Le contexte : les petites valeurs n’ont pas échappé à la correction 

Le premier semestre 2022 s’est mal terminé. Les plus petites capitalisations ont été les plus touchées, l’indice Euronext Growth perdant plus d’un quart de sa valeur (-25.7%) contre -17.2% pour le CAC 40 et -20.3% pour le CAC Small. Sectoriellement, la santé et l’automobile ont accusé le plus le coup, avec une baisse moyenne de près de 40% sur 6 mois.  

Inflation, crainte de récession, conflit en Ukraine…les causes sont bien connues. Et pourtant, jusqu’à présent les prévisions bénéficiaires ont bien tenu. Entre les investisseurs et les analystes, une des catégories se fourvoierait. Et si c’était un peu les deux ? Ou bien les entrepreneurs dirigeants, optimistes par nature ? Nous en saurons davantage fin juillet à l’occasion de la publication de très nombreux résultats semestriels. 

Var. des BPA moyens / *Révisions des BPA par les analystes sur 12 mois (Source : GreenSome, InFront - au 30/06/2022)

Côté opérations, les offres publiques opportunistes se poursuivent (11 au S1, avec quelques primes record à la clé) et une dizaine d'introductions en Bourse ont pu aboutir ; un flux soutenu (7-8 en moyenne depuis 2004 d’après IDM) mais ralenti par rapport une année 2021 record (42 IPO). 

Evolution, dividendes capitalisés, des indices actions français par taille de capitalisation depuis le 1er janvier 2022

Sur 5 ans, retraité des dividendes versés, les grandes capitalisations françaises (indice CAC LARGE 60 TRG) battent encore les indices de petites (CAC SMALL TRG) et moyennes (CAC MID 60 TRG) valeurs. Il faut remonter, comme le montre le graphique ci-dessous, à 6 ans d’historique pour retrouver la surperformance historique des petites valeurs sur les grandes.  

Evolution, dividendes inclus, des indices actions par taille de capitalisation depuis mi 2016

Mécaniquement, la baisse des cours et le maintien de projections de résultats élevées se traduisent par des ratios de valorisation attractifs, surtout que la remontée des taux d’intérêt a marqué une pause et leur niveau reste historiquement bas. Selon le cabinet d’analystes spécialisé Idmidcaps, « les valorisations entre le coté et le non coté ne cessent de s’éloigner avec un écart de près de 40% en 2022 (VE/EBITDA 10,6x selon Indice Argos vs 6,5x pour les Smidcaps cotées selon IDM) » 

Ratios de valorisation médians (Source : GreenSome, InFront - au 30/06/2022)

Concernant l’évolution des encours des fonds liés à la collecte/décollecte, les données AMF collectées par la société de Bourse Portzamparc indiquent encore une légère décollecte sur le mois dernier. 

Revue des meilleurs fonds Small Caps à la fin du mois dernier


(Source : Quantalys, rapport mensuel des sociétés de gestion)

Le contexte étant dressé, venons-en aux mouvements de nos fonds vedette à travers notre tableau synthétique. 

De façon générale, nous remarquons que : 

  • La performance moyenne des fonds de la sélection en 2022 est semblable à celle des indices de petites valeurs européennes (-18.3% vs MSCI EMU Small Cap -18.7% à fin juin).
  • Les valeurs fétiches des gérants en ce moment : Reworld Media, Equasens, Aubay, Bilendi.
  • Les taux d’investissement ressortent en très légère baisse.   

