Commençons par un petit rappel : Le rempart concurrentiel ou moat, introduit par Warren Buffett lui-même dans une lettre aux actionnaires de 1986, fait référence à la capacité d’une entreprise à faire face à la concurrence de manière durable dans le temps. Notamment grâce à des avantages tels que des actifs incorporels, de faibles coûts ou encore en proposant des services/produits uniques et indispensables à la clientèle. C’est le critère premier de l’oracle d’Omaha : le portefeuille de Berkshire Hathaway contient majoritairement des entreprises ayant un “moat”. Si vous voulez en apprendre plus, Xavier Delmas consacre une vidéo entière sur le sujet.

C’est un critère difficilement quantifiable, et qui est souvent subjectif. Pour reprendre l’exemple de Xavier dans sa vidéo : Tesla possède-t-elle un rempart concurrentiel ? La réponse dépend de l’avis et des convictions de chacun.

Cependant à travers plusieurs déclarations, Warren Buffett donne une liste de ratios financiers qui peuvent nous aider à identifier des entreprises qui ont un “moat” :

  • Un résultat net qui augmente de 15% par an
  • Une marge nette supérieure à 10%
  • Une marge brute supérieure à 40%
  • Un actif total supérieur à 10 milliards de dollars
  • Un ratio debt/equity inférieur à 80%
  • Un ratio Capex/Bénéfice inférieur à 25%
  • Des Free Cash Flow positifs
  • Un ratio Price to Cash Flow inférieur à 8

Nous avons analysé comptes de résultat, bilan et flux de trésorerie sur une période de 4 ans, de 2017 à 2020. Parmi les entreprises qui sont sorties avec une note maximale, on retrouve Visa, Mastercard et Biogen, mais elles ne présentaient que peu d'intérêt puisqu’elles occupent déjà une place prépondérante dans le portefeuille de Warren Buffett. En voici donc trois autres.

La première société que l’on a identifiée est Adobe, son “moat” paraît assez évident, les services et logiciels que la firme propose tels que Photoshop, After Effects ou Premiere Pro, semblent irremplaçables. D’une part par la variété de logiciels qu’offre Adobe Inc., dans le graphisme ou le marketing. Mais aussi car il y une énorme communauté active autour de la marque et de ses produits. De plus, au fil des années Adobe a réussi à rendre accessible ses logiciels en réduisant les prix, s’ouvrant alors un public d’étudiants et d’indépendants. Depuis 2015, l’entreprise ne cesse de se développer et tire une grande partie de son chiffre d’affaires - 13 Mds$ en 2020 - des abonnements à ses logiciels. Un chiffre qui a presque été multiplié par deux depuis 2017. Sur la même période, le résultat net de l’entreprise a augmenté de 46% par an en moyenne : une croissance exponentielle. En 2020, la marge brute s'élève à 86% et la marge nette à 41%. Ce qui est bien au-delà de nos attentes en matière de ratio. L’entreprise dégage des free cash-flow élevés tous les ans, entre 3 et 5 milliards depuis 2017 . Tant de facteurs qui expliquent le PER élevé de l’entreprise, qui se paie 44 fois ses bénéfices et 17 fois son chiffre d’affaires. Cela reste beaucoup moins cher que certaines valeurs technologiques américaines non rentables.

Synthèse de la société Adobe :

Synthèse Adobe

Source : Zonebourse.com

La deuxième entreprise qui ressort de notre évaluation par les ratios financiers est une pharmaceutique. Regeneron, capitalisé à 50 Mds$, est spécialisé dans la recherche,le développement et la commercialisation de médicaments contre les maladies ophtalmologiques et inflammatoires. La majorité du chiffre d’affaires se fait par la vente de produits. Fondamentalement, Regeneron est assez similaire à deux sociétés que Warren Buffett possède déjà dans son portefeuille, que sont AbbVie Inc. et Biogen Inc.. Les ventes de son médicament phare, Eylea, qui est prescrit pour des problèmes liés à la vue, sont sur une dynamique croissante depuis presqu’une décennie.

L’entreprise connaît une croissance stable et continue de son chiffre d’affaires, environ 13% par an en moyenne, pour atteindre 8,5 milliards de dollars en 2020. Comme l’entreprise vue précédemment, elles respecte les ratios que l’on a choisis : croissance du résultat net de 43% par an en moyenne, une marge brute de 90% en moyenne, des free cash-flow supérieurs à un 1 milliard et un rapport debt/equity faible en 2020 (18%). On soulignera quand même un bémol, mais qui est à relativiser car c’est le secteur qui le veut : 30% du bénéfice brut et utilisé pour la recherche et le développement, ce qui paraît trop élevé selon les critères de W.Buffett. Au niveau de la valorisation, c’est une entreprise qui se négocie pour seulement 11 fois son bénéfice actuel, selon les estimations des analystes.

Synthèse de la société Regeneron Pharma :

Synthèse Regeneron

Source : Zonebourse.com

Le colosse de la gestion d'actifs, dont la capitalisation s’établit à 116 milliards de dollars sera notre dernière entreprise “moat”. Blackrock, c’est 7 500 Mds$ d’actifs sous gestion. De par sa taille, son effet réseau, et ses coûts faibles, on peut affirmer que la société de gestion possède un rempart concurrentiel.

L’entreprise coche la quasi-totalité des ratios que l’on a empruntés à l’oracle d'Omaha, mise à part la croissance du résultat net, qui est un peu moins dynamique que requis. Toutefois, elle est alimentée par une croissance de 9% du chiffre d’affaires par an, sur des marges élevées : 50% de marge brute et 30% de marge nette en 2020. L’entreprise semble correctement valorisée au vu de son PER, de l’ordre de 21 pour cette année.

Synthèse de la société Blackrock :

Synthèse Blackrock

Source : Zonebourse.com

Croissance du cours des 3 actions analysées, depuis 10 ans :

Graph 3 valeurs

Source : Zonebourse.com

MorningStar, depuis quelques années, attribue une note “moat” aux entreprises, la liste la plus récente est disponible ici. Si vous voulez vous-même trouver une entreprise à l’aide des ratios de Warren Buffett, la solution la plus simple reste d'utiliser le Stock Screener de Zonebourse en maximisant la note de rentabilité.