Les marchés financiers ont repris un bon coup de tatane la semaine dernière, qui a ramené les principaux indices non loin de leurs planchers de l'année. L'indice européen STOXX Europe 600 a perdu 4% et l'indice américain S&P500 un peu plus de 5%. Les actifs à risque ont une fois de plus été les plus exposés, à l'image du fonds indiciel ARK Innovation qui a perdu 13% sur les deux dernières séances ou du bitcoin, qui se négocie actuellement 26 000 USD pièce, contre 67 000 USD au plus haut en novembre dernier.

Il se pourrait bien que les investisseurs aient perdu la semaine dernière leurs dernières bribes d'innocence. Parce que la Banque centrale européenne a été plus ou moins forcée de quitter son costume de bisounours (je change d'animal, j'en ai assez des faucons et des colombes). Et parce que les chiffres de l'inflation américaine montrent que, finalement, la décrue n'est pas pour tout de suite. Alors évidemment, Wall Street se soucie comme d'une guigne de la politique de la BCE parce que les investisseurs ont déjà fort à faire avec la Fed. Je cite l'analyste Jeffrey Halley, qui a résumé cette nuit la situation ainsi : "un marché qui cherche perpétuellement des raisons de tempérer les attentes de hausse de la Réserve Fédérale (pour pouvoir acheter des actions) a vu ses espoirs être anéantis vendredi".

L'évolution du sentiment à propos de la banque centrale américaine illustre assez bien le niveau de complaisance atteint par les marchés. Je vais essayer de vous résumer cela de façon simplifiée en quatre phases, en faisant appel à d'inélégants bullets points qui ont le mérite de la clarté, même s'ils heurtent le classicisme littéraire que j'essaie de cultiver dans ces colonnes :

  • L'année dernière, les financiers blaguaient en trouvant la Fed un peu has been avec son discours sur l'inflation transitoire, mais ils s'en accommodaient et les marchés montaient.
  • Voyant la situation se dégrader du côté de l'inflation mais l'économie continuer à tourner à plein régime, ils ont ensuite pensé que la banque centrale pourrait reprendre le contrôle avec des discours bien sentis et quelques ajustements techniques.
  • Bon, comme ça s'est VRAIMENT gâté et que les incantations ne suffisaient plus, il a fallu intégrer une politique plus douloureuse. C'est la phase de panique qui a caractérisé le début de l'année, aggravée par l'invasion russe de l'Ukraine.
  • Dernièrement, les investisseurs pensaient tenir un scénario valable d'atterrissage économique plus ou moins en douceur avec une Fed agressive mais de premiers succès dans la lutte contre l'inflation. Du genre de ceux qui auraient pu faire dire "la Fed s'est montrée très agressive au début mais ça a marché, du coup elle va pouvoir alléger la pression d'ici la fin de l'année. Si on achetait des actions ?".

Caramba, encore raté ! Le problème, et c'est devenu visible vendredi avec la publication des prix à la consommation américains de mai, c'est que la flambée continue alors même que les goulets d'étranglement productifs sont en résorption. D'où le retour d'un sentiment extrêmement négatif la semaine dernière, renforcé par le champ lexical de la récession économique. Ce weekend j'ai même reçu une alerte Bloomberg soulignant que les traders évaluent à une chance sur deux la probabilité de hausse de taux de la Fed de 75 points en juillet. Je vous rappelle qu'en début d'année, la norme était de relever ses taux par quart de points, et encore, le mieux était encore d'éviter de relever les taux.

Ce lundi matin, c'est le bazar un peu partout, notamment sur les rendements obligataires qui s'agitent en particulier sur les échéances 2 et 5 ans. Bazar aussi sur les indices asiatiques qui perdent pas mal de terrain à Tokyo et à Hong Kong, ou sur les cryptomonnaies qui effacent des planchers récents. Dans ce contexte d'aversion au risque, le dollar américain s'est brutalement renforcé face à l'euro tandis qu'il n'avait plus été aussi élevé contre le yen depuis le début du millénaire.

Les événements s'accélèrent et les institutionnels ont l'air désormais d'avoir totalement perdu le fil de la narration, ce qui n'est pas très rassurant. Mais les excès sont souvent effacés par d'autres excès et peut-être sommes-nous dans cette seconde phase. Après tout, comme le soulignait vendredi une banque américaine, si on vous avait dit en juin 2020 que deux ans plus tard, les ventes au détail aux États-Unis augmenteraient de 67%, que le chômage diminuerait de 17 millions, que l'inflation monterait de 0,1% à 8,3%, que le pétrole passerait de 12 à 120 USD le baril et que la pandémie serait suivie d'une guerre et d'une famine, on vous aurait pris pour un fou furieux… mais c'est ce qui s'est passé.

J'avais prévu de conclure là-dessus ce matin, mais je me rends compte à la relecture que la chronique du jour donne envie de se pendre, donc j'ajoute quelques lignes histoire de mieux commencer la semaine. La période que nous traversons est la plus compliquée à gérer en bourse depuis 2008. Elle permet de séparer les génies autoproclamés de la finance qui n'ont fait que suivre la liquidité des véritables investisseurs qui sont capables d'identifier les opportunités pour le moyen terme en maintenant un niveau de risque acceptable. C'est un bon moment pour se pencher sur les fondamentaux de tout investissement sain.

