit prêt à discuter d'un échange de prisonniers avec l'Ukraine. Le chancelier autrichien a toutefois ajouté : "S'il est vraiment prêt à négocier est une question complexe".

La Russie et l'Ukraine sont toutes deux de grands exportateurs de céréales, et le blocus des ports par la Russie a interrompu les expéditions, provoquant une hausse des prix au niveau mondial. La Russie accuse l'Ukraine de miner les ports.

L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février a incité la Suède et la Finlande, qui étaient toutes deux neutres pendant la guerre froide, à demander à rejoindre l'Otan, ce qui constitue l'un des changements les plus importants dans la sécurité européenne depuis des décennies.

Les candidatures des pays nordiques se sont toutefois heurtées à l'opposition de la Turquie, membre de l'Alliance atlantique, qui leur reproche d'accueillir sur leur territoire des personnes liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qu'elle considère comme une organisation terroriste, et des partisans de Fethullah Gülen, qu'elle accuse d'avoir organisé une tentative de coup d'Etat en 2016.

Selon deux sources, les diplomates suédois et finlandais n'ont guère progressé lors de leurs entretiens en Turquie cette semaine. "Ce n'est pas un processus facile", a déclaré un responsable turc à Reuters. (Reportage Reportages Pavel Polityuk à Kyiv, Vitali Hnidyi à Kharkiv et des journalistes de Reuters à Popasna, rédigé par Rami Ayyub et Robert Birsel; version française Camille Raynaud)