A l'issue d'une réunion émaillée de huées et de sifflets de membres de la CFDT, mais aussi de protestations d'actionnaires hostiles aux sommes allouées aux dirigeants face aux contre-performances du distributeur, les résolutions concernant les rémunérations ont été votées avec un faible score.

Le Haut Comité de gouvernement d’entreprise (HCGE), qui veille à l’application du code Afep-Medef, a quant à lui fait savoir que "les modalités de détermination de la rémunération des dirigeants du groupe et notamment les indemnités de départ de son ancien PDG constituent des déviations sérieuses par rapport aux recommandations du code Afep-Medef".

Le président du HCGE a écrit au PDG de Carrefour pour l’interroger sur les modalités de la détermination de ces rémunérations et a demandé au groupe de "répondre à ces interrogations dans les plus brefs délais", a indiqué le HCGE dans un communiqué.

L'ancien PDG de Carrefour, qui a quitté le groupe en juillet 2017 à l'âge de 68 ans et a fait valoir ses droits à la retraite, a bénéficié d'une indemnité de non-concurrence d'un montant brut de 3,98 millions d'euros contestée par certains investisseurs.

"La concomitance de l'attribution d'une indemnité de non-concurrence et du départ à la retraite de Georges Plassat pose question", estime la société de gestion Phitrust qui juge que cette indemnité est en opposition avec le code Afep-Medef.

Le cabinet de conseil aux investisseurs Proxinvest avait lui aussi recommandé de voter contre la rémunération de Georges Plassat, pour les mêmes raisons, estimant que "ce package de départ est trop important au regard des performances du groupe".

"Un constat a été fait sur le retard de Carrefour dans le digital et sur les problèmes non résolus de ses hypermarchés. Au regard de ce constat, les sommes allouées à l'ancien PDG sont colossales", a déclaré à Reuters Loïc Dessaint, directeur général de Proxinvest.

Georges Plassat a reçu une rémunération - fixe et variable -de 1,7 million d'euros bruts au titre de 2017 ainsi qu'un plan de rémunération à long terme de 6,6 millions bruts.

La rémunération d'Alexandre Bompard était également critiquée par Proxinvest. Le cabinet avait émis un avis négatif "au regard du bonus maximum de la rémunération variable accordée au PDG compte-tenu des résultats réalisés jusqu'ici".

LE PDG PROMET DE NOUVELLES CONDITIONS DE DEPART

Alexandre Bompard a perçu, au titre de 2017, un salaire fixe de 750.000 euros bruts et une rémunération variable de 1,24 million d'euros bruts, soit le montant maximal prévu en cas d'atteinte d'objectifs de performance.

"A ce jour, les résultats de Carrefour ne sont pas glorieux et ne justifient pas un bonus maximum", selon Loïc Dessaint.

Le groupe a vu sa performance opérationnelle chuter en 2017 et son résultat net basculer dans le rouge après d'importantes charges.

Après un premier trimestre 2018 plombé par une nouvelle baisse des ventes dans ses hypermarchés en France et par la déflation au Brésil, le groupe s'est refusé à toute indication sur ses perspectives de résultats pour 2018.

Dans ce contexte, Alexandre Bompard a annoncé aux actionnaires qu'il ferait des propositions au conseil d'administration afin que la question de ses indemnités de départ "ne fassent pas débat".

Il a également annoncé qu'il demanderait à ce que ses plans d'intéressement de long terme comprennent une importante partie en actions et non pas en numéraire.

Les résolutions sur les rémunérations de Georges Plassat et Alexandre Bombard ont été adoptées à 68,3% et 74,3% des voix respectivement.

Proxinvest estime qu'à moins de 80%, "le vote peut être considéré comme fortement contestataire" compte-tenu du poids des trois premiers actionnaires de Carrefour.

La famille Moulin, propriétaire des Galeries Lafayette, Groupe Arnault, la holding du PDG de LVMH Bernard Arnault et l'homme d'affaires brésilien Abilio Diniz totalisent à eux trois plus de 38% des droits de vote.

Le titre Carrefour se traite à 15,48 euros à la Bourse de Paris à 13h40, en baisse vendredi, en baisse de 0,3%. Il accuse un recul de 14% depuis le début de l'année et de 29% depuis l'arrivée d'Alexandre Bompard, le 18 juillet 2017.

(édité par Benoît Van Overstraeten)

par Pascale Denis

Valeurs citées dans l'article : Carrefour, LVMH Moët Hennessy Vuitton SE