MOSCOU/BRUXELLES (Reuters) - L'Otan a placé lundi ses forces en état d'alerte et décidé d'envoyer des renforts en Europe de l'Est sur fond de crise ouverte entre la Russie et les puissances occidentales qui redoutent une opération militaire russe en Ukraine.

Cette annonce intervient alors que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé l'évacuation d'Ukraine d'une partie de leur personnel diplomatique et de leurs familles face à la menace jugée "croissante" d'une invasion du pays par la Russie.

"L'Otan va continuer à prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger et défendre tous ses alliés, y compris en renforçant la partie orientale de l'Alliance", a déclaré le secrétaire général de l'Alliance, Jens Stoltenberg, dans un communiqué.

Le Kremlin a accusé lundi les États-Unis et leurs alliés d'aggraver les tensions, qualifiant d'"hystérique" l'attitude des puissances occidentales.

"Nous avons vu les déclarations de l'Alliance de l'Atlantique Nord sur le renforcement, le déplacement des forces et des ressources vers le flanc est. Tout cela conduit à un accroissement des tensions", a déclaré le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.

EVACUATIONS DE DIPLOMATES

L'ambassade du Royaume-Uni en Ukraine a annoncé lundi qu'une partie des membres de son personnel et leurs familles étaient évacués de Kiev, citant une "menace croissante de la Russie".

Dimanche, Washington a ordonné l'évacuation des familles de son personnel diplomatique en Ukraine et autorisé les départs volontaires des membres du personnel de l'ambassade des États-Unis à Kiev. Le département d'Etat a aussi appelé les citoyens américains se trouvant en Ukraine à envisager de quitter immédiatement le pays.

"Une action militaire de la Russie pourrait survenir à tout moment", a déclaré l'ambassade des États-Unis dans un communiqué. Les autorités "ne seront pas en mesure d'évacuer les citoyens américains dans une telle éventualité, si bien que les citoyens américains actuellement présents en Ukraine doivent se préparer en conséquence".

Le Haut représentant de l'Union européenne pour les Affaires étrangères, Josep Borrell, a pour sa part indiqué lundi qu'un départ des familles de diplomates européens basés en Ukraine n'était pas envisagé pour le moment.

Il a ajouté attendre des informations du secrétaire d'État américain Antony Blinken, qui devait participer à une réunion ce lundi des ministres européens des Affaires étrangères à Bruxelles.

Sur son site internet, le ministère français des Affaires étrangères déconseille "formellement" de se rendre dans les zones frontalières du nord et de l'est de l'Ukraine et conseille de reporter les déplacements non urgents dans le pays.

BIDEN ÉTUDIE SES OPTIONS

Les tensions autour de l'Ukraine se sont aggravées ces derniers mois face au déploiement par la Russie d'environ 100.000 soldats aux frontières du pays, selon Kiev et les pays occidentaux, faisant craindre une invasion russe après l'annexion de la Crimée en 2014.

Moscou continue de nier toute intention belliqueuse tandis que l'Occident menace d'imposer de sévères sanctions économiques à la Russie en cas d'invasion de l'Ukraine.

Dimanche, la Grande-Bretagne a accusé le Kremlin de chercher à installer un dirigeant pro-russe en Ukraine, ce que le ministère russe des Affaires étrangères a qualifié de "désinformation".

De hauts responsables de l'administration Biden ont indiqué que le président américain avait commencé à étudier des options pour renforcer les moyens militaires américains dans la région.

D'après le New York Times, Joe Biden envisage d'envoyer entre 1.000 et 5.000 soldats dans les pays d'Europe de l'Est, sans exclure de renforcer encore les effectifs en cas de regain de tensions.

Un haut responsable de l'administration a refusé de confirmer ces chiffres dimanche, mais a déclaré : "Nous élaborons des plans et nous consultons nos alliés afin de déterminer les options qui s'offrent à nous."

Les Etats-Unis ont fourni un soutien militaire à l'Ukraine mais ils se sont abstenus jusqu'à présent d'envoyer des troupes sur place.

NOUVELLES DISCUSSIONS

Plusieurs cycles de discussions ont eu lieu ces derniers jours entre la Russie et les puissances occidentales pour tenter de résoudre la crise ukrainienne, sans aboutir à des avancées tangibles.

La Russie attend une réponse écrite à ses demandes de garanties en matière de sécurité, notamment l'arrêt de l'expansion de l'Otan vers l'Est. Les Etats-Unis et leurs alliés ont déjà rejeté oralement cette demande.

Selon une source au sein de la délégation russe, de nouvelles discussions en format "Normandie" entre conseillers politiques de la Russie, de l'Ukraine, de la France et de l'Allemagne auront lieu mercredi à Paris au sujet du conflit dans l'est de l'Ukraine.

En attendant une éventuelle avancée diplomatique, le regain de tensions autour de l'Ukraine pèse lundi sur les marchés financiers où les Bourses européennes lâchaient en début d'après-midi plus de 2%.

(avec la contribution d'Andrew Osborn et du bureau de Moscou, Pavel Polityuk, Marine Strauss et Robin Emmott à Bruxelles, rédigé par Mark Trevelyan, version française Blandine Hénault, édité par Bertrand Boucey)

par Dmitry Antonov et Sabine Siebold