PARIS (Agefi-Dow Jones)--Un an après l'échec de son projet de fusion avec Siemens Mobility, Alstom reprend le train des fusion-acquisitions. L'équipementier ferroviaire a confirmé lundi matin être en discussions avec le groupe canadien Bombardier pour un potentiel rachat de son pôle ferroviaire, Bombardier Transport. "Aucune décision finale n'a été prise", a ajouté Alstom.

Le Wall Street Journal avait auparavant rapporté qu'Alstom et Bombardier avaient signé un accord préliminaire sur une telle transaction pour plus de 7 milliards de dollars, soit environ 6,5 milliards d'euros. L'acquisition devrait essentiellement être libellée en numéraire, avec une partie en actions, selon les sources du Wall Street Journal. La Caisse de dépôt et placement du Québec, qui détient 32,5% du capital de la branche ferroviaire de Bombardier, a accepté de céder cette participation à Alstom et d'acquérir une participation minoritaire dans le nouvel ensemble, ont précisé ces sources.

Un acteur mieux armé face au chinois CRRC

La perspective de cette union ravit le marché. En milieu d'après-midi, le titre Alstom gagnait 4%, à 50,54 euros, soit la troisième plus forte hausse du SBF 120. UBS juge que le rachat de Bombardier par l'équipementier français pourrait être "fortement créateur de valeur" pour le groupe français. Sur la base des chiffres parus dans la presse, la banque suisse calcule un impact positif sur le bénéfice net par action de 43,6% pour l'exercice 2021-2022. JPMorgan Cazenove estimait la semaine dernière que l'opération pourrait augmenter de plus de 25% le bénéfice par action pour l'exercice 2021-2022, hors éventuelles cessions.

Dans un secteur où la taille permet de mieux absorber des coûts fixes importants et de lisser les aléas des commandes, Alstom s'armerait face à la concurrence potentielle du mastodonte China Railway Rolling Stock Corporation (CRRC). Le groupe chinois pose peu à peu ses pions en Europe et a par exemple racheté en août la division locomotives de l'allemand Vossloh. "La présence de CRRC est aujourd'hui marginale en Europe mais son marché national commence à saturer et il pourrait ainsi monter en puissance en Europe", explique Arnaud Aymé, consultant au cabinet Sia Conseil. Selon Morgan Stanley, le chiffre d'affaires total de Bombardier Transport et Alstom représenterait 15,8 milliards d'euros en données pro forma, soit environ 60% des revenus de CRRC, de près de 30 milliards d'euros.

Ce rachat risque toutefois de peser sur les marges d'Alstom. Dans ses prévisions, UBS retient une marge d'exploitation ajustée de 8,1% pour le nouvel ensemble en 2021-2022, contre 8,9% pour Alstom seul. "Il faudra qu'Alstom montre des synergies de nature à contrebalancer la dilution de cette acquisition sur les marges, la rentabilité de Bombardier Transport étant inférieure de 4 points à celle d'Alstom, avec une marge d'exploitation de l'ordre de 3% à 4%", prévient un analyste parisien.

Une opération qui serait dans le collimateur de Bruxelles

Un potentiel rachat de Bombardier Transport par Alstom devra surtout obtenir l'aval de la Commission européenne, qui avait mis son veto l'an dernier à la fusion Alstom-Siemens Mobility, inquiète des conséquences de l'opération pour la concurrence sur le marché des systèmes de signalisation et celui des trains à très grande vitesse.

La branche ferroviaire de Bombardier dispose d'une importante présence en Europe, avec un siège social en Allemagne, à Berlin. D'après UBS, 63% des 40.600 salariés de Bombardier Transport sont présents en Europe. La banque suisse estime toutefois qu'un rapprochement Alstom-Bombardier Transport devrait se heurter à moins d'obstacles de la part de Bruxelles que la fusion Alstom-Siemens Mobility.

"Les risques sont réels, mais ils sont peut-être moins importants que dans le cas de la fusion avec Siemens Mobility", confirme Arnaud Aymé. Le consultant de Sia Conseil rappelle que la France et l'Allemagne ont demandé à la nouvelle Commission européenne de ne plus seulement assurer "une concurrence pure et parfaite", mais aussi de "permettre l'existence de champions européens capables de conquérir des marchés internationaux". De plus "Bombardier et Alstom devraient avoir des parts de marché moindres que Siemens-Alstom dans les infrastructures ferroviaires, ce qui devrait faire moins peur à leurs clients", ajoute le consultant.

La réalisation de l'opération pourrait par ailleurs prendre un certain temps. JPMorgan Cazenove estime que Bombardier et Alstom pourraient avoir besoin de 12 à 18 mois pour obtenir le feu vert de l'ensemble des autorités de régulation.

-Julien Marion, Agefi-Dow Jones; +33 (0)1 41 27 47 94; jmarion@agefi.fr ed: LBO

Agefi-Dow Jones The financial newswire