Pierre Briançon,

Barron's

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Renault et PSA suivent deux routes bien différentes. Le groupe au losange recherche depuis deux mois son nouveau directeur général après l'éviction de Thierry Bolloré en octobre. Son ancien PDG, Carlos Ghosn, est poursuivi en justice par les autorités japonaises depuis plus d'un an, soupçonné de malversations financières, des charges que l'ancien dirigeant a toujours rejetées. De plus, Renault tente encore de donner un réel sens à son "alliance" longue de 20 ans avec son partenaire japonais Nissan.

PSA de son côté est dirigé par l'énergique et très respecté Carlos Tavares, ex-directeur général délégué aux opérations de Renault. Le groupe sochalien s'est fiancé à son rival italo-américain Fiat Chrysler Automobiles (FCA) en annonçant un projet de fusion entre égaux largement acclamé, quelques mois après l'échec des discussions entre Renault et FCA sur une opération similaire.

Sans surprise, les actions des deux rivaux français reflètent leurs fortunes opposées. Depuis janvier, le titre Renault perd 22% à 42,35 euros tandis que celui de PSA gagne 14% à 21,31 euros. Sur la même période, l'indice CAC 40 s'adjuge 24%.

Les actions de l'ensemble des grands constructeurs automobiles mondiaux ont également pâti du ralentissement du commerce mondial, des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis et des menaces de l'administration Trump d'imposer des tarifs douaniers sur les importations d'automobiles provenant d'Europe.

Mais, dans un futur proche, il apparaît que Renault résout petit à petit ses difficultés alors que Peugeot pourrait rencontrer quelques obstacles sur sa route.

Un mariage entre égaux qui ressemble à une acquisition

Depuis l'annonce du projet de fusion avec FCA, l'action Peugeot a perdu 18%. Ce recul s'explique en partie par les termes de l'union prévue entre les deux groupes automobiles, que les deux fiancés ont tenté de présenter comme une fusion entre égaux, même si elle ressemble à une acquisition du groupe italo-américain par PSA. Lors de l'annonce de ce mariage, le 31 octobre, la capitalisation boursière de PSA s'élevait à 23 milliards d'euros contre 18 milliards pour FCA.

Pour conserver l'apparence d'une opération équilibrée entre les deux groupes, le constructeur italo-américain versera à ses actionnaires un dividende exceptionnel de 5,5 milliards d'euros avant la clôture de l'opération. PSA, de son côté, distribuera à ses porteurs sa participation de 46,3% dans l'équipementier automobile Faurecia. Dans les faits, ces transactions reviendraient pour PSA à transférer plus de 3 milliard d'euros de valeurs vers les actionnaires de FCA.

Au cours des jours ayant suivi cette annonce, le marché a rapidement ajusté les capitalisations boursières des deux sociétés. Mais en raison de l'environnement mondial et d'une montée des incertitudes, leurs cours de Bourse ont tellement chuté que les conditions de la fusion pourraient devoir être revues. Leur capitalisation boursière combinée a baissé de 1,7 milliard d'euros depuis l'annonce de leurs fiançailles. Ce qui, pour une opération devant générer quelque 3,7 milliards d'euros de synergies annuelles, n'est pas censé se produire. 80% de ces synergies devraient être réalisées à partir de la fin de la quatrième année, ont indiqué Carlos Tavares et John Elkann, le président du conseil d'administration de FCA, dans une déclaration commune lorsque l'opération a été dévoilée.

De son côté, Renault pourrait bien tourner la page de son annus horribilis. Luca de Meo, président du comité exécutif de Seat, est cité comme favori pour prendre le poste de directeur général du groupe. Renault choisirait alors un Italien qui dirige actuellement la filiale espagnole de Volkswagen, un groupe allemand. Le constructeur, dont le caractère trop français a souvent semblé nuire à son propre bien - l'Etat possédant toujours 15% du capital et près du double en droits de vote - enverrait alors de bon signaux.

De plus, la volonté apparente de Nissan et de Jean-Dominnique Senard, le président de Renault, de remettre en piste l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, pour ses actionnaires comme pour ses clients, montre une saine intention d'aller de l'avant après l'affaire Ghosn et ses conséquences. Le dirigeant français a déclaré ce mois-ci qu'une fusion entre Nissan et Renault, voulue autrefois par Carlos Ghosn, n'était "probablement pas la bonne façon de penser" l'avenir de l'Alliance.

Au regard de la chute de son action depuis le début de l'année, l'action Renault semble désormais offrir davantage de potentiel que celle de PSA.

-Pierre Briançon, Barron's (Version française Julien Marion) ed: ECH

Barron's est l'hebdomadaire de référence financier et patrimonial du groupe Dow Jones.

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