(Actualisation: réaction en Bourse, déclarations du PDG et du directeur financier lors de la conférence analystes)

PARIS (Agefi-Dow Jones)--Le fabricant de matériaux de construction Saint-Gobain a annoncé vendredi un accord avec la famille Burkard et Sika l'amenant à renoncer de facto au contrôle de l'entreprise suisse et résolvant un conflit vieux de près de quatre années.

L'annonce de cet accord a été bien accueilli par le marché, l'action Saint-Gobain prenant 2,4% à 45,12 euros à Paris tandis que Sika s'envolait de 10,9% à 8.320 francs suisses à Zurich. Les analystes de Davy Research jugent cette issue positive pour l'ensemble des parties concernées, dans la mesure où la prise de contrôle de Sika par Saint-Gobain était vouée à l'échec.

Un schéma complexe

En 2014, Saint-Gobain avait annoncé son intention d'acquérir pour 2,75 milliards de francs suisses les actions Sika de Schenker-Winkler, la holding de la famille Burkard, détentrice de 17% du capital et de 52% des droits de vote de Sika. Cette opération a été contestée par la majorité du conseil d'administration de Sika qui a tenté par tous les moyens de la faire échouer.

L'accord annoncé vendredi met définitivement fin à l'ensemble des litiges entre les acteurs de ce long feuilleton, a indiqué Saint-Gobain. Le schéma est assez complexe : Saint-Gobain a ainsi racheté la holding Schenker-Winkler pour 3,22 milliards de francs suisses (2,7 milliards d'euros), soit 500 millions de plus que lors de l'accord initialement passé en octobre 2014, de sorte à tenir compte de l'appréciation de Sika en Bourse.

Dans la foulée, Saint-Gobain a cédé à Sika 6,97% de son propre capital, via la participation acquise via Schenker-Winkler. Cette cession, qui représente 23,7% des droits de vote de Sika, a été réalisée pour un montant total de 2,08 milliards de francs suisses, qui inclut une prime de 795 millions de francs par rapport au cours de Bourse du 4 mai.

A la suite de cette opération, Sika va convoquer une assemblée générale extraordinaire le 11 juin, lors de laquelle elle proposera d'annuler les 6,97% du capital acquis auprès de Saint-Gobain. Elle proposera également la suppression de la limitation statutaire de transfert des titres à 5% ainsi que la clause statutaire d'opt-out, qui en Suisse permet à un actionnaire qui acquiert plus du tiers des droits de vote d'une société de ne pas faire d'offre publique d'achat sur le reste du capital. Surtout, Sika va proposer de convertir toutes ses actions en une catégorie d'action unique (dite "une action, une voix") avec un ratio de conversion de 1:60 pour les actions au porteur.

Saint-Gobain et Schenker-Winkler se sont engagés à voter en faveur de l'ensemble de ces résolutions, les représentants de la famille Burkard, Urs Burkard, Jürgen Tinggren et Willi Leimer ayant par ailleurs démissionné du conseil d'administration.

Une marge de manoeuvre pour réaliser des acquisitions

A l'issue de cette assemblée générale extraordinaire, Saint-Gobain détiendra 10,75% du capital et des droits de vote de Sika. Le directeur financier de Saint-Gobain, Guillaume Texier, a expliqué durant une conférence analystes que ce montant correspondait aux 10% que le groupe conservait dans Sika augmenté de l'effet relutif dû aux rachats d'actions du groupe suisse.

Les deux groupes ont convenu que Saint-Gobain conserverait pendant au moins deux ans cette participation sans pouvoir dépasser un plafond de 10,75% pendant quatre ans. Ce plafond sera ensuite relevé à 12,875% pendant les deux années suivantes.

"Dans le cas où une cession d'actions serait envisagée par Saint-Gobain, cette dernière devrait les proposer à Sika en priorité, dans la limite de 10,75% du capital de Sika", ont par ailleurs indiqué les deux groupes dans un communiqué. Sika et Saint-Gobain vont également approfondir leurs relations commerciales "qu'ils chercheront à étendre dans des domaines qui leur sont mutuellement bénéfiques".

"C'est une issue très positive, tant d'un point de vue financier que stratégique. Nous dégageons un résultat net positif de plus de 600 millions d'euros pour nos actionnaires. Nous conservons également une participation minoritaire dans une belle société et allons accroître la collaboration entre les deux groupes", a déclaré Pierre-André de Chalendar, le PDG de Saint-Gobain, cité dans un communiqué.

Ce montant de 600 millions d'euros correspond à la plus-value latente que réaliserait Saint-Gobain si le groupe vendait ses parts dans Sika aujourd'hui. Pierre-André de Chalendar a jugé lors d'une téléconférence que cette estimation de résultat net était "prudente", l'action Sika ayant de bonne chances de s'apprécier.

Interrogé sur l'avenir de la participation de Saint-Gobain dans Sika, Pierre-André de Chalendar n'a pas donné d'indication, affirmant simplement que "Sika est une belle entreprise et que nous sommes aujourd'hui pleinement satisfaits en tant qu'actionnaire de long terme à ce niveau de participation".

Cette opération va également permettre à Saint-Gobain de disposer de davantage de marges de manoeuvre pour poursuivre des acquisitions. L'enveloppe annuelle de 500 millions d'euros pourrait ainsi être dépassée. Pierre-André de Chalendar a d'ailleurs indiqué que le groupe avait réalisé 300 millions d'euros d'acquisitions depuis le début de l'année. Le groupe continuera de favoriser "les acquisitions de petite et moyenne taille", a-t-il ajouté.

-Julien Marion, Agefi-DowJones; 01 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed : VLV

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