PARIS (Agefi-Dow Jones)--La tension monte d'un cran entre Lagardère et ses deux premiers actionnaires. Excédés par le refus du groupe de médias et de distribution d'accéder à leur demande de convocation d'une assemblée générale exceptionnelle (AGE) et par sa gestion jugée partiale des organes de gouvernance, Amber Capital et Vivendi ont annoncé leur intention de saisir la justice.

"Le conseil de surveillance et la gérance de Lagardère ayant refusé les propositions respectives d'Amber Capital et de Vivendi, ces derniers vont saisir le tribunal de commerce de Paris d'une demande de convocation d'assemblée générale", indique un communiqué conjointement envoyé par Amber Capital et Vivendi, qui détiennent respectivement 20% et 23,5% du capital de Lagardère.

Contacté par l'agence Agefi-Dow Jones, un porte-parole de Lagardère n'était pas disponible dans l'immédiat pour commenter cette information.

Dans une lettre adressée à Lagardère à la fin août, Amber Capital avait demandé au groupe de convoquer une assemblée générale pour procéder à une refonte partielle de son conseil de surveillance. Le fonds d'investissement exige la révocation de trois membres dont l'ancien président du directoire de la SNCF, Guillaume Pepy. Pour les remplacer, le fonds activiste propose la nomination de son fondateur, Joseph Oughourlian, de son "managing partner", Olivier Fortesa, et de Valérie Ohannessian, présidente de Phémia Conseil, une société spécialisée dans la stratégie et la gouvernance des entreprises.

De son côté, Vivendi avait proposé à Lagardère la nomination de Virginie Banet, administratrice indépendante et ancienne directrice des relations investisseurs de Lagardère, au conseil de surveillance du groupe de médias et de distribution.

Deux membres du conseil ont démissionné

Lundi soir, Lagardère a assuré que son comité des nominations, des rémunérations et de la responsabilité sociale et environnementale (RSE) s'était "saisi de la candidature de Virginie Banet, qu'il examinera notamment au regard de son indépendance et des critères rappelés dans le document d'enregistrement universel 2019". Il a ajouté que, "dans ce contexte, la gérance se rapprochera(it) d'Amber pour ouvrir un dialogue de même nature". Virginie Banet pourrait ainsi remplacer Yves Guillemot, le directeur général d'Ubisoft ayant décidé de quitter le conseil de surveillance de Lagardère quatre mois seulement après le renouvellement de son mandat.

Mais derrière sa volonté affichée "d'ouvrir un dialogue actionnarial constructif et apaisé", Lagardère a également annoncé lundi avoir coopté Valérie Bernis, ancienne directrice générale adjointe d'Engie actuellement administratrice d'Atos. Elle intégrera son conseil de surveillance en remplacement d'Aline Sylla-Walbaum, également démissionnaire.

Cette cooptation pourrait échouer à apaiser les tensions. "La cooptation de Valérie Bernis prouve que Lagardère gère ses organes de gouvernance de manière partiale", commente une source proche du dossier, qui constate que cette cooptation n'a "manifestement pas fait l'objet d'un examen aussi approfondi que celui qui attend la candidature Virginie Banet".

"Valérie Bernis a pour elle sa proximité avec Bernard Arnault, par l'intermédiaire de Nicolas Bazire, dont elle est particulièrement proche pour l'avoir côtoyé au cabinet d'Edouard Balladur au milieu des années 1990 puis aux conseils d'administration d'Atos et de Suez", ajoute cette même source.

Le spectre d'un démantèlement de Lagardère

Nicolas Bazire est depuis 1999 le directeur général de Groupe Arnault, la société d'investissement de la famille propriétaire de LVMH, qui doit justement acquérir début septembre 27% du capital de Lagardère Capital & Management (LCM), la holding personnelle d'Arnaud Lagardère. LCM porte la part de 7,3% détenue par Arnaud Lagardère au capital du groupe fondé par son père, Jean-Luc Lagardère.

L'entrée imminente de Groupe Arnault au capital de LCM se veut amicale et permettra dans un premier temps au gérant commandité de Lagardère de régler ses problèmes d'endettement. Mais elle accorde à Bernard Arnault une position incontournable dans la chaîne de contrôle du groupe Lagardère. En plus de porter la part de 7,3% détenue par Arnaud Lagardère au capital du groupe de distribution et de médias, LCM intégrera la détention de la société en commandite Arjil Commanditée-Arco, où se situe le vrai centre de contrôle de Lagardère.

La bataille pour la gouvernance chez Lagardère est loin d'être terminée. D'autant que les observateurs du dossier estiment que sa finalité porte sur de colossaux enjeux : mettre la main sur les meilleurs actifs dans les médias, l'édition et la distribution dans les aéroports ou les gares d'un groupe affaibli.

-Dimitri Delmond, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 31; ddelmond@agefi.fr ed: ECH

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