Une fois n'est pas coutume, je consacre ce matin une large part de ma chronique à une seule entreprise, Wirecard. La société, poids lourd des systèmes de paiement en Europe et symbole de la "tech" allemande qui gagne (au même titre que HelloFresh ou Delivery Hero) a terminé la séance d'hier en chute libre de 62% juste sous 40 EUR. Si vous suivez un peu l'actualité financière, vous savez que l'entreprise est engluée depuis plusieurs trimestres dans une affaire de soupçons de manipulations comptables, qui avait été mise en lumière par le vénérable Financial Times en 2018. Je dis vénérable, car il ne faut en général pas prendre à la légère ce qu'affirme le quotidien britannique des affaires. En simplifiant à l'extrême, le FT a découvert qu'une part importante des facturations réalisées en Asie était le fait de sociétés fantômes.

Pourtant, l'entreprise allemande s'est défendue pied-à-pied pendant des mois, en parvenant presque, en fin d'année dernière, à faire douter de l'intégrité du FT dans ce dossier (autant dire que le journal boit du petit-lait depuis hier). Nous avions nous-mêmes cédé au sex-appeal de la belle allemande, en entrant le titre dans le portefeuille Europe PEA de Zonebourse le 11 janvier 2019 à 140 EUR. Sans doute l'investissement le plus court de l'histoire de la sélection, puisque nous l'avions sorti deux semaines plus tard, alarmés par les bruits de couloir qui commençaient à s'intensifier sur la fiabilité des comptes.

Hier, la digue a cédé. Wirecard a publié un communiqué alarmant, qui tranche avec la sérénité de façade affichée jusque-là. La publication des comptes, plusieurs fois reportée, n'a pas eu lieu à la date prévue du 18 juin car les auditeurs ont refusé de les certifier à cause de nombreuses zones d'ombre persistantes. Ils se sont notamment dits incapables de confirmer l'existence réelle de 1,9 Md€ d'actifs – soit le quart du bilan – en relation avec des comptes détenus par deux banques asiatiques dont les noms n'ont pas été cités. Le cauchemar dépeint par le FT est en train de se concrétiser, d'autant que 2 Mds€ de lignes de financement sont exigibles ce 19 juin en cas de non-dépôt des comptes. Une somme que l'entreprise n'a pas en réserve.

Le management de Wirecard joue désormais le couplet de l'entreprise-victime, celui qui la range du côté des escroquées. Il envisage de porter plainte contre X et a annoncé hier soir la suspension de son COO Jan Marsalek "sur une base révocable" jusqu'au 30 juin. Dans une vidéo (assez sinistre) disponible depuis hier soir sur le site de la société, le CEO Markus Braun a déclaré "à l'heure actuelle, il n'est pas exclu que Wirecard AG fasse partie des victimes dans une affaire de fraude aux proportions considérables".

On voit à peu près la ligne de défense de l'entreprise, d'ores et déjà ciblée par la justice et les autorités boursières, en attendant les investisseurs. Et peut-être qu'elle a réellement été victime d'une escroquerie de grande ampleur. Mais peut-on lui pardonner ses dénégations, son manque de contrôle interne et sa morgue ? La réponse est non, cent fois non. En tout cas pas avant longtemps.

Mais revenons aux marchés à un niveau plus global. Les places financières finissent la semaine sur une note hésitante, tiraillées entre des chiffres économiques qui s'améliorent et des foyers infectieux toujours très actifs dans plusieurs pays, dont les Etats-Unis. A cela, ajoutons un Donald Trump qui cherche à affirmer son pouvoir à l'international, pour détourner le regard de ses difficultés internes. Il a notamment averti hier ne pas exclure de couper les ponts avec la Chine. "Les Etats-Unis conservent absolument l'option politique, en fonctions de différentes conditions, d'un découplage total avec la Chine", a-t-il affirmé. C'est on ne peut plus clair. Pendant ce temps en Europe, les 27 sont réunis en sommet virtuel pour lancer les négociations sur le plan de relance post-coronavirus. Ça promet.

Le CAC40 accroche les 5000 points à l'ouverture, sur un gain de 0,8%, pour cette journée de compensation trimestrielle (troisième vendredi du dernier mois du trimestre) dite des "quatre sorcières", dont vous trouverez une explication pratique dans ce papier d'archive.

