par Giuseppe Fonte et Pamela Barbaglia

L'incertitude quant au sort de la Bourse de Milan et de ses activités après le rachat probable de Refinitiv par le London Stock Exchange (LSE) pour plus de 23 milliards d'euros provoque des remous politiques à Rome, a-t-on appris de deux sources proches du dossier.

Le Mouvement 5 Etoiles (M5S), membre de la coalition gouvernementale, s'efforce de convaincre les principales institutions financières du pays, dont la banque Intesa Sanpaolo, de lancer une offre sur tout ou partie de l'opérateur boursier national afin d'éviter un éclatement de ses activités, ont expliqué les sources, qui ont requis l'anonymat.

Mais ce projet se heurte à l'opposition d'autres responsables de la coalition, parmi lesquels figure le ministre de l'Economie, Roberto Gualtieri, membre du Parti démocrate (PD), ont-elles expliqué.

Un haut responsable proche du Trésor a déclaré à Reuters qu'une offre de rachat de Borsa Italiana n'était "pas quelque chose que le ministère des Finances étudie actuellement".

Une porte-parole de LSE n'a fait aucun commentaire dans l'immédiat sur le sujet mais a déclaré que David Schwimmer, le directeur général de l'opérateur de la Bourse de Londres, avait déjà dit que Borsa Italia n'était pas à vendre.

Le M5S et le Trésor ont refusé de commenter ces informations.

Le projet du M5S, élaboré avec l'aide de la banque d'affaires Mediobanca, vise à former un consortium financier qui appuierait une possible offre du groupe financier public Cassa Depositi e Prestiti (CDP) sur Borsa Italiana ou sur son activité de courtage obligataire, MTS, ont précisé les sources.

Intesa et la société d'investissement Unipol sont considérés comme de possibles membres du consortium, ont-elles ajouté.

BORSA ITALIANA POUSSÉ "DANS LES BRAS DES FRANÇAIS" ?

Le projet, défendu par le secrétaire d'Etat à la présidence du Conseil Riccardo Fracaro, valoriserait la Bourse de Milan autour de trois milliards d'euros, toujours selon les mêmes sources.

Des représentants de Mediobanca, Intesa et Unipol ont refusé de commenter ces informations.

Les autorités antitrust de l'Union européenne n'ont pas encore rendu leur décision sur le projet de rachat de Refinitiv par LSE mais certains observateurs n'excluent pas qu'elles imposent une cession de MTS.

Rome essaie depuis longtemps déjà de prendre le contrôle de cette plate-forme obligataire, considérée comme un actif stratégique en raison de son rôle dans les échanges de titres de dette publique italienne, ont dit les sources.

Mais plusieurs sources informées de la stratégie de LSE ont déclaré qu'une éventuelle cession de MTS dépendrait des décisions de l'UE sur le projet de rachat de Refinitiv.

"Ne perdez pas votre temps à discuter de Borsa. Il n'y a rien à discuter", a dit David Schwimmer à une source bancaire en référence à une hypothétique offre italienne.

L'une des sources, proche du M5S, a déclaré que Roberto Gualtieri serait favorable à un rapprochement ente Borsa Italiana et Euronext, qui regroupe les Bourses de Paris, Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne.

Stéphane Boujnah, le président du directoire d'Euronext, a récemment approché LSE afin d'exprimer son intérêt pour un éventuel rachat de Borsa Italiana, a-t-on appris de deux sources proches du dossier, mais cette approche a été rejetée.

Euronext s'est refusé à tout commentaire sur le sujet.

Le M5S s'oppose pour l'instant à l'idée d'une alliance franco-italienne et souhaite que la CDP obtienne un siège au conseil d'administration de Borsa Italiana avant que ce dernier ouvre des discussions de fusion, a précisé la première source.

"L'inertie du gouvernement pousse Borsa dans les bras des Français", a ajouté la source proche du M5S.

(Avec Huw Jones, version française Marc Angrand, édité par Jean-Michel Bélot)