par Caroline Pailliez et LEA GUEDJ

PARIS, 1er juillet (Reuters) - Trois fois par semaine, Loris Foreman, agent d'escale à l'aéroport de Paris-Roissy-Charles de Gaulle, se lève à 4 heures du matin pour partir travailler.

Son organisation est bien rodée. En quinze minutes, il prend sa douche, enfile chemise et pantalon, ajuste sa cravate, se brosse les cheveux et part en voiture, café en main.

"C'est de la passion avant tout, mais c'est beaucoup de sacrifices", résume le professionnel de 33 ans qui travaille depuis 8 ans pour un sous-traitant de grandes compagnies aériennes comme Qatar Airways, Emirates ou encore Air Canada.

Elu CGT, Loris Foreman prépare depuis des semaines avec d'autres militants une mobilisation qui réunira vendredi matin des salariés de sous-traitants des aéroports de Paris-Roissy-Charles de Gaulle et de Paris-Orly, mais aussi de grands groupes comme ADP (Aéroports de Paris) ou Air France.

Tous réclament des augmentations de salaire pour faire face à l'inflation galopante, alors que l'Insee table sur une augmentation des prix de 5,5% en 2022 en France, et que le trafic aérien renoue avec des niveaux d'avant pandémie.

"On est travailleurs pauvres. Nous, la classe moyenne, on trinque", dit-il en ouvrant son frigo pour montrer ses derniers achats faits en promotion.

L'agent d'escale a gagné le mois dernier 1.770 euros net, une somme non négligeable à ses yeux, mais qui ne lui permet pas de vivre confortablement avec la hausse du coût de la vie. Les fins de mois sont délicates.

Avec une augmentation de 120 euros par mois de son budget essence, il ne fait pas le plein au complet et limite ses trajets en voiture aux parcours domicile-travail.

Il a remis à plus tard les travaux de 30.000 euros nécessaires dans sa résidence, malgré les fuites dans le toit. Même chose pour sa voiture, achetée à 600 euros, alors que son rétroviseur droit est cassé.

Il emmènera ses neveux et nièces en vacances au mois d'août, en Italie et non en France, parce que la destination est moins chère et qu'on lui permet de payer en trois fois.

"Les salaires doivent être augmentés, mais il faut arrêter de parler d’augmentations de 2, 3 pour cent. Il faut directement augmenter les salaires à 15, 20 pour cent. On ne peut pas avoir 20, 30 euros par-ci par-là", estime Loris Foreman qui réclame une augmentation de 300 euros par mois pour tous les salariés.

Pour lui, c'est un juste retour des choses. "Quand vous travaillez tout le temps à 5 heures du matin ou en décalé, il y a une fatigue qui arrive et c’est le 'burn out'. En ce moment, à l’aéroport, il y a énormément d’arrêts maladie pour dépression. On ressent quand même un mal-être des salariés", dit-il.

Les mouvements sociaux des personnels aériens se multiplient à travers l'Europe à l'approche des congés d'été, avec pour conséquence de fortes perturbations dans les aéroports, à l'image des longues files d'attentes et annulations à Londres, Amsterdam, ou encore Rome et Francfort.

Ces perturbations sont exacerbées par les difficultés que rencontrent les acteurs du secteur à recruter après avoir massivement licencié durant la pandémie.

A Paris, une première manifestation le 9 juin - qui avait réuni 1.500 grévistes, selon la CGT - avait entraîné l'annulation de 20% des vols en matinée à Paris-Charles de Gaulle, selon la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

La DGAC a demandé aux compagnies aériennes de supprimer un vol sur six vendredi entre 07h00 et 14h00, heure locale, ce qui représente 17% du trafic.

"Certes, on prend les passagers en otages, mais on a besoin de se faire entendre et la seule chose pour se faire entendre, c'est la grève", souligne Loris Foreman. (Reportage Caroline Pailliez et Léa Guedj)