Les temps forts économiques du jour

Les ventes de détail britanniques et les prix à la production allemands (8h00) permettront de prendre le pouls de ces deux grandes économies européennes, pendant que l'UE tient son sommet économique. En Amérique du Nord, les ventes de détail canadiennes (14h30) précéderont une allocution de Jerome Powell (19h00), dans le cadre d'un événement retransmis sur le web. Ce matin, le Japon a pour la première fois relevé ses prévisions économiques depuis 2018.

L'euro s'effrite à 1,1213 USD alors que l'once d'or reste scotchée à 1727 USD. Le pétrole est quasiment stable ce matin, à 41,84 USD le baril de Brent et à 39,20 USD le baril de WTI. Le rendement du T-Bond baisse à 0,7% sur 10 ans. Le Bitcoin est sur le reculoir à 9300 USD.

Les principaux changements de recommandations

  • Avon Rubber : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé à 3530 GBp.
  • Blue Prism : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours relevé de 1580 à 1640 GBp.
  • Cancom : Main First passe d'acheter à conserver en visant 56 EUR.
  • Electricité de France : Berenberg reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 9,30 à 8,10 EUR.
  • Flutter : Goldman Sachs reprend le suivi à l'achat en visant 13 200 GBp.
  • Swedbank : J.P. Morgan passe de souspondérer à surpondérer en visant 160 SEK.
  • The PRS REIT : Jefferies démarre le suivi à l'achat en visant 91 GBp
  • William Hill : Morgan Stanley passe de neutre à surpondérer en visant 200 GBp.

L’actualité des sociétés

En France

L'Oréal rachète Thayers Natural Remedies, une marque américaine de soin de la peau qui réalise 44 M$ de revenus annuels. RATP Dev, ComfortDelGro Transit et Alstom signent un partenariat pour répondre aux appels d'offres du Grand Paris Express. Axa et Western Union signent un partenariat dans le transfert d'argent. Dassault Aviation devient mécène de l'Ordre de la Libération Cegedim collabore avec IBM Watson pour fournir des données de vie réelle de santé européennes. Mercialys et OneStock renforcent la dimension omnicanale des centres commerciaux en scellant un partenariat. Icade a remporté deux appels d'offres, pour la construction d'un plateau technique médical et la réhabilitation d'un bâtiment de l'UNESCO. Tour Eiffel émet 180 M€ d'obligations subordonnées. Fromageries Bel rachètent All in Foods. McPhy va équiper le plus important projet de déploiement de mobilité hydrogène zéro-émission en France, Zero Emission Valley. LNA Santé négocie le rachat de Clinique Développement. Mieux vaut tard que jamais, Recylex a publié ses comptes 2018. Eutelsat et Delta Plus communiquent sur leurs activités dans un contexte de Covid-19. Vinci, Recylex, Union Financière de France, La Française des Jeux, 1000Mercis parlent de leurs assemblées générales respectives. Groupe LDLC a publié ses comptes.

Dans le monde

Londres devrait signer des accords aériens avec quelques pays sélectionnés, dont la France, pour autoriser les voyages internationaux sans passer par la quarantaine. La chaîne américaine de supermarchés Albertsons Companies veut revenir en bourse en plaçant sur le marché 65,8 millions d'actions entre 18 et 20 USD pièce. Mithra lève 65 M€ via un placement privé. Hertz Global Holdings renonce définitivement à lancer une augmentation de capital dans le cadre de sa faillite. Facebook retire des publicités de la campagne Trump comportant un symbole nazi. 11% du capital de SoftwareOne a été mis en vente par KKR et d'autres actionnaires. AT&T et T-Mobile US vont supprimer plus d'emplois que prévu dans le cadre de leurs restructurations respectives. ThyssenKrupp prévoit de finaliser la cession de sa branche ascenseurs le 31 juillet, car toutes les autorisations nécessaires ont été obtenues pour un rachat de 17,2 Mds€ par Cinven et Advent. L'opérateur de cinéma américain AMC Networks prévoit de rouvrir mi-juillet. En difficultés, le transporteur américain YRC Worldwide décale le paiement de ses obligations de santé. Le croisiériste Carnival a enregistré une perte trimestrielle de plus de 4 Mds$ à cause du coronavirus. Norilsk Nickel vend Honeymoon Well à BHP.

Ça publie. Carmax, Jabil, John Wood

Lectures