(Actualisé avec évaluation de la police)

par Anne Marie Roantree, Clare Jim et Marius Zaharia

HONG KONG, 18 août (Reuters) - Plusieurs centaines de milliers de manifestants pour la plupart vêtus de noir ont défilé sous la pluie et dans le calme, dimanche à Hong Kong.

Après dix semaines de contestation, le Front civique des droits de l'homme, qui espérait une réédition des marées humaines qui ont déferlé au mois de juin sur le territoire autonome, a réussi son pari.

Les organisateurs parlent de 1,7 million de manifestants. La police en a, elle, dénombrés 128.000 au parc Victoria, point de départ du défilé, au plus fort de la mobilisation.

Malgré les scènes de violence qui ont marqué ces derniers jours, notamment lors de l'occupation de l'aéroport international Chek Lap Kok, où le trafic a été très perturbé en début de semaine, le mouvement de contestation a toujours le soutien d'une large part de la population hongkongaise.

Le parc Victoria a été rapidement saturé et une vaste foule a pris dans le calme la direction du centre financier de la ville, vers l'ouest.

A la nuit tombée, les forces de police qui étaient restées discrètes tout au long du parcours se sont déployées à Central, le quartier des affaires, où elles ont procédé à des contrôles des identités. Aucun incident n'a été signalé. Une forte présence policière entourait aussi le commissariat de police du Western District.

"Ils disent que nous sommes des émeutiers. La manifestation d'aujourd'hui montre que nous ne le sommes pas", a déclaré Chris, un jeune homme de 23 ans travaillant dans le marketing, entièrement vêtu de noir, le visage masqué par un foulard et une casquette de baseball.

Plus loin dans le cortège, un homme réclame à un groupe de manifestants de cesser de huer les forces de police. "C'est une manifestation pacifique ! Ne tombez pas dans le piège. Le monde entier nous regarde", leur intime-t-il.

Lancé à l'origine contre un projet de loi aujourd'hui suspendu qui aurait autorisé l'extradition de suspects vers la Chine, le mouvement s'est élargi à la défense des libertés garanties par le principe "un pays, deux systèmes", accepté dans le cadre de la rétrocession de l'ex-colonie britannique, en 1997.

Cette formule reconnaît la souveraineté chinoise sur la "région administration spéciale" tout en garantissant son autonomie et le respect des libertés individuelles.

Pour de nombreux Hongkongais, Pékin a resserré son emprise sur le territoire et remet en cause ce principe. La contestation exige aussi la démission de la dirigeante de l'exécutif local, Carrie Lam, et une enquête sur les violence policières.

"NOUS N'AVONS PAS D'AUTRE CHOIX"

"Les Hongkongais sont fatigués de devoir manifester, c'est vraiment la dernière chose qu'ils veulent", expliquait dimanche matin Jonathan, un étudiant de 24 ans rencontré dans la foule rassemblée dans le parc Victoria. "Il fait super chaud et il pleut. Franchement, venir ici, c'est une torture. Mais, ajoute-t-il, nous devons être ici parce que nous n'avons pas d'autre choix. Nous devons continuer jusqu'à ce que le gouvernement finisse par nous accorder le respect que nous méritons."

Derrière lui, les manifestants de tous âges brandissent des pancartes sur lesquelles on lit "Hong Kong libre" et "La démocratie maintenant". Un très grand nombre sont venus avec des parapluies, à la fois pour se protéger et rappeler le mouvement de 2014.

La contestation en cours constitue la plus grave crise politique qu'ait vécue Hong Kong depuis la rétrocession. C'est aussi un défi sans précédent lancé au président chinois Xi Jinping au pouvoir depuis 2012, alors que le Parti communiste chinois se prépare à célébrer le 1er octobre prochain le 70e anniversaire de la fondation de la république populaire.

A mesure que des incidents violents et des débordements émaillaient les manifestations, le pouvoir central chinois a haussé le ton, parlant de formes de "terrorisme", et son discours musclé s'est accompagné de démonstrations de force, avec mobilisation massive de la Police armée du peuple (PAP) à Shenzhen, à la frontière avec la "région administrative spéciale" de Hong Kong.

"Le rassemblement de la Police armée du peuple à Shenzhen a adressé une mise en garde très claire aux émeutiers de Hong Kong", a écrit vendredi l'éditorialiste du Global Times, journal tabloïd appartenant au Quotidien du Peuple, l'organe de presse du Parti communiste chinois.

L'exécutif hongkongais a également mobilisé ses soutiens: samedi, un rassemblement en faveur de la police du territoire a rassemblé 475.000 personnes selon les organisateurs, un peu plus de 100.000 selon la police. (avec Tom Westbrook, Lukas Job, Felix Tam et Donny Kwok Henri-Pierre André et Jean-Philippe Lefief pour le service français)