Le contexte : une hausse contenu faute de collecte

Les indices actions ont continué tranquillement leur progression en mai (indices small cap France et Europe +2.7% vs CAC 40 + 3.7%) et le phénomène se poursuit sur la première partie de juin. Les indicateurs économiques continuent de s’améliorer avec la levée progressive des restrictions sanitaires et les banques centrales restent accommodantes malgré la hausse de l’inflation, le chômage restant élevé. Surtout, les résultats des entreprises sont meilleurs que prévus et les dirigeants sont optimistes, encourageant les introductions en Bourse et autres opérations financières.

D’un point de vue sectoriel, les investisseurs ont privilégié les valeurs bancaires, du luxe et les cycliques au détriment des sociétés innovantes, notamment des secteurs technologiques et de la santé, même si ces dernières connaissent un léger regain d’intérêt ces derniers jours. Ces préférences sectorielles expliquent pour partie la surperformance du CAC 40 ces dernières semaines.

L’affaire Solutions 30 touche d’une façon ou d’une autre tous les fonds de la sélection. Alors que l’incertitude est totale quant à l’avenir boursier de la société, rares sont les fonds qui ont choisi de tenir leur position (ex. Tiepolo PME, qui précise ne pas avoir renforcé cette position qui représente 0.9% du fonds à fin mai), la plupart devant se résoudre à céder la position compte tenu du fait que les comptes n’ont pu être certifié. C’est le cas du fonds Erasmus Small Cap Euro qui a fait preuve d’une remarquable transparence vis-à-vis de ses clients (lien).

Evolution, dividendes capitalisés, des indices actions français par taille de capitalisation depuis 2 mois : plus c’est gros plus ça perf. !

L’effondrement de Solutions 30 a plus ou moins pesé selon les différents indices de petites et moyennes valeurs françaises. Autre explication possible de la sous-performance des plus petites capitalisations : la faiblesse de la collecte de ce compartiment, alors que les actions collectent bien de manière générale actuellement.

Evolution, dividendes capitalisés, des indices actions français par taille de capitalisation depuis 1 an : les petites ont mieux rebondi à partir de novembre

A noter que sur 5 ans, quand l’on intègre les dividendes, les grandes capitalisations françaises (indice CAC LARGE 60 TRG) battent les indices de petites (CAC SMALL TRG) et moyennes (CAC MID 60 TRG) valeurs.

Evolution, dividendes inclus, des indices actions par taille de capitalisation depuis 5 ans : les grandes l'emportent

En termes de valorisations, le document ci-dessous indique que les multiples de valorisations des petites et moyennes capitalisations sont redevenus inférieurs à ceux du CAC 40, tout en restant élevés. Sur ce dernier point, Daniel Dourmap, gérant de DNCA Actions Euro PME observait le mois dernier que "la hausse des taux longs nous semble plutôt une bonne nouvelle, car il était anormal d’avoir des taux négatifs, cela nuisait à la hiérarchie du risque. Tant que les taux à 10 ans sont inférieurs à 2%, la valorisation des sociétés de croissance n’est pas à risque."

Source : Portzamparc le 15/6/21

Concernant l’évolution des encours des fonds liés à la collecte/décollecte, les données fournies par Portzamparc montrent un certain manque d’intérêt pour les PME cotées. Cela se retrouve dans le succès mitigé des opérations d’introduction en Bourse qui se multiplient depuis quelques semaines. Les fonds vident leurs pochent pour suivre les augmentations de capital, mais participent peu aux IPO.

Source : Portzamparc

Revue des meilleurs fonds Small Caps à la fin du mois dernier   

Source : Quantalys, reporting mensuel des sociétés de gestion (Cliquer pour agrandir)

 

Le contexte étant dressé, venons-en aux mouvements de nos fonds vedettes à travers notre tableau synthétique.

De façon générale, nous remarquons :

