"A un mois de la fin de l’année, quel bilan faites-vous de l’évolution des marchés cette année 2018 ?
L’optimisme affiché fin 2017 soutenu par la perspective d’une croissance solide et synchronisée a laissé place à un certain pessimisme ambiant en cours d’année 2018 dans l’anticipation d’une croissance moins prononcée et plus désynchronisée.

Il y a eu au mois de mai, une conscience plus aigüe que la croissance américaine allait commencer à s’essouffler dans les trimestres à venir en raison de la longévité du cycle d’expansion aux Etats-Unis et des effets escomptés du resserrement monétaire de la Fed sur certains secteurs clés comme l’immobilier.

Le vif raffermissement du dollar, qui a atteint un pic de 10 ans, a mis une pression supplémentaire sur les actifs émergents sur fond d’un ralentissement de la dynamique en Chine consécutivement à la politique monétaire restrictive menée en 2017 et aux menaces de guerre commerciale.

Certaines valorisations ayant été perçues comme très élevée face à ces fissures, cela a incité davantage le marché à corriger.

Une des conséquences majeures de la multiplication de ces vents contraires a été un retour en grâce des secteurs défensifs et des stratégies à faible volatilité. Quelles autres conséquences majeures identifiez-vous sur le front de l’allocation des actifs ?
Nous avons dénoté un fort désinvestissement sur les actifs émergents, un attrait pour le dollar stimulé par l’idée qu’en dépit d’un ralentissement certain, les Etats-Unis continueraient à afficher la croissance la plus robuste au sein des économies avancées.

Face à une croissance en zone euro décevante et des chiffres d’inflation modérés, d’un retour de crainte vis-à-vis des aléas italiens et britanniques, le Bund a fait office de valeur refuge à fortiori devant des taux américains mis sous pression par le resserrement monétaire de la Fed.

Un rebond en cette fin d’année vous parait-il plausible ?

Il ne nous parait pas hors de portée, en particulier au sein de l’Asie émergente et de la zone euro.

Les craintes autour de la dynamique en Chine nous semblent exagérées, notamment avec la relance monétaire et budgétaire orchestrée par les autorités chinoises face à la guerre commerciale déclenchée par les Etats-Unis. Les valorisations des actions chinoises n’intègrent pas à ce jour cette impulsion.

Par ailleurs, les fondamentaux au sein de la zone euro devraient montrer une certaine solidité. Aussi, les bénéfices devraient rester en progression et les taux ont vocation à demeurer bas. Le marché des actions européennes a vivement souffert et présente désormais des niveaux de cours plus intéressants. Les dividendes versés continuent à être attrayants.

Pour le moment nous mettons davantage l’accent sur les actions asiatiques que sur les actions européennes en raison du sursaut de volatilité ponctuel que peuvent entrainer les dossiers italien et britannique.

Parallèlement, l’absence de remontée supplémentaire significative du dollar, ainsi que le repli du cours du baril devraient servir de catalyseurs notables aux actifs de l’Asie émergente importatrice de matières premières et exportatrice de biens manufacturés.

Outre les actions de l’Asie émergente et les actions de la zone euro, vous avez une vision constructive sur les actions japonaises ?

Le Japon a un profil économique qui s’apparente à celui de la zone euro, avec les aléas politiques en moins.

De quelle manière pressentez-vous l’année 2019 ?

Les risques sont globalement bien identifiés. Nous pouvons espérer que certains d’entre eux soient neutralisés l’année prochaine.
L’attention devrait se focaliser sur l’amplitude du ralentissement économique au niveau mondial.

Un risque pourrait-il provenir du comportement de la Fed ?

La question aujourd’hui porte moins sur le rythme de hausse des taux que sur le niveau d’équilibre visé par la Banque centrale américaine. Le marché s’interroge sur le fait de savoir si la Fed saura bien déterminer son taux d’équilibre. Cet exercice est d’autant plus difficile pour la Banque centrale américaine que l’administration Trump a mis en place une politique totalement procyclique qui fausse les repères et est susceptible d’alimenter une inflation qui viendrait compromettre les marges bénéficiaires.
Dans une telle situation, les effets négatifs d’une hausse des taux mal menée pourraient s’avérer très négatifs.

Nous sommes pour l’heure d’avis que la Fed saura gérer cet écueil, notamment parce que l’inflation sera plafonnée en raison du niveau d’endettement important des agents économiques américains et notamment des entreprises.

Que tablez-vous du côté de la BCE ?

Nous ne devrions pas avoir de changement majeur dans le comportement de la BCE. La politique monétaire au sein de la zone euro devrait demeurer accommodante. De ce fait, les taux européens devraient se maintenir à un niveau relativement bas. Dans ces conditions, la recherche de rendement devrait pousser les investisseurs à réallouer leurs actifs sur les actions européennes entre la fin de l’année et l’année prochaine."