Si vous lisez ou que vous écoutez régulièrement cette chronique boursière, vous savez que la fin de semaine est parfois consacrée à des sujets un peu plus exotiques qu'un discours de banquier central, une pitrerie d'Elon Musk ou un résultat d'entreprise-qui-dépasse-les-attentes-quelle-belle-performance-il-faut-acheter. Ce vendredi, à défaut d'être bleu (ou allemand pour le coup), ou de souhaiter un bon anniversaire à mon collègue Eduardo, on va parler de vélo et d'excès.

Mais évacuons d'abord la séance de la veille. Il suffit de regarder le patchwork de couleurs des indices en clôture hier pour comprendre qu'il n'y avait rien à comprendre. Le CAC40 a perdu 0,5%. Mais le DAX a gagné 0,1%. Le Dow Jones a pris 0,6%. Mais le Nasdaq 100 a perdu 1,9%. Casino a gagné 16%. Mais Meta Platforms a perdu 25%. Vous voyez un peu le tableau. Pour le dire simplement, disons que des forces contradictoires sont à l'œuvre. J'en citerai deux pour chaque camp :

Côté haussier :

  • Le sentiment que les banques centrales ont commencé à assouplir leurs discours (à l'image de la BCE hier, j'en parle un peu après).
  • Des résultats d'entreprise qui restent en majorité moins dégradés que prévu, surtout par rapport au puissant courant médiatico-dépressif que nous autres journalistes alimentons régulièrement.

Côté baissier :

  • Le moteur de la croissance infinie des bénéfices des entreprises technologiques a l'air cassé. Et vu qu'elles pèsent lourd dans la balance des capitalisations, ça provoque des dégâts (d'où l'énorme différentiel de performance entre l'indice des vieux le Dow Jones et l'indice des winners le Nasdaq).
  • Il y a trop d'inconnues adverses dans l'équation (inflation, géopolitique, énergie…) pour imaginer raisonnablement que tout va bien se terminer.

Le plus puissant de ces quatre facteurs est malgré tout le récit autour du changement de sentiment des banques centrales, d'où un biais légèrement positif (si Meta Platforms et Amazon n'avaient pas perdu 25% et 4% hier respectivement, Wall Street aurait probablement progressé). La BCE, qui a relevé ses taux de 75 points de base hier, n'a d'ailleurs pas dit autre chose. Ou plutôt Christine Lagarde, quand elle a expliqué que des progrès "substantiels" avaient été réalisés dans la lutte contre l'inflation (ce qui est un tantinet osé avec une inflation de 10% en zone euro en septembre, mais bon…). Apparemment la hausse de taux décidée hier ne l'a pas été à l'unanimité et les commentateurs relativement compétents en matière de sociologie francfortienne soulignent que les colombes de la BCE (les gens du sud un peu feignants) ont plus de raisons de se satisfaire que les faucons (les gens du nord un peu rigides). Tout cela concourt à renforcer le sentiment selon lequel les banques centrales vont repasser "pro-croissance" d'ici quelques mois, ce que les marchés actions apprécient.

Mais revenons-en aux vélos précités avec une anecdote maison. En début de semaine, numéro un, l'adolescent presque adulte dont j'ai changé les couches il y a plus longtemps que j'aime à le penser, me dit qu'il doit parler dans son cours de SES d'un secteur qui a profité du coronavirus "mais pas les vaccins". "Parle des vélos", lui dis-je alors. "Pas bête", a-t-il répondu avant de surenchérir pour faire semblant de s'intéresser à ce que je fais "ça doit être une bonne affaire en bourse".

Eh ben pas trop, en fait, et c'est là où je voulais en venir. Flash-back deux ans et demi en arrière : tous ceux qui n'avaient pas de vélo au début de la pandémie de coronavirus se rappellent qu'il était impossible d'en trouver un à l'époque. Le vélo était brutalement devenu une denrée rare comme le papier toilette, Donald Trump ou les farfalle Barilla. Pourquoi ? Parce que les gens avaient réfléchi et qu'ils avaient changé, pardi. Fini le traintrain quotidien. Dorénavant, on mangerait des produits de saison même si c'est du chou tout l'hiver, on serait bienveillant avec les autres même ce crétin de voisin et on irait travailler en vélo qu'il pleuve, qu'il neige ou qu'il vente.

