PARIS/LONDRES (Reuters) - Renault a prévenu vendredi que la crise des composants électroniques et l'inflation des matières premières pèseraient sur ses résultats du second semestre, éclipsant en Bourse sa prévision d'un retour à un bénéfice opérationnel dès cette année.

Le groupe au losange, qui accusé l'an dernier une perte nette historique de huit milliards d'euros, estime que la pénurie de puces se fera encore nettement sentir au troisième trimestre et occasionnera une perte de production de 200.000 véhicules sur l'année, deux fois plus lourde que prévu initialement.

Renault se prépare également à encaisser au second semestre un impact d'au moins 500-600 millions d'euros lié à la hausse des prix des matières premières, contre -76 millions au premier, semestre.

A la Bourse de Paris, l'action du constructeur automobile français a ouvert en fanfare, en tête du CAC 40, après l'annonce d'un retour au bénéfice. Mais le titre est ensuite repassé dans le rouge et perdait environ 2,6% vers 15h40.

"La publication du jour est clairement solide, mais nous pensons néanmoins que Renault se trouve toujours dans une situation structurelle délicate alors que ses concurrents augmentent leurs volumes de véhicules électriques et mettent ainsi la pression sur l'offre Renault", souligne Barclays dans une note.

EN BAS DU CYCLE PRODUIT

Les craintes qui entourent toujours l'avenir de Renault sont alimentées par le fait que le groupe est actuellement dans le bas de son cycle produits, comme l'a souligné le directeur général Luca de Meo au cours d'une téléconférence avec les analystes.

"Ces résultats sont les fruits de notre plan stratégique Renaulution, axé sur la rentabilité, (et) ne marquent que la première étape de notre redressement qui devrait s'accélérer avec l'arrivée des nouveaux véhicules en préparation", a-t-il précisé.

Face aux ambitions de Volkswagen ou Tesla, Renault compte bien rester dans la course de l'électrique avec dix nouveaux véhicules d'ici 2025. Mais sur les deux modèles vedettes qui seront présentés en septembre au salon de l'automobile de Munich, si la Mégane électrique arrivera en 2022, la très attendue R5 de nouvelle génération, fer de lance de l'offensive du groupe sur les citadines électriques, ne succédera pas à la Zoé avant 2024.

Les doutes sur la capacité de Renault à suivre le train d'enfer de l'électrification ont relégué au second plan l'annonce d'un bénéfice net, part du groupe, de 354 millions d'euros sur les six premiers mois de l'année, contre une perte de 7,3 milliards un an plus tôt.

Le groupe vise également pour 2021 une marge opérationnelle du même ordre que les 2,8% obtenus au premier semestre, contre -0,8% sur l'ensemble de 2020.

Tournant le dos aux ambitions de volumes de son prédécesseur Carlos Ghosn, évincé sur des accusations de malversations financières qu'il rejette, Luca de Meo met résolument l'accent sur les modèles et les marchés les plus rentables.

Après cinq trimestres consécutifs de baisse des ventes, le chiffre d'affaires du groupe a ainsi rebondi de 26,8%, pour presque moitié grâce à un nouveau record de prix de +8,7 points de pourcentage sur six mois - et même de +11,5 points sur le seul deuxième trimestre - et au positionnement tarifaire supérieur du nouveau crossover compact Arkana ou du grand fourgon Master.

Aidé également par un bénéfice surprise de son partenaire Nissan, Renault a par ailleurs presque renoué avec un free cash flow opérationnel de l'automobile positif. Au premier semestre, celui-ci est ressorti à -70 millions d'euros, à comparer avec une hémorragie de plus de six milliards d'euros sur la période identique de 2020.

(Reportage Gilles Guillaume, avec Nick Carey à Londres et Sarah White à Paris, édité par Blandine Hénault, Jean-Michel Bélot et Sophie Louet)

par Gilles Guillaume et Nick Carey