En 1989 Patrick Cathala crée Aurès, qui signifie "oreilles" en latin. Savoir écouter le marché, la demande et les clients a toujours été au cœur de la philosophie de l’entreprise. Commercialisant d’abord des produits tiers, la société monte petit à petit en gamme, développe des produits en marque propre,  se rapproche de ses clients, s’internationalise, et grandit par acquisitions. Après une année 2019 décevante (-16% en organique) compte tenu d’un effet de base difficile et un exercice 2020 (-24%) frappé par le COVID, Aurès semble reprendre le chemin de la croissance. L’occasion de faire le point avec le management du spécialiste des terminaux de points de vente (TPV).

Patrick Cathala, le modèle économique d’Aurès a évolué dans le temps. A l’heure où l’innovation et la récurrence des revenus sont rois, où en est Aurès ?

"Nous sommes encore majoritairement fournisseurs de hardware, dont les ventes ne sont pas en soit récurrentes. Cependant, quand vous avez comme clients des grandes chaînes de distribution, hôtelières, ou de restaurants ainsi que des réseaux de revendeurs spécialisés satisfaits, de fait, vous jouissez d’une certaine récurrence. Sachant que le matériel est renouvelé en moyenne tous les 5 ans. A titre d’exemple, depuis 2017, nous déployons nos terminaux dans les magasins Kaufland, enseigne du groupe Schwarz, propriétaire de Lidl. Ce géant de la distribution, premier groupe européen, vient de nous sélectionner pour sa marque phare, démontrant sa satisfaction.

Par ailleurs, l’acquisition fin 2018 de la société américaine Retail Technology Group (RTG - 38% du CA 2019), un des principaux prestataires américains en termes de services, maintenance et support dans le domaine des points de vente a permis d’ajouter une gamme de services récurrents à notre offre hardware.

Enfin, en 2019, fort de la signature de premiers contrats commerciaux en 2018, le Groupe poursuit le développement de la division KIOSK qui offre des bornes digitales très prometteuses face au challenge du commerce connecté, de l’omni canal et de la mobilité. Cette nouvelle division, qui pèse encore peu à l’échelle du groupe, renforce notre capacité d’innovation et la récurrence de nos ventes."

La crise, en modifiant les comportements d’achat, doit vous encourager à accélérer ce mouvement stratégique ? 

"Effectivement. C’est pourquoi nous avons créé en 2020 une Division Innovation afin d’anticiper et relever les défis liés à la transformation des habitudes d’achat et ainsi pouvoir accompagner les projets d’évolution ou de transformation informatique des clients. Tous nos efforts se portent actuellement sur la structuration de cette activité KIOSK avec le recrutement de nouveaux collaborateurs, la mise en place d'une gamme standard de produits, et, la réflexion sur la nécessité de pouvoir répondre, de manière globale, à tous types et tailles de marchés en proposant non seulement le hardware mais aussi le middleware, c’est-à-dire l’environnement informatique pouvant fournir aux logiciels de partenaires ou de clients, des services et des fonctionnalités supplémentaires d’interconnexion et de briques applicatives, comme le click & collect, le drive, le self-ordering, le monitoring de parc, etc… Les 3000 bornes Free commandées par Iliad depuis 2018 sont très encourageantes. Cette évolution stratégique augmentera la récurrence de nos revenus car les logiciels de middleware ont vocation à faire l’objet de facturation de mises à jour régulières et parce que ces bornes se prêtent bien aux contrats de leasing. Historiquement fournisseur de hardware, nous sommes donc en train de devenir fournisseur de solutions digitales."

Evolution des marges brutes et opérationnelles d’Aurès depuis 2014 (Source : rapport annuel 2020 du Groupe Aurès)

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La marge brute du Groupe a fortement augmenté depuis 2019, tandis que la marge opérationnelle a chuté. Pourquoi ?

"Cette évolution est liée à l’intégration de RTG dans le périmètre de consolidation. RTG ayant principalement une activité de services, sa marge brute est plus élevée et a donc mécaniquement fait augmenter le taux Groupe. Par contre, faute de rentabilité en 2019, RTG a pesé sur la marge opérationnelle."

Quelle est votre part de marché ? Etes-vous confronté à une concurrence asiatique ?

"Le marché mondial du TPV était en décroissance depuis quelques années déjà et la crise sanitaire a touché de plein fouet la plupart des points de vente. Suite au COVID, le marché était attendu en baisse de 14% en 2020 selon RBR. Le retour à un niveau pre-COVID devrait être atteint d'ici 2022. Au sein de ce secteur concurrentiel, dominé par de grands acteurs comme Toshiba-IBM, HP et les allemands Wincor-Nixdorf et NCR Orderman, nous nous positionnons en challenger agile du top 10. Créatif et particulièrement à l’écoute de nos clients, nous savons concevoir des produits customisés et design à prix compétitifs sur l’ensemble de la durée de vie du produit. Nous assemblons en Europe les composants (écrans, carte mère…) que nous concevons et faisons fabriquer en Chine et à Taïwan. Si bien que la concurrence asiatique, taiwanaise en l’occurrence, n’est pas vraiment un sujet de préoccupation pour nous à ce stade."

Comment se présente l’année 2021 ? Etes-vous affectés par la pénurie de composants électroniques ?

"Nous sortons renforcés d’une année 2020 très difficile compte tenu du poids de nos ventes hardware et de prééminence de la clientèle de restaurateurs dans les ventes de RTG. Compte tenu de l’activité de dépannage et de maintenance de cette filiale américaine, des solutions radicales se sont vite imposées. Nous avons dû procéder à un certain nombre de licenciements là-bas et repartir d’une feuille blanche, si bien qu’après trois années de pertes depuis la reprise de RTG, nous attendons un net retour aux profits en 2021. Concernant les autres activités, sauf prolongation de la crise sanitaire ou de la pénurie de composants, que nous sommes jusque là parvenus à gérer, l’année devrait être bien meilleure que 2020.

Suite à l'opération de croissance externe réalisée en février 2021, le Groupe a pour premier objectif de finaliser son middleware le plus rapidement possible grâce à ses équipes de développement situées en Tunisie, et ce, afin d'apporter une réponse complète (hardware, middleware et applications), couvrant tous types de secteur, afin de dynamiser sensiblement le développement des ventes de kiosks."

Votre groupe est-il déjà prêt à renouer avec une politique de croissance externe ambitieuse ?

"Notre structure bilantielle le permettrait, mais nous ne courrons pas après. Nous avons grandi par croissance externe au gré des opportunités. Fabriquer aux Etats-Unis aurait un sens, mais en attendant, cela ne nous empêchera pas de vendre nos machines aux clients de RTG."

source : présentation investisseurs Aurès