  • La performance moyenne annuelle des fonds sur 5 ans converge, les fonds croissance étant rattrapés par les fonds faisant plus attention aux ratios de valorisation à court terme.
  • La performance moyenne des fonds de la sélection en 2021 (+16%) est en ligne avec celle des indices européens de petites et moyennes valeurs. A noter que ces fonds prennent rarement position sur les bio et medtech du fait du manque de chiffre d’affaires et de profits dégagés par ce type de société.
  • Technologies de l’information, Industries et Santé constituent les secteurs les mieux représentés dans les tous meilleurs fonds. A noter la montée en puissance des secteurs Consommation Discrétionnaire et Consommation de Base/cyclique.
  • Les taux d’investissement sont en légère hausse et très élevés dans l’ensemble. Le manque de collecte et les nombreuses levées de fonds n’y sont sûrement pas pour rien.
  • Un engouement de la sélection pour la mid cap italienne SeSa S.p.A, qui distribue du matériel informatique en y ajoutant de plus en plus de service, ce qui dope sa croissance et ses marges. Plusieurs fonds ont par ailleurs vendu Solutions 30 et Bigben et acheté Focus Home en mai, certainement à l’occasion de l’augmentation de capital lancée par la société à 67€ l’action. Rappelons que les fonds levés permettront à cette star boursière des jeux vidéo de financer l'acquisition de studios et de poursuivre la montée en gamme des jeux produits par le groupe et ainsi investir davantage dans la production de ses propres contenus.

De façon plus particulière, nous notons :

  • L'entrée dans la sélection d'un nouveau fonds sur la base de sa bonne performance sur 5 ans. Il s'agit du fonds Quadridge Europe Microcaps de la société de Gestion Inocap. Ce fonds de 136 M€, qui devrait prochainement faire l'objet d'une interview de ses gérants, a pour particularité d'être très concentré (36 lignes) et très haussier en phase de hausse (+24% sur 2021 à fin mai). Cela se vérifie sur ces derniers mois, et pour cause : les exemples de valeurs cités ci-après illustrent la forte exposition aux secteurs les plus impactés par la crise covid. Investi à près de 75% hors de France, il est surtout plutôt positionné sur des capitalisations boursières comprises entre 1Md€ et 10 Md€. Dans leur compte rendu mensuel, les gérants Pierrick Bauchet et Sébastien Lemonnier indiquent entre autres avoir profité ce mois-ci du dynamisme des activités de l’italien Datalogic dont la perspective 2021 est de faire croître son chiffre d’affaires entre +16% et +20% et du belge Kinepolis « qui bénéficie du franc succès de la réouverture de ses cinémas en Europe ». Par ailleurs, « le français Bénéteau (+30,4%) profite du relèvement de ses perspectives financières avec notamment un résultat opérationnel courant qu’il vise désormais en progression de +90% en 2021. L’italien Marr (+9,7%) bénéficie de la réouverture des restaurants sur l’ensemble du territoire italien. Le belge Barco (+7,7%) devrait profiter de la normalisation de la situation sanitaire, tant au sein de ses activités de vidéoprojecteurs pour le cinéma que des solutions de partage d’informations dans les salles de réunions. Le français CGG (-8,3%) pâtit d’une publication T1 inférieure aux attentes du fait du décalage de certaines ventes de données multi-clients sur le T2. La gestion opérationnelle reste toutefois solide, comme l’illustre le bon niveau de flux de trésorerie » commentent les gérants qui s’attardent ce mois-ci sur l’équipementier aéronautique suisse Montana Aerospace (+39,8% sur le mois post-IPO). « Avec un modèle économique verticalement intégré, le groupe dispose d’une expertise forte sur la totalité des matériaux utilisés tels que l’aluminium, le titane, le cuivre, l’acier et les composites. Parmi les éléments clés de sa différenciation, il dispose de sites de production à l’international dont une majorité sont à bas coûts. Son maillage industriel et sa compétitivité offrent à ses clients une simplification de leurs chaînes d’approvisionnement, une réduction moyenne de 20% de leurs coûts d’achat ainsi qu’une sensible réduction de leurs impacts environnementaux, pouvant aller jusqu’à une baisse de-60% des émissions de CO2 produites. Ainsi, malgré la crise temporaire que connait sa filière, Montana Aerospace accélère ses gains de parts de marché. La progression de son carnet de commandes dépasse +30% » souligne le gérant.
  • Le fonds Gay-Lussac Microcaps s’est renforcé dans Sidetrade, Digital Value et Photocure. "Nous avons profité d’une légère baisse du titre pour nous renforcer sur Sidetrade, l’éditeur de logiciels de réduction et de sécurisation des créances clients. Le groupe a une stratégie de croissance ambitieuse alliant croissance organique et croissance externe, qui devrait permettre au groupe d’atteindre les 100 millions de dollars de chiffre d’affaires à horizon 2025. Nous nous  sommes  renforcés  dans Digital  Value après  notre  dernière  rencontre  avec  le  Digital  Value est  le  spécialiste  italien  de l'infrastructure  réseau  et  des  centres  de  données. Suite  à  la  bonne  publication  du  premier  trimestre,  nous  avons  renforcé  notre  ligne Photocure qui dispose d’une technologie disruptive pour la détection du cancer de la vessie. Le groupe a annoncé son expansion au Chili, ce qui devrait lui permettre à terme de s’étendre sur toute l’Amérique Latine. Le management est confiant quant à la poursuite de la forte dynamique commerciale aux Etats-Unis. Du côté des ventes, nous avons allégé notre position Cembre et cédé nos titres Bigben. Le producteur italien de consommables électriques, Cembre, a réalisé un excellent parcours boursier grâce à la rotation sectorielle. Nous pensons que le prix est actuellement représentatif des fondamentaux de la société. Nous avons cédé l’intégralité de notre position Bigben, prenant en compte une augmentation de la volatilité, en lien avec notre processus de gestion."
  • Chez LFDE, le fonds Echiquier Entrepreneurs, meilleur performeur de notre sélection sur 5 ans, la performance depuis le début de l’année se limite à 10%. Quoique plus investi qu’à l’accoutumé, le fonds pâtit de son fort positionnement sur les valeurs de croissance plutôt chèrement valorisées en instantané. Pourtant, les gérants font état "d’excellentes publications de résultats, à la fois dans le secteur de la santé (Vitrolife, Virbac), de la technologie (Esker, Boozt) ou des biens d’équipements (Manitou, Carel Industries)". Le rapport précise : "Virbac a vu ses ventes progresser de 23 % en organique et bénéficie de la hausse des adoptions d’animaux de compagnie durant la pandémie, qui devrait entrainer une accélération durable de la croissance du marché vétérinaire. Boozt, le spécialiste du prêt à porter en ligne en Scandinavie, continue de bénéficier de l’accélération de la pénétration du e-commerce et relève déjà ses attentes de croissance à près de 30 % en 2021. Enfin, Manitou a fait état d’un carnet de commande de 1,3 milliard d’euros à fin mars, de loin son plus haut niveau historique dans un contexte de forte demande des secteurs miniers et agricoles."

