* La guerre et l'effondrement des marchés compliquent l'IPO du constructeur automobile

* Une forte baisse de la valorisation est probable pour y parvenir - sources

* Les constructeurs automobiles allemands cherchent à passer à l'électrique

par Emma-Victoria Farr

LONDRES, 20 juillet (Reuters) - Porsche pourrait être contraint de lancer le processus de sa cotation en Bourse sur la base d'une valorisation moins importante qu'anticipé alors que les difficultés s'accumulent pour le groupe automobile allemand, ont déclaré deux personnes proches du dossier.

La perspective d'une valorisation moins importante constituerait un revers pour les familles à la tête de l'entreprise qui poussent vers une IPO afin de financer la transition onéreuse des voitures de sport à moteur thermique vers l'électrique.

Les estimations initiales qui valorisaient Porsche, contrôlée par le plus grand constructeur automobile d'Europe, Volkswagen, à plus de 80 milliards d'euros, sont élevées, selon les sources.

Elles estiment qu'une valorisation moins importante pourrait être nécessaire face aux obstacles que sont la guerre, les menaces de récession et les pénuries d'énergie afin de garantir ce qui pourrait être l'une des plus grandes IPO au monde.

Porsche pourrait devoir se contenter de 60 milliards d'euros, a déclaré une des sources, en précisant que les propriétaires n'accepteraient rien de moins.

Une autre source a également ajouté que les propriétaires du constructeur avaient des points de vue différents sur la valeur à donner à la marque. Une troisième personne impliquée dans les préparatifs a déclaré que les investisseurs devaient encore se mettre d'accord sur une formule d'évaluation.

Cette semaine, les dirigeants de Porsche ont présenté leur business plan aux investisseurs. Lutz Meschke, directeur financier, a déclaré aux journalistes que le constructeur automobile était "financièrement résilient" et "bien préparé pour les étapes suivantes".

Porsche a estimé son chiffre d'affaire à plus de 38 milliards en 2022, contre 33 milliards en 2021, malgré une baisse de 5% des livraisons au premier semestre de cette année.

Cependant, certains investisseurs restent hésitants.

Le mois dernier Bernstein Research a fixé la "juste valeur" de Porsche à environ 75 milliards d'euros, la qualifiant de "grande entreprise mais [ce n'est] pas Ferrari" en raison des marges plus élevées de cette dernière.

L'un des 20 principaux actionnaires de Volkswagen a déclaré à Reuters qu'il ne voyait pas d'un bon œil l'introduction en bourse, car seule une petite quantité d'actions sera vendue, ce qui donnera peu d'influence aux nouveaux actionnaires.

Porsche ferait mieux de rester au sein du groupe Volkswagen, tandis que l'introduction en bourse ne "créerait pas de valeur" à long terme, a ajouté ce dernier, qui a demandé à ne pas être nommé.

Plus tôt dans la semaine, Oliver Blume, président du directoire de Porsche, et Lutz Meschke se sont montrés confiants dans leurs présentations.

Les affaires ont été solides pendant la pandémie, a déclaré Oliver Blume. "Il y a un grand besoin sur les marchés des capitaux et beaucoup d'argent à investir".

Les banquiers chargés de l'opération ont l'intention d'étudier les conditions du marché à la fin du mois d'août, avec une décision du conseil d'administration de Porsche et un document d'intention d'introduction en bourse qui pourraient être publiés peu de temps après.

Un porte-parole de Porsche a déclaré qu'il n'y avait pas eu de "nouvelles décisions" concernant ses projets d'introduction en bourse, tandis que Volkswagen s'est refusé à tout commentaire.

CHANGEMENT VERS L'ÉLECTRIQUE

La volonté d'introduction en bourse intervient alors que les constructeurs automobiles allemands cherchent à rompre le lien avec les moteurs diesel et essence afin de s'orienter vers des modèles électriques plus silencieux et plus écologiques.

Porsche souhaite que 80% de ses ventes de voitures soient électriques d'ici à 2030, soit environ quatre fois plus que le niveau actuel, tandis que Volkswagen s'est également engagé dans cet ambitieux virage vers des véhicules, des batteries et des logiciels électriques. L'introduction en bourse est destinée à financer ce changement.

Si la cotation n'a pas lieu ou si elle n'a lieu qu'avec une décote, il y aura moins à investir.

Une introduction en bourse modifierait également l'équilibre des pouvoirs au sein du premier constructeur automobile européen, Volkswagen, qui contrôle Porsche depuis une tentative de rachat ratée il y a plus de dix ans.

Toutefois, les obstacles économiques sont considérables.

Seulement 2,3 milliards de dollars ont été levés sur les marchés des capitaux allemands cette année, soit une baisse de 90% par rapport à l'année précédente, selon les données Refinitiv. Seuls 12,5% des actions de Porsche seront en circulation libre, avec une chute des valorisations des constructeurs automobiles européens depuis le début de l'année 2022.

Les constructeurs de voitures de luxe ont été particulièrement touchés. La capitalisation boursière d'Aston Martin a perdu 57% de sa valeur depuis le début de l'année 2022, et Ferrari près d'un tiers.

Porsche pourrait être comparé à des marques de luxe cotées très bien valorisées, telles que la maison française de luxe LVMH, mais elle reste toujours dans l'ombre de Tesla , estime un banquier impliqué dans le dossier.

(Reportage additionnel Christoph Steitz à Francfort, Victoria Waldersee à Berlin et Lucy Raitano à Londres; version française Alizée Degorce, édité par Kate Entringer)