 De façon plus particulière, nous notons que 

  • Le fonds Gay-Lussac Microcaps continue de privilégier les « valeurs décorrélées ». Le fonds s’est ainsi renforcé en Clinica Baviera, « un opérateur espagnol des cliniques ophtalmologiques privées dont la récurrence de croissance organique ainsi que le fort levier opérationnel sont très mal appréciés par le marché ». Les gérants indiquent qu’ils ont également « continué la construction de notre ligne Holland Colours, qui devrait continuer de délivrer de la croissance organique malgré des effets de base défavorables. Malgré un contexte inflationniste qui devrait pénaliser la marge d’Holland Colours, les effets observés pour le moment restent limités. La valorisation restant très abordable, nous sommes toujours confiants dans le cas d’investissement à long-terme. Enfin, nous avons également renforcé certaines de nos convictions depuis maintenant plusieurs années comme Aubay, Sword, et SII, qui restent des sociétés de forte qualité, dont la résilience devrait encore une fois être prouvée dans cet environnement macroéconomique difficile. A la suite de notre visite de site chez Grolleau, nous avons décidé d’initier une ligne dans notre fonds. Grolleau est une société industrielle basée à Angers, n°1 français des armoires urbaines multi-usages. La société dispose d’une réputation de marque de référence dans les travaux publics et télécoms, au travers de ses produits premiums et de son omniprésence sur les appels d’offres des municipalités françaises. Côté vendeur, nous avons écrêté notre ligne Piteco à la suite d’une offre publique d’achat de la famille Podini » malgré une prime de seulement 25% par rapport au cours de clôture du 15/06/2022 contre 35% offert aux fondateurs du groupe. « Nous avons également réduit notre exposition en Argan, soucieux des pressions qui vont peser sur le secteur de l’immobilier logistique cette année. Enfin à notre grand regret, nous avons vendu nos titres Schneider Electric, récupérés lors de l’échange du projet de fusion avec IGE+XAO. Nous nous étions battus afin de défendre l’intérêt des actionnaires minoritaires sur le projet d’OPE valorisant mal les perspectives d’IGE+XAO. Néanmoins, le tribunal de commerce a décidé de débouter notre requête » déplorent les gérants. 
  • DNCA Actions Euro PME estimeque « la guerre en Ukraine va durer longtemps, l'Europe va manquer d'énergie cet hiver, la croissance économique va ralentir beaucoup et les taux longs rester hauts ; dans ce contexte, notre sélection de valeurs de croissance et de qualité, devrait remonter. Les thématiques qui nous semblent les plus porteuses au second semestre sont la santé, la consommation non durable, les télécommunications, l'énergie et l'armement. Nous allons continuer à optimiser le portefeuille pour obtenir la combinaison la plus favorable de titres de qualité (qui ont généralement le pouvoir d'imposer des hausses de prix pour lutter contre l'inflation), disposant de perspectives d'amélioration des profits et de valorisations raisonnable ». En France, le mois dernier, les gérants ont acheté Nacon, Esker, Boiron et Claranova.
  • Amundi Europe Microcaps a baissé de près de 9% en juin contre -12% pour son indice de référence européen. Côté bonnes nouvelles, le gérant cite « l’éditeur de jeux vidéo Focus Entertainment qui a annoncé ses résultats pour l’exercice 2021/2022 légèrement au-dessus des attentes. Par ailleurs, l’entreprise a réaffirmé sa stratégie et a annoncé son portefeuille de jeux sur les 3 prochaines années, le plus ambitieux de son histoire. Clasquin, spécialisé dans le pilotage des flux de marchandises, continue de bénéficier des dysfonctionnements des chaines logistiques mondiales couplés à une demande soutenue entrainant une explosion des prix des transports. Enfin, Prodways Group, spécialiste de l’impression 3D pour l’industrie a progressé suite à la signature d’un partenariat de distribution dans le secteur dentaire et à l’adoption par les investisseurs de toutes les résolutions lors de son AG ». En revanche, « Catanaa subit des prises de profits. L’entreprise a annoncé des résultats positifs pour le 1er semestre 2021/2022 clos le 28.02.2022, avec un doublement de la profitabilité opérationnelle et des perspectives de croissance fortes pour 2023 et 2024. PVA TePla a continué à baisser sur les perspectives du ralentissement du marché des semi-conducteurs. Finalement, la société pharmaceutique Inventivaqui développe un traitement d’une maladie du foie (NASH) a annoncé le retard de 6 mois de la phase 3 d’essayes cliniques ». En juin, le fonds a « réduit par précaution notre participation sur LNA Santé à la suite de la continuation du sentiment négatif sur les maisons de retraite suivant le scandale Orpea». 
  • Pluvalca Initiatives PME affiche -8.8% sur juin, « sur-performant légèrement l’univers des petites et moyennes valeurs grâce à Séché Environnement qui profite de notes d’analystes positives mettant en valeur son caractère volumes/prix résilient ; de Reworld Media qui a annoncé une nouvelle acquisition structurante via le rachat d’actifs de Unify, portefeuille de marques digitales à restructurer chez TF1 et Visiomed qui a présenté son nouveau plan de développement suite à l’arrivée d’un nouvel actionnaire et nouveau management. A l’inverse, Graines Voltz, ligne initiée cette année et qui avait bien résisté, a fait état d’un durcissement de la consommation en juin tandis que Trigano souffre toujours des pénuries de châssis. Soitec recule en raison de craintes de ralentissement du marché des smartphones ». Pluvalca Initiatives PME a continué à alléger des valeurs de consommation et cycliques à l’instar de Jacquet Metals, Derichebourg, LDLC et a profité de la cession de Generix à la suite de l’OPA initiée par Montefiore afin de renforcer des valeurs plus défensives (TFF, Boiron, Agripower). « Nous avons également participé à l’IPO de Broadpeak, fournisseurs de systèmes de streaming vidéo dont la valorisation ressortait raisonnable » conclut le reporting. 