Donc tout le monde a voulu un vélo. Et tout le monde n'en a pas eu, si bien que les carnets de commandes se sont remplis et que tout l'écosystème en a profité. Et là ça a été la folie boursière pour les Shimano, les Accell Group, les Giant Manufacturing, les Fox Factory et tutti quanti. Ne nous y trompons pas, la plupart sont de belles entreprises, bien gérées, qui ont dégagé des résultats records dans le contexte pandémique. Mais la normalisation du marché depuis leur a coûté cher en bourse. Sur les 12 derniers mois, le roi japonais des dérailleurs et des systèmes de freinage Shimano a perdu 28%. Les deux fabricants de cadres taiwanais Giant et Merida sont en repli de plus de 30%. Le spécialiste américain des fourches Fox en est à -43%. Et la star des systèmes de sécurité pour les casques suédoise MIPS s'est enfoncée de plus de 60%.

Pourquoi ces plongeons ? Parce que les marchés ont souvent du mal à prendre du recul quand l'histoire est belle. Pour reprendre une image de l'univers de la gestion du risque médiatique, qui dit que le danger réel est égal au risque multiplié par l'indignation, en bourse, le potentiel perçu est égal aux fondamentaux multipliés par le buzz. C'est ce qui se produit à intervalle régulier. Pour les SPAC, pour les startups technologiques cotées qui ne seront jamais rentables, mais aussi donc pour des industries plus pérennes et plus sérieuses comme celle du cycle. C'est une bonne leçon pour les investisseurs : il faut toujours comparer la fiction avec la réalité.

L'actualité du jour est encore dominée par les nombreuses publications trimestrielles de résultats de grandes entreprises. La nuit dernière, Apple a rassuré mais Amazon a rejoint Alphabet, Microsoft et Meta Platforms avec des chiffres jugés très décevants. L'action du vendeur en ligne chutait de 13% cette nuit hors séance. Les autres entreprises publient en général des chiffres robustes et une partie se paie même le luxe de relever ses objectifs. Côté macroéconomie, la courbe des taux américains est désormais clairement inversée : la dette à 10 ans a vu son rendement passer sous les 4% et est moins rémunérée que les échéances à 3 mois, 6 mois, 2 ans et 5 ans. Cela signifie d'une part que le marché pense que le pic de taux de la Fed sera plus bas qu'il ne le redoutait il y a encore quelques jours, et d'autre part que la récession pointe à nouveau son nez, après la parenthèse d'un PIB du 3e trimestre revenu en territoire positif. Il y aura encore quelques statistiques d'importance aujourd'hui, notamment la première estimation de l'inflation d'octobre en Allemagne. A partir de ce soir, le regard des financiers se tournera vers la réunion de la Fed prévue la semaine prochaine. On sera à peu près tranquilles au niveau des discours de membres de la banque centrale américaine : ils sont tenus de respecter une période de silence médiatique en amont de cette réunion.

La semaine se termine dans le rouge en Asie-Pacifique, notamment pour le Hang Seng qui subit toujours des dégagements appuyés avec le retrait de capitaux étrangers depuis que Xi Jinping a renforcé son emprise sur le pouvoir en Chine. L'indice de Hong Kong a perdu 8% cette semaine et porte son passif à plus de 40% sur un an. Les indicateurs avancés sont baissiers en Europe. Le CAC40 perdait 0,8% à l'ouverture, à 6192 points.

Les temps forts économiques du jour

Deux statistiques importantes en Allemagne demain : le PIB du T3 (10h00) et la première estimation de l'inflation d'octobre (14h00). Aux Etats-Unis, l'inflation PCE sera dévoilée à 14h30, avec les revenus et dépenses des ménages. A 16h00, place aux ventes dans l'immobilier ancien et à l'indice de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan. Tout l'agenda macro ici. Ce matin, la Banque du Japon a confirmé être à contre-courant des autres principales banque centrales du monde, en maintenant une politique accommodante et des taux d'intérêt au plancher.

L'euro se négocie 0,999 USD. L'once d'or est relativement stable à 1665 USD. Le pétrole aussi, avec un Brent de Mer du Nord à 94,20 USD le baril et un brut léger américain WTI à 88,13 USD. Le rendement de la dette américaine à 10 ans est redescendu à 3,94%. Le bitcoin se négocie 20 300 USD l'unité.

