Au-delà des études de cabinets spécialisés, les champions de l’industrie projettent bel et bien de coloniser le vieux-continent, c’est du moins ce que l’on peut en conclure en étudiant les agissements des principaux intéressés. En effet, on ne compte plus les opérations d’expansion réalisées sur le territoire européen. Ci-dessous, une liste non-exhaustive de ces opérations :
  • Avril 2019 : Le géant américain Tilray inaugure à Cantanhede (Portugal) une unité de production comprenant des cultures en extérieur et en serre ainsi que des laboratoires de recherche, des sites de traitement, de conditionnement et de distribution.
  • Avril 2019 : Canopy Growth, la star de l’industrie, réalise l’acquisition du producteur espagnol sous licence Canamo y Fibras Naturales (Cafina). Il s’agit de l’une des nombreuses opérations du producteur canadien, qui dispose déjà d’une empreinte en Allemagne, au Danemark, au Royaume-Uni ou encore en Pologne.
  • Avril 2019 : Aurora Cannabis reçoit un permis de culture de cannabis à des fins médicales en Allemagne. Cette approbation permet au producteur canadien de commencer la construction d’une nouvelle unité de production à Leuna (Allemagne).
  • Mars 2019 : Supreme Cannabis entreprend des démarches en vue d’obtenir une licence de production de cannabis à Malte.
  • Février 2019 : Aphria produit ses premières variétés de cannabis au Danemark dans le cadre de son partenariat avec la société danoise certifiée Schroll Medical, entente stratégique signée en septembre 2018.
  • Novembre 2018 : Le canadien ICC International Cannabis étend ses activités au Portugal à travers l’acquisition du producteur Enigma Unipessoal, basé à Castelo Branco. Un mois avant, c’est le polonais Polannabis Holdings qui passait sous pavillon canadien.
  • Octobre 2018 : The Green Organic Dutchman (TGOD) finalise l’acquisition du producteur polonais sous licence HemPoland. Par ailleurs, cette unité de production a récemment obtenu une certification de production biologique par les autorités polonaises.
Convenons-en, les leaders du secteur entendent tirer profit d’une potentielle ouverture du marché du cannabis médical en Europe. En ce sens, toutes les opportunités sont bonnes à saisir, le but étant de ne pas reproduire les erreurs commises sur leur propre marché. Plus concrètement, le nerf de la guerre consiste à maîtriser le plus tôt possible ses propres chaînes d’approvisionnement afin de ne pas faire défaut à une demande hypothétiquement importante.

En attendant que le potentiel européen s’éveille, des initiatives émergent, mais demeurent isolées. Si de plus en plus de pays, de gouvernements, songent ou bien passent à l’acte pour mettre en œuvre des politiques plus favorables dans le domaine du cannabis médical, ces procédures se font en réalité au compte-goutte avec une approche spécifique par pays et par produit/médicament. Dans les faits, la prescription de médicaments à base de cannabis est légale dans 21 pays, mais l’accès à ces solutions demeure inégal d’un pays à un autre, que ce soit en termes de pathologies traitées, de couverture sociale ou bien tout simplement de disponibilité.

Pour illustrer ce problème d’une Europe à plusieurs vitesses, le cas français est intéressant. En retard par rapport à ses voisins, la France n’est que sur le chemin de l’expérimentation du cannabis thérapeutique, et ce, uniquement dans certaines situations cliniques, notamment dans le traitement de la sclérose en plaques ou dans certains cas d’épilepsie sévère.

Les pays européens sont donc à l’heure actuelle grandement fragmentés dans la mesure où chaque pays définit ses propres normes. Pour autant, c’est cette diversité des approches nationales qui tend à alimenter le débat politique au sein de l’Union européenne. A ce stade, on ne peut ignorer la volonté des parties prenantes à vouloir parler une langue commune et imposer un cadre règlementaire européen universel. C’est dans ce contexte que le Parlement européen a voté en février dernier un texte visant à définir les usages du cannabis médical et à « lever les obstacles règlementaires, financiers et culturels qui s’opposent à la recherche sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales et à la recherche sur le cannabis en général ». Cette résolution conforte par ailleurs les conclusions de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, qui, dans son dernier rapport dédié à l’usage médical du cannabis, presse les décideurs politiques à combler les lacunes de l’Europe en la matière.

Pour aller plus loin, ne manquez pas notre dossier spécial investissement dans le cannabis.