Les marchés actions européens vont reculer à l'ouverture ce matin. Oh, j'oubliais, pas de statistiques importantes aujourd'hui mais des regards qui se tournent tous vers la réunion de juin de la Fed mercredi. Même si les investisseurs ont perdu un peu la foi dans les banques centrales, ils risquent de se raccrocher au discours de Captain Powell, à défaut de disposer d'un autre Captain pour les situations compliquées. Le CAC40 perdait 1,5% à 6093 points peu après l'ouverture.

Les temps forts économiques du jour

Il n'y aura pas d'indicateur majeur aujourd'hui. Tout l'agenda macro ici.

L'euro perd encore du terrain à 1,0491 USD. L'once d'or s'échange à 1864 USD. Le pétrole reste dans la zone des 120 USD, avec un Brent de Mer du Nord à 120,30 USD le baril et un brut léger américain WTI à 118,97 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans accélère à 3,18% pendant que le 5 ans monte à 3,33%. Le bitcoin décroche à 25 500 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Adevinta : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 115 à 105 NOK.
  • Aker BP : Berenberg passe de vendre à conserver en visant 390 NOK.
  • Auto Trader : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 870 à 790 GBp.
  • British American Tobacco : Jefferies reste à l'achat avec un objectif relevé de 3900 à 4200 GBp.
  • Demant : Morgan Stanley reprend le suivi à pondération en ligne en visant 319 DKK.
  • ENI : Berenberg reste à l'achat avec un objectif relevé de 16 à 17,50 EUR.
  • Equinor : Berenberg reste à conserver avec un objectif relevé de 335 à 380 NOK.
  • Hemnet : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 150 à 130 SEK.
  • Maisons du Monde : Société Générale passe d'acheter à conserver en visant 12,40 EUR.
  • Orange : Bernstein passe de neutre à surperformance en visant 13 EUR.
  • Repsol : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 15,50 à 16,50 EUR.
  • Rheinmetall : Goldman Sachs reprend le suivi à l'achat en visant 298 EUR.
  • Rolls-Royce : Morgan Stanley passe de pondération en ligne à surpondérer en visant 118 GBp.
  • Saab : Goldman Sachs reprend le suivi à vendre en visant 352 SEK.
  • Schibsted : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 305 à 285 NOK.
  • Scout24 : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 80 à 71 EUR.
  • Thales : Goldman Sachs reprend le suivi à l'achat en visant 146 EUR.
  • TotalEnergies : Berenberg reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 58 à 66 EUR.
  • Vesuvius : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 705 à 535 GBp.
  • Voestalpine : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours relevé de 27,50 à 29 EUR.

En France

Annonces importantes (et moins importantes)

  • Le Qatar a attribué à TotalEnergies 25% d'une nouvelle entreprise nationale pour augmenter la capacité totale d'export de gaz naturel liquéfié du pays.
  • S&P relève la notation de Thales de "BBB+" à "A-", perspective stable. Par ailleurs, le groupe dévoile un nouveau système de formation tactique et de simulation basé sur l'intelligence artificielle.
  • Sanofi et GSK obtiennent de bons résultats avec leur candidat-vaccin de rappel nouvelle génération basé sur l’antigène du variant Bêta contre le covid.
  • Saint-Gobain annule 8,9 millions de ses propres actions.
  • Atos pourrait scinder ses activités dans le cadre d'une profonde réorganisation, comme le suggèrent plusieurs rumeurs.
  • Groupe Pizzorno Environnement décroche le marché de collecte des déchets ménagers de Lille pour 161 M€ sur 7 ans.
  • Orpea signe un protocole de conciliation avec ses principaux partenaires bancaires.
  • Groupe Gorgé inaugure sa nouvelle usine d’assemblage de drones maritimes à Ostende en Belgique.
  • Sercel (CGG) équipe un nouveau navire en Corée du Sud avec un système complet d'acquisition sismique marine pour la recherche sismique 3D.
  • Le vaccin covid de Valneva sur la sellette si l'Europe ne garantit pas un minimum de commandes.
  • Hopium signe une ligne de financement dilutive en fonds propres de 50 M€ avec LDA Capital.
  • Medesis Pharma inclut les premiers patients dans son étude de phase II.
  • Delta Drone tire une nouvelle tranche d'ORNAN de 1 M€.
  • Enogia créé une joint-venture avec ADEME Investissement.

Dans le monde

Annonces importantes (et moins importantes)

  • L'action de la marque de beauté américaine Revlon s'est effondrée de 53% vendredi sur fond de craintes de faillite.
  • Le gendarme financier britannique place le Crédit Suisse sous surveillance, selon le Financial Times.
  • La SEC américaine enquête sur Goldman Sachs au sujet des fonds ESG.
  • BlackRock offre le choix du vote en assemblée générale à près de la moitié de ses clients détenant des produits indiciels.
  • Tesla va fractionner son action en trois pour la rendre plus accessible et améliorer la liquidité du titre.
  • Netflix lance une seconde saison de Squid Game.
  • Countryside lance sa mise en vente.
  • Un grand incendie a ravagé une importante usine de recyclage du centre de l'Angleterre appartenant à Smurfit Kappa.
  • Google paie 118 M$ pour solder une plainte en nom collectif pour discrimination sexiste.
  • Novartis présente des données positives avec Kymriah dans la leucémie.
  • Pinterest achève l'acquisition de la plateforme d'achat The Yes.
  • L'Italie pourrait nationaliser la raffinerie de PJSC Lukoil en Sicile.
  • Principales publications du jour : Oracle, L'occitane, DFDSTout l'agenda ici.

Lectures