Pour terminer, voici quelques informations complémentaires sur la dizaine de fonds de petites valeurs sélectionnés

(Source : Quantalys, rapport mensuel des sociétés de gestion) 

Les fonds ont été sélectionnés selon leur performance sur longue période (nous avons retenu une durée de 5 ans, durée généralement retenue pour l’investissement dans les fonds actions) et leur forte pondération en valeurs françaises capitalisant moins d’un milliard d’euros (minimum 20% du fonds 

On y remarque que le style de gestion « croissance » ou « growth » domine largement la sélection et que le nombre de titres en portefeuille varie facilement du simple (40 valeurs) au double (80 valeurs).  

Glossaire : les styles de gestion

  • Le style de Gestion « Croissance » ou « Growth » s’intéresse aux valeurs de croissance. Ces valeurs sont choisies pour leur fort potentiel de développement, en mettant au second plan leur valorisation boursière au regard du chiffre d’affaires et des résultats actuellement réalisés. Ces sociétés sont en effet souvent populaires et chères car leurs perspectives sont élevées et leur valorisation anticipe une poursuite de la croissance des bénéfices. Les plus belles valeurs de croissance, généralement positionnées sur des secteurs porteurs, sauront croitre par-delà les cycles et prendre régulièrement des parts de marché par croissance organique ou externe. En général, les valeurs de croissance distribuent moins de dividendes que la moyenne car elles ont besoin de réinvestir leurs bénéfices pour financer leur développement.
    • Secteurs surreprésentés actuellement : la technologie, la santé, les énergies renouvelables, le luxe.
    • Ex. de valeur de croissance actuellement : Virbac, Voltalia, Esker, Equasens …Typiquement, leur PER dépasse les 20 voire 50x.  
  • Le style de Gestion « Valeur » ou « Value » s’intéresse aux valeurs décotées, mal valorisées, et souvent mal-aimées. Les gérants se focalisent alors sur les chiffres publiés, plus rassurants que des prévisionnels incertains par nature, et sur la valeur des actifs au bilan (notion de valeur intrinsèque). Mais comment évaluer au plus juste la valeur réelle d’une entreprise ? La question est importante car il faut ici écarter les sociétés sous-évaluées amenées à le rester faute de résultats convaincants (notion de value trap). Dans le style de gestion value, les entreprises génèrent souvent des flux de trésorerie significatifs leur permettant de verser un dividende conséquent.
    • Secteurs surreprésentés : les valeurs cycliques, l’automobile, les bancaires, la construction, les télécoms.
    • Ex. de valeur actuellement : Orpéa (ex-valeur de croissance), Quadient, Hexaôm, Herige, ALD, NRJ Group … Typiquement, leur PER est inférieur à 10x.  
  • Le style de Gestion « GARP » ou Growth At Reasonable Price ou Croissance à prix raisonnable, cherche à trouver un juste milieu entre les deux, à dénicher des valeurs de croissance certes, mais pas à n’importe quel prix.

Finissons par une citation de Warren Buffet : « Mieux vaut acheter une entreprise extraordinaire à un prix ordinaire qu’une entreprise ordinaire à un prix extraordinaire. »