Paris (awp/afp) - Le géant hôtelier AccorInvest, ex-filiale d'Accor fragilisée par la pandémie de Covid-19, va obtenir un prêt garanti de l'Etat (PGE) massif, d'un montant inédit proche d'un demi-milliard d'euros, a annoncé mardi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, ce qui reflète la situation critique que traversent certains mastodontes du secteur, après dix mois de crise.

Après avoir vu son chiffre d'affaires fondre de 70%, l'entreprise avait annoncé mi-janvier envisager la suppression de 1.900 emplois en Europe -dont environ 770 en France- soit près de 10% de ses quelque 26.000 salariés, et pour renflouer sa trésorerie, demander un prêt garanti par l'État (PGE) de 477 millions d'euros, tout en préparant une augmentation de capital de même ampleur.

"AccorInvest (...) est en grande difficulté financière (...) donc nous allons effectivement accorder un prêt garanti par l'Etat à AccorInvest d'un demi-milliard d'euros", a annoncé M. Le Maire sur Radio Classique, précisant que la validation de ce PGE était "dans la toute dernière ligne droite", a précisé le ministre.

En 2019, l'entreprise faisait 4 milliards d'euros de chiffre d'affaires.

Selon un porte-parole d'AccorInvest, le montant exact du prêt est de 477 millions d'euros, ce qui est significatif, rapporté aux 10,52 milliards d'euros de PGE octroyés au total par les banques au secteur du tourisme -dont 5,34 milliards pour la restauration et 2,71 milliards pour l'hôtellerie notamment- au 25 janvier, selon le secrétariat d'Etat au tourisme.

Autrefois pôle immobilier d'Accor - qui n'en possède désormais plus que 30%, un niveau de participation figé jusqu'en 2023 - la société AccorInvest détient les murs de 887 hôtels sous différentes marques du géant français de l'hôtellerie (Ibis, Novotel, Mercure...) dans 28 pays, soit un cinquième du parc exploité par celui-ci dans le monde.

Les principaux actionnaires d'AccorInvest sont, outre Accor, les fonds souverain saoudien PIF et singapourien GIC, le fonds d'investissement américain Colony NorthStar, aux côtés de Crédit Agricole Assurances et sa filiale de gestion d'actifs Amundi.

Alléger le fardeau de la dette

Pour améliorer sa situation financière, le groupe a déjà procédé à la cession ce deux portefeuilles hôteliers, l'un en Afrique subsaharienne et l'autre en Australie, pour un montant global de 230 millions d'euros, a précisé un porte-parole à l'AFP.

Pour AccorInvest, violemment touché par la crise du Covid-19 qui le prive durablement de revenus, l'enjeu est d'alléger le fardeau de sa dette qui s'élève à près de 4 milliards d'euros, en allongeant la maturité de celle-ci.

Cette dette est notamment liée au rachat, fin 2019, du groupe polonais Orbis sur lequel AccorInvest avait lancé une Offre publique d'achat pour quelque 1,2 milliard d'euros: l'opération avait fait tomber dans son escarcelle 73 hôtels, soit environ 14.000 chambres, dans six pays d'Europe centrale.

Le but de l'acquisition était de "renforcer un réseau à 90% européen et déjà axé sur les segments moyen de gamme et économique", avait alors déclaré à l'AFP John Ozinga, directeur général d'AccorInvest.

Au terme de près de 11 mois de crise sanitaire, le secteur du tourisme est sinistré et des groupes dont la rentabilité était basée sur un fort taux d'occupation et des prix élevés souffrent particulièrement: le taux d'occupation des hôtels -qui n'ont pas été contraints de fermer, mais ont massivement gardé portes closes ou tourné au ralenti faute de clients- a chuté à moins de 33% en 2020 en France.

L'hôtellerie qui souffre le plus est celle du haut de gamme, dont le flux de clients s'est tari avec les restrictions aux frontières, et des affaires, affaiblie par l'arrêt des congrès et séminaires.

Des réductions d'effectifs commencent à être annoncées. Fin juillet, le groupe Hôtels Constellation a annoncé supprimer 247 emplois dans ses hôtels Martinez à Cannes, Hyatt Regency Paris Étoile et Hyatt Louvre dans la capitale. Trois mois plus tard Accor, sixième groupe hôtelier mondial, prévoyait de son côté supprimer un millier d'emplois dans le monde, dont "300 à 400" en France, après avoir perdu 1,5 milliard d'euros au premier semestre.

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