par Julien Ponthus, Mathieu Rosemain et Emma-Victoria Farr

PARIS/FRANCFORT, 1er septembre (Reuters) - Advent va tester cet automne l'appétit du marché des fusions et acquisitions et du capital investissement avec la prochaine mise en vente pour plusieurs milliards d'euros de la société IDEMIA spécialisée dans la sécurité numérique.

Si confirmée, cette mise en vente d'IDEMIA interviendrait dans un contexte de conditions de financement plus contraignantes pour les fonds et de craintes de récession.

Les banques d'affaires Goldman Sachs et Rothschild ont été mandatées par Advent et la mise en vente devrait être lancée très prochainement, ont indiqué à Reuters des sources proches du dossier.

Goldman Sachs, Rothschild, IDEMIA et Advent se sont refusés à tout commentaire.

Du point de vue vendeur, la période choisie pour ce qui devrait être la plus grosse opération de capital investissement est tout sauf idéale.

Depuis le début de l'année, le Nasdaq a perdu environ 25% et l'indice européen des valeurs technologiques a cédé plus de 30%.

Les contextes de remontée de taux d'intérêt ne sont jamais favorables aux valorisations dans le secteur des technologies, les investisseurs privilégiant les obligations souveraines jugées plus sûres au détriment des entreprises à forte croissance.

Le resserrement des politiques monétaires et le ralentissement de l'économie, tant aux États-Unis qu'en Europe, ont créé un environnement plus difficile pour les syndications bancaires, pénalisant la capacité des acquéreurs à lever des fonds et à participer aux processus de vente.

Au deuxième trimestre, les grandes banques américaines et européennes ont passé dans leurs comptes des centaines de millions de dépréciations sur les prêts à effet de levier et la facture va s'alourdir cette année compte tenu des financements qu'elles se sont engagées à apporter.

Des sources qui ont analysé la vente à venir d'IDEMIA soulignent que la société de sécurité numérique est difficile à valoriser dans son ensemble et que certains acquéreurs potentiels pourraient n'être intéressés que par les activités de biométrie et de cryptographie et ignorer les activités de cartes SIM et de systèmes de paiement.

D'après les sources, les activités de biométrie et de cryptographie sont valorisées à 3 milliards d'euros et les activités dans les cartes SIM à environ un milliard.

Les valorisations précises ne seront établies qu'une fois que les candidats au rachat auront accès aux données de l'entreprise.

IDEMIA, soutenue par Bpifrance, fabrique des produits de reconnaissance faciale et des produits d'identification biométrique, ainsi que des outils d'identification pour le contrôle aux frontières.

L'entreprise travaille en étroite collaboration avec les agences nationales pour la vérification de l'identité des voyageurs et le contrôle de l'immigration irrégulière.

En raison du caractère sensible de ces activités, le candidat retenu pour le rachat d'IDEMIA devra également obtenir le feu vert du gouvernement.

"Il y a plusieurs autorités françaises et américaines concernées par la protection des technologies propriétaires respectives (...) ce ne sera pas une mince affaire facile pour les groupes industriels (souhaitant acquérir IDEMIA)", a déclaré une source proche d'IDEMIA.

Le gouvernement français, qui cherche par ailleurs à attirer les investisseurs, a renforcé son contrôle des investissements étrangers, à la fois en abaissant le seuil nécessaire à leur autorisation gouvernementale et en étendant la liste des secteurs jugés stratégiques.

Dans la mesure où IDEMIA a une clientèle très internationale et que son actuel propriétaire est étranger, le gouvernement pourrait ne pas demander que le repreneur soit français, ont indiqué les sources. (Reportage Julien Ponthus, Mathieu Rosemain et Emma-Victoria Farr, version française Matthieu Protard, édité par Sophie Louet)