* $20.000 milliards de capitalisation effacés depuis janvier

* Les perspectives de profits risquent d'être nettement abaissées

* La valorisation de l'indice MSCI mondial sous sa moyenne à 20 ans

par Danilo Masoni et Medha Singh

MILAN, 8 juillet (Reuters) - La période à venir des publications de résultats pourrait déclencher un nouveau mouvement de forte baisse des actions à l'échelle mondiale car les prévisions de bénéfices semblent beaucoup trop optimistes au vu de la montée du risque de récession, avertissent de nombreux gérants et analystes.

Les actions mondiales ont déjà vu leur valeur globale fondre de plus de 20.000 milliards de dollars (19.800 milliards d'euros) depuis les pics de début janvier et les valorisations sont tombées sous leur moyenne historique, ce qui devrait tenter en principe les adeptes des achats à bon compte.

Mais les avertissements sur résultats lancés ces dernières semaines par les distributeurs américain Target et WalMart comme par des groupes qui avaient profité à plein de la pandémie, telles l'enseigne allemande Zalando ou la britannique B&M, ont ravivé la crainte d'une dégradation durable de la consommation.

Pour Emmanuel Cau, stratège de Barclays, les résultats financiers vont ainsi devenir "le prochain moteur pour les marchés" après les valorisations.

La banque britannique estime donc que les marchés actions risquent d'avoir du mal à trouver leur point bas tant que les prévisions de profits seront revues à la baisse.

Or, note Francesco Cudrano, conseiller de Simplify Partners, "il y a eu très peu de révisions à la baisse sur les bénéfices des entreprises, il y a encore trop d'optimisme".

"C'est la raison pour laquelle nous nous attendons à une nouvelle correction lorsque les résultats auront été publiés et avec cette volatilité, ça risque vraiment de faire mal", ajoute-t-il.

Il précise que Simplify a réduit son exposition aux actions au profit des liquidités pour anticiper une baisse de 15% à 20% des cours.

Les banques américaines donneront le coup d'envoi de la saison des trimestriels à Wall Street en fin de semaine prochaine et les publications débuteront la semaine suivante en Europe.

"Des pré-annonces négatives peuvent intervenir à tout moment désormais. Les chiffres d'affaires comme les marges sont menacés", estime Eric Johnston, directeur des dérivés actions et du multi-actifs chez Cantor Fitzgerald.

"Nous n'avons pas de scénario dans lequel la Fed serait en mesure de lever le pied avant au moins quatre mois, même si la croissance se détériore et même si les actions baissent", ajoute-t-il en référence au cycle de relèvement des taux d'intérêt engagé par la Réserve fédérale.

La probabilité estimée d'une croissance des bénéfices mondiaux d'ici un an est tombée à 37%, son plus bas niveau depuis fin 2015, selon Absolute Strategy Research, qui a interrogé des investisseurs gérant au total 5.200 milliards de dollars d'actifs.

Selon la même enquête, la probabilité que les actions assurent un meilleur rendement que les obligations sur les 12 prochains mois est tombée à 53%, son plus bas niveau historique.

Alors que les économistes ont régulièrement revu à la hausse le risque d'une récession aux Etats-Unis et en Europe, les prévisions de résultats pour cette année ont continué d'augmenter depuis janvier.

Selon Refinitiv, les profits en Europe devraient ainsi croître de 15,2% sur l'ensemble de 2022 et de 4,1% en 2023 tandis qu'aux Etats-Unis, la hausse devrait être de 10,8% cette année et de 9,1% l'an prochain.

Barclays table sur une baisse de 8% de l'indice européen Stoxx 600 à 380 points et U.S. Bank Wealth Management a réduit de 16% son objectif sur le Standard & Poor's 500 en fin d'année, à 4.050 points.

L'indice mondial MSCI AC World est actuellement valorisé 14,3 fois les bénéfices attendus, soit environ 11% en dessous de sa moyenne des 20 dernières années. Mais ce niveau n'intègre pas d'éventuelles révisions à la baisse des estimations de bénéfices.

"Une forte baisse du revenu réel, une détérioration de l'activité à l'échelle mondiale, une prolongation de la guerre et l'incertitude sont autant de raisons d'être inquiet", explique Michele Morganti, stratège senior de Generali Investments, qui s'attend à des révisions à la baisse des prévisions de résultats pour le deuxième semestre de cette année et pour 2023.

(Reportage Danilo Masoni et Medha Singh, version française Marc Angrand)