Les principaux changements de recommandations

  • Alten : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 168 à 150 EUR.
  • Beiersdorf : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 128 à 120 EUR
  • Capgemini : Jefferies reste à l'achat avec un objectif réduit de 220 à 210 EUR.
  • Crédit Suisse : DZ Bank reste à vendre avec un objectif réduit de 4,20 à 3,20 CHF.
  • Danske Bank : ABG passe de conserver à acheter en visant 130 DKK.
  • Davide Campari : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 11 à 10 EUR.
  • EMS-Chemie : Research Partners reste à l'achat avec un objectif réduit de 1000 à 900 CHF.
  • Groupe LDLC : Kepler Cheuvreux reste à l'achat avec un objectif réduit de 45 à 35 EUR.
  • Hennes & Mauritz : HSBC passe de conserver à alléger en visant 85 SEK.
  • HelloFresh : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 66 à 37 EUR.
  • Kinepolis : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 70 à 68 EUR
  • KPN : Exane BNP Paribas passe de neutre à surperformance en visant 3,10 EUR.
  • Maisons du Monde : Berenberg reste à l'achat avec un objectif réduit de 20 à 19 EUR
  • Marks and Spencer : HSBC passe d'acheter à conserver en visant 105 GBp.
  • National Grid : Jefferies reste à conserver avec un objectif de cours réduit de 1070 à 820 GBp.
  • Norsk Hydro : J.P. Morgan passe de neutre à souspondérer en visant 58 NOK.
  • Renault : Goldman Sachs reste neutre avec un objectif de cours réduit de 34 à 33 EUR.
  • Sampo : Inderes passe d'accumuler à alléger en visant 46 EUR.
  • Smith & Nephew : Morgan Stanley reprend le suivi à pondération ligne en visant 1229 GBp.
  • STMicroelectronics : Goldman Sachs reste neutre avec un objectif de cours réduit de 41,50 à 39 EUR.
  • Temenos : Barclays reste à pondération en ligne avec un objectif de cours réduit de 63 à 52 CHF.
  • Universal Music Group : Jefferies reste à l'achat avec un objectif de cours réduit de 25 à 24 EUR.

En France

Résultats des entreprises (les indications sont données à chaud et ne préjugent pas de l'orientation des actions)

  • Air France-KLM : dépasse les attentes au troisième trimestre grâce à la reprise des voyages.
  • Airbus : la génération de free cash-flow annuel atteindra 4,5 Mds€, contre 3,5 Mds€ précédemment anticipé.
  • Amundi : affiche une décollecte de 12,9 Mds€ au troisième trimestre.
  • Danone : relève son objectif de chiffre d'affaires pour 2022, tablant sur une croissance organique de 7 à 8%.
  • Safran : révise en hausse ses perspectives annuelles.
  • Saint-Gobain : le chiffre d'affaires du T3 a légèrement dépassé les attentes. Les prévisions annuelles sont confirmées.
  • Sanofi : révise en hausse son objectif de BNPA en 2022.
  • Ubisoft : confirme ses objectifs annuels, malgré des résultats dans le rouge au S1.

Annonces importantes (et moins importantes)

Dans le monde

Résultats des entreprises (les indications sont données à chaud et ne préjugent pas de l'orientation des actions)

  • Amazon : l'action perd 12,7% hors séance à Wall Street, après la publication de trimestriels manifestement décevants.
  • Apple : seul rescapée des AMAMA, l'action de la société est stable en bourse après la publication des derniers résultats cette nuit.
  • Caixabank : le bénéfice net augmente de 18,8% au T3 grâce aux prêts et assurances.
  • Electrolux : enregistre des pertes au 3e trimestre et se prépare à un nouveau ralentissement du marché.
  • ENI : le bénéfice net s'envole à 5,86 Mds€ au T3.
  • Equinor : a annoncé un bénéfice net de 9,4 Mds$ pour le troisième trimestre contre 1,4 Md$ à la même période de 2021.
  • Holcim : les prévisions sont relevées après un T3 solide.
  • Intel : le titre gagne plus de 5% hors séance en dépit de résultats trimestriels un peu inférieurs aux attentes et de prévisions abaissées.
  • NatWest : affiche un bénéfice stable alors que les perspectives économiques s'assombrissent.
  • Vale : annonce une hausse de 12% des bénéfices au 3e trimestre.
  • Volkswagen : les bénéfices du troisième trimestre sont affectés par le coût de l'introduction en bourse de Porsche et par Argo AI.

Annonces importantes (et moins importantes)

Lectures