Pour terminer, voici quelques informations complémentaires sur la dizaine de fonds de petites valeurs sélectionnés.

Source : Quantalys (Cliquer pour agrandir)

Les fonds ont été sélectionnés selon leur performance sur longue période (nous avons retenu une durée de 5 ans, durée généralement retenue pour l’investissement dans les fonds actions) et leur forte pondération en valeurs françaises capitalisant moins d’un milliard d’euros (minimum 20% du fonds).

On y remarque que le style de gestion « croissance » ou « growth » domine largement la sélection et que le nombre de titres en portefeuille varie facilement du simple (40 valeurs) au double (80 valeurs).

 

GLOSSAIRE : LES STYLES DE GESTION

Le style de Gestion "Croissance" ou "Growth" privilégie les valeurs de croissance. Ces valeurs sont choisies pour leur fort potentiel de développement, en mettant au second plan leur valorisation boursière au regard du chiffre d’affaires et des résultats actuellement réalisés. Ces sociétés sont en effet souvent populaires et chères car leurs perspectives sont élevées et leur valorisation anticipe une poursuite de la croissance des bénéfices. Les plus belles valeurs de croissance sauront croitre par-delà les cycles et prendre régulièrement des parts de marché par croissance organique ou externe.

Secteurs surreprésentés : la technologie, la santé. Ex. de valeur de croissance : Eurofins, Orpéa, Esker, Solutions 30…Typiquement, leur PER dépasse les 20x.

Le style de Gestion "Valeur" ou "Value" privilégie les valeurs décotées, mal valorisées, et souvent mal-aimées. Les gérants se focalisent alors sur les chiffres publiés, plus rassurants que des prévisionnels incertains par nature. Les valeurs de croissance sauront croitre par-delà les cycles et prendre des parts de marché par croissance organique ou externe.

Secteurs surreprésentés : les valeurs cycliques, l’automobile, les bancaires, la construction. Ex. de valeur : Quadient, Hexaôm, Plastiques du Val-de-Loire, ALD, NRJ Group… Typiquement, leur PER est inférieur à 10x.

Le style de Gestion "GARP" ou Growth At Reasonable Price ou Croissance à prix raisonnable, cherche à trouver un juste milieu entre les deux, à dénicher des valeurs de croissance certes, mais pas à n’importe quel prix.

Ex. de valeur : Alten, Delta Plus, Oeneo, Vétoquinol … Typiquement, leur PER se situe entre 10x et 20x.

Finissons par une citation de Warren Buffet : "Mieux vaut acheter une entreprise extraordinaire à un prix ordinaire qu’une entreprise ordinaire à un prix